De l’indigénat

Anatomie d'un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l'Empire français

Internement administratif pour une durée indéterminée, responsabilité collective appliquée à des tribus et des villages entiers, séquestre des propriétés « indigènes » et transfert de celles-ci aux colons, Code de l’indigénat enfin, adopté en 1875 puis régulièrement reconduit par les députés de la IIIe République : telles sont les principales dispositions répressives appliquées dans l’Algérie coloniale, jusqu’en 1945.
Citant largement les textes ? dont le fameux « code de l’Indigénat » est enfin publié dans son intégralité ? et les commentaires dont ils firent l’objet, Olivier Le Cour Grandmaison les analyse de façon précise, et met ainsi en évidence l’existence d’un racisme d’État longtemps théorisé et pratiqué par la République. Qualifiées de « monstres » juridiques par plusieurs juristes de l’époque, ces différentes mesures furent exportées dans les autres territoires de l’Empire au fur et à mesure de l’extraordinaire expansion coloniale de la France entre 1871 et 1913.
L’exception politique et juridique est ainsi devenue la règle pour les « indigènes ». À cela s’ajoutent le travail forcé et l’esclavage domestique, lequel a continué de prospérer au vu et au su des autorités françaises. Hier essentielle à la pérennité de la République impériale, cette législation coloniale est aujourd’hui trop souvent ignorée. Exhumer ses principes, étudier ses mécanismes et leurs conséquences pour les autochtones privés des droits et libertés démocratiques élémentaires, tels sont les objets de ce livre. Sommes-nous complètement affranchis de ce passé ? Hélas non. L’internement des étrangers sans-papiers et le « délit de solidarité » le prouvent. L’un et l’autre ont des origines coloniales.

Olivier Le Cour Grandmaison enseigne à l’université d’Évry-Val-d’Essonne les sciences politiques et la philosophie politique.

Version Numérique 10,99 €
ISBN 9782355220050
ISBN numérique 9782355220296
Parution
Nb de pages 204
Dimensions 140 x 205 mm

Extraits Presse

C’est un livre dense et édifiant rédigé par l’un des spécialistes de la République impériale, mais c’est aussi plus que cela : De l’indigénat est un pavé jeté dans le marais historiographique d’aujourd’hui. Alors que Sarkozy et Guaino vantent les bienfaits de la France coloniale, relayés par les habituels thuriféraires (Max Gallo) et, dans une moindre mesure, par des historiens prestigieux (Pierre Nora), Olivier Le Cour-Grandmaison décortique les articles du code de l’indigénat en Algérie, édicté en 1875, qui servit de matrice au droit colonial de tout l’Empire. Où il apparaît que la Déclaration dite universelle des droits de l’homme n’avait cours que sur le seul territoire métropolitain. Le Cour-Grandmaison rappelle le travail forcé et les amendes, le numerus clausus, le racisme généralisé, le pouvoir sans limite des gouverneurs.

Le combat syndicaliste - 01/09/2010

Au temps des colonies, des textes d’exception, aujourd’hui oubliés, s’appliquaient hors métropole. Il y avait un droit pour les métropolitains et un « sous-droit » pour les colonisés. Le Code de l’indigénat adopté en 1875, puis régulièrement reconduit par les députés de la Troisième République est resté en vigueur dans l’Algérie coloniale jusqu’en 1945. Il a aussi été exporté dans les autres territoires de l’Empire au cours de l’expansion coloniale. Olivier Le Cour Grandmaison publie ce texte infâme dans son intégralité et en propose une analyse à la lumière des mesures d’exception d’aujourd’hui visant les « sans-papiers ». Son livre met à nu le racisme d’État longtemps théorisé et pratiqué par la République dans ses terres ultramarines.

Roland Pfefferkon - La Marseillaise - 01/07/2010

Objet de cette nouvelle publication d’Olivier Le Cour Grandmaison, l’indigénat codifiait un système judiciaire en totale dérogation, pour ne pas dire contradiction, avec le droit civil et le droit commun français. Il définissait des infractions particulières, réprimées par des peines spéciales prononcées par l’autorité administrative investie des pouvoirs disciplinaire et judiciaires concernant les « non-citoyens français » et « non-justiciables des tribunaux français ». Aucune voie d’appel n’étant évidemment envisagée. Jusqu’en 1946n les administrateurs-juges disposaient ainsi d’une arme politique absolue face à des « indigènes » très officiellement dépourvus de droits civiques.

