Fantasmagories du capital

L'invention de la ville-marchandise

Quel rapport entre les spectres d’un couvent parisien, des héroïnes séquestrées dans des châteaux gothiques et les flâneurs des passages couverts de Paris ? Quel point commun entre les visiteurs des Expositions universelles, les joueurs captivés par les néons de Las Vegas et les badauds fascinés par les shopping malls ? Tous sont pris dans des lieux clos saturés d’imaginaire, des « rêvoirs » collectifs, des fantasmagories.
Depuis trois siècles, le capital façonne des environnements oniriques qui, refoulant leur origine économique, ordonnent les plaisirs individuels et collectifs sur fond de règne de la marchandise. Cette histoire de l’espace urbain est celle d’une mobilisation toujours plus structurée de nos désirs intimes par l’architecture.
Dans le sillage des écrits de Walter Benjamin sur le Paris du XIXe siècle, cet essai arpente les lieux d’un imaginaire capitaliste fait ville. En s’efforçant de déchiffrer ces espaces comme on interprète un rêve, il s’efforce de dégager l’éclat de l’utopie de la gangue qui l’enferme. Car le grand récit de la marchandisation de la ville a aussi ses anti-héros, qui se nomment Maximilien de Robespierre, Charles Fourier, Karl Marx, Auguste Blanqui, André Breton, Sergueï Eisenstein, Walter Gropius ou Ken Kesey…

Marc Berdet est spécialiste de Walter Benjamin. Il est chercheur à l’université de Postdam et anime le réseau de recherche anthropological materialism.

Fantasmagories du capital
Version Numérique 13,99 €
ISBN 9782355220357
ISBN numérique 9782355220609
Parution
Nb de pages 256
Dimensions 140 x 205 mm

Actualités

Extraits Presse

Les images de la marchandise réenchantent le monde en niant la réalité de la production et des rapports de classes : fidèle à cette analyse marxiste, Marc Berdet, sociologue et animateur du réseau Anthropological Materialism, lui donne une portée nouvelle. Depuis les passages parisiens de 1820 jusqu’à la Falconcity de Dubaï des années 2010, en passant par le Crystal Palace de Londres, les allées de Disneyland, le Strip de Las Vegas et les shopping malls géants, l’auteur nous guide à travers deux siècles de « fantasmagories », explorant les coulisses de ces machines à rêve du capitalisme. La vocation des grandes villes à produire de l’argent implique la dissimulation de leurs rouages derrière un décor séduisant. L’acte marchand repose sur la manipulation de nos émotions intimes et sur l’injonction du plaisir. La luxuriance des espaces citadins n’aurait donc d’autre fonction que de nous rendre étrangers à nos vies. Le désir de flâner cher à Baudelaire et aux surréalistes est récupéré par les managers des centres commerciaux, parcs à thèmes ou « villages » réinventés en centre-ville, dont la conception, la topographie et le design sont ici remarquablement décortiqués. On y fabrique un passé légendaire, un présent luxueux et un futur idéal. Pourtant, chaque pièce du décor distille en elle-même un ailleurs, une altérité troublante, qu’ont su saisir André Breton à Paris ou Ken Kesey à Las Vegas. Dans le sillage de Marx et Benjamin, ce livre décrypte le rébus des paysages urbains, entre l’aliénation et la merveille. Sans cesse « ajournée par la fonction marchande », l’utopie demeure l’horizon tenace des villes.

Philosophie magazine - Philippe Garnier - 01/05/2013

Les fantasmagories sont des chimères qui font écran à la réalité, après avoir désigné originellement des images de fantômes projetés sur un mur par une « lanterne magique ». C’est à leur traque dans l’espace urbain que l’auteur s’emploie, à la suite de beaucoup d’autres, dont Walter Benjamin, arpenteur attentif de Paris au XIXe siècle. Marc Berdet nous emmène à son tour dans la capitale, confrontant le Paris d’Hausmann et celui de la Commune, avant de nous emmener à l’exposition universelle de Londres de 1851, aux côtés de Karl Marx et Friedrich Engels, puis à Disneyland, Las Vegas et dans les centres commerciaux (post)modernes. On apprend beaucoup au passage, comme le fait que le réalisateur soviétique Eisenstein admirait Walt Disney ou que l’inventeur du mall (le centre commercial), Victor Gruen, était un socialiste convaincu… Érudit sans être pédant, l’auteur s’emploie à mettre à jour les manières dont les espaces façonnés par le capitalisme s’emploient à refouler, voire à dénier, les rapports de classe qui les sous-tendent. Ce faisant, il rappelle que la ville se construit aussi – et peut-être d’abord – dans l’imaginaire.

Igor Martinache - Alternatives économiques - 01/06/2013

Un essai placé sous le patronage de Walter Benjamin, au style volontiers baudrillardien, qui est comme une promenade psychogéographique (l’auteur parle de matérialisme « topographique ») à travers des lieux symboliques d’une interpénétration du social, du technique et du mythique: le Mall of America, le Crystal Palace, les passages parisiens, Disneyland ou Las Vegas… Des lieux de fantasmes, des « fantasmagories », c’est-à-dire des productions oniriques qui à la fois dissimulent (des rapports de force, des conflits sociaux) et révèlent (des désirs, des forces inconscientes). La richesse et la variété des analyses, impossibles à résumer, font de cet essai au propos volontairement flou (dénonciation ? fascination ?) une réelle curiosité, foutraque et passionnante.

Chronic'art - 01/01/2013

Comment le capitalisme façonne-
t-il la ville ? Après la publication, l’an dernier, du livre de David Harvey, Paris, capitale de la modernité, qui démontre comment la construction du Paris haussmannien a été engendrée par la lutte entre le capital et les classes laborieuses sous le second Empire, c’est le sociologue Marc Berdet qui révèle la manière dont le capital façonne nos environnements urbains. Des passages couverts du XIXe siècle aux néons de Las Vegas, en passant par les plus récents malls (centres commerciaux), son livre propose une « sorte de visite guidée » pour déchiffrer, dans la lignée de Walter Benjamin, « le monde imaginaire du capitalisme » et des « rêvoirs collectifs » qu’il construit.

Pierre Duquesne - L'Humanité - 01/02/2013

Le capitalisme n’est pas seulement l’art de vendre une marchandise. Il est aussi une science de la mise en scène, à commencer par celle des lieux où l’on attire le chaland. « Depuis trois siècles, écrit l’auteur, le capital façonne des environnements oniriques qui, refoulant leur origine économique, ordonnent les plaisirs individuels et collectifs sur fond de règne de la marchandise. » Du Palais-Royal parisien d’autrefois – « ce Las Vegas avant la lettre » -au Disneyland d’aujourd’hui en passant par les grands centres commerciaux américains, les fameux « malls », le sociologue Marc Berdet nous emmène dans un long voyage, à la fois historique et géographique, à la rencontre des espaces mythiques où s’épanouit la marchandisation du monde. Un formidable récit, pétri d’érudition et dépourvu de tout jugement de valeur, qui démontre à quel point la même rationalité, celle de vendre à tout prix, guide ces usines à rêves.

Daniel Fortin - Les Echos - 08/02/2013

Le samedi après-midi est le moment des courses. On peut les faire en ville, tout en flânant dans les rues piéton­nes, ou bien dans un supermarché à l’architecture fonctionnelle, ou encore dans l’un de ces temples de la consommation que sont les galeries marchandes. Ces « villes-marchandises » et leurs univers « fantasmagoriques », dont le but unique est de charmer l’attention du consommateur qui sommeille en nous, ont une histoire que le sociologue Marc Berdet retrace pour nous. Ce livre décrit les formes particulières qu’ont prises successivement ces hauts lieux de commerce. 
[…] Tout au long de son livre, M. Berdet montre comment la fantasmagorie des villes-marchandises a exercé une fascination non seulement sur les consommateurs, mais aussi sur les critiques du monde marchand : de Charles Fourier à Marx, de Theodor Adorno à Jean Baudrillard, en passant bien sur par Walter Benjamin et son Livre des passages, dont M. Berdet se montre le fidèle héritier.

Achille Weinberg - Sciences humaines - 01/07/2013

Cet ouvrage, sous-titré L’invention de la ville marchande, est sorti en janvier et a déjà fait beaucoup parler de lui. […] En analysant une dizaine de lieux, à la fin du XVIIIe siècle au début du XXIe siècle, l’auteur parvient à mettre des mots sur les sensations que nous ressentons en les fréquentant. Dans un style très abordable, il parvient à aller bien plus loin que l’image d’un grand méchant complot capitaliste qui déterminerait nos comportements.

Alternatives libertaires - 01/11/2013

Dans le sillage des écrits de Walter Benjamin sur le Paris du XIXe siècle, cet essai arpente l’histoire d’espaces urbains envahis par l’imaginaire capitaliste. Dans ce récit, à la fois politique et esthétique de la production de l’espace, le lecteur explore tour à tour les passages parisiens, les premiers grands magasins, les Expositions universelles, le Paris d’Haussmann, les parcs à thème (Disneyland), les shopping mall (le Mall