Jean Chatain - L'Humanité - 10/12/2010

L’État français ne se serait pas comporté comme les autres impérialismes dans les colonies, telle serait l’histoire, les contes ou les légendes, encre fortement présents au pays des Droits de l’homme.

Olivier Le Cour Grandmaison va, texte après texte, démonter le « régime du bon tyran », le statut des « indigènes » qui furent sujets français mais non citoyens, la justice coloniale comme justice d’exception ou le(s) code(s) de l’indigénat « code(s) matraque(s) ».

Didier Epsztajn - La fédération - 03/09/2010

Poursuivant un travail engagé avec Coloniser. Exterminer et La République impériale (2005 et 2009 chez Fayard), Olivier Le Cour Grandmaison s’impose une nouvelle fois avec son livre sur le Code de l’Indigénat comme un auteur majeur sur les questions coloniales, doublé d’une plume sobre et remarquable.

Passionnant et précis, ce livre consacré au Code de l’Indigénat et, plus généralement, au droit colonial des possessions françaises sous la Troisième République. Internement administratif, responsabilité collective appliquée à des tribus entières, Code de l’indigénat adopté en 1875 sont les principales dispositions répressives dans l’Algérie coloniale, parfois en vigueur jusqu’en 1945. Bien connus des hommes politiques et des juristes les qualifiant de « monstres » juridiques en raison de leur caractère exorbitant, ces mesures et ce Code publiés pour la première fois et brillamment commentés sont constitutifs d’un racisme d’État longtemps théorisé et pratiqué.

Éric Michel - Mediapart

Table des matières

Introduction
1. Une « monstruosité juridique »
2. Des lois métropolitaines dans les colonies : l’exception e(s)t la règle
3. « Régime des décrets » et nature de l’État colonial
4. Le droit colonial : un continent trop souvent ignoré
I. Droits de l’homme, régime du « bon tyran » et colonies 
1. Les « droits des Français » contre les « droits de l’homme »
2. Défense de l’universalisme
3. Du régime du « bon tyran » à l’État impérial-républicain
II. Les « indigènes » : des « sujets français », pas des citoyens
1. Les « indigènes » algériens
2. L’infériorité des « sujets français »
III. Justice coloniale : justice d’exception
1. Principes et généralités
2. Des peines « toutes spéciales »
3. Organisation judiciaire de l’Afrique-occidentale française
IV. Code(s) de l’indigénat : « code(s) matraque(s) » 
1. Le code de l’indigénat algérien
2. Sur quelques infractions au code de l’indigénat de l’A-OF
V. Internement administratif, amende collective et séquestre
1. De l’internement administratif
a) Défense de l’internement ; b) Critique de l’internement ; c) Extension et banalisation de l’internement
2. Amende et responsabilité collectives
a) L’amende collective : une « mesure de guerre » ; b) De la responsabilité collective : mutations et usages contemporains
3. Le séquestre
VI. Les libertés publiques dans les colonies 
1. Presse, films et prises de vues cinématographiques
a) La « presse aux colonies » : l’« auxiliaire du gouvernement » ; b) Films et prises de vues cinématographiques ; c) Critiques des contemporains
2. Réunion et association
a) Droit de réunion ; b) Droit d’association 
VII. Travail forcé et esclavage de case dans les colonies françaises sous la IIIe République
1. Du travail forcé
2. Esclavage de case : pas d’abolition immédiate
Pour conclure : « œuvre » coloniale et mythologie nationale
1. La scolarisation
a) L’Indochine ; b) L’Afrique noire française ; c) L’Algérie
2. Médecine coloniale et situation alimentaire des populations « indigènes »
a) Médecine coloniale ; b) L’« indigène » est « sous-alimenté » 
Annexe. Arrêté général sur les infractions de l’indigénat
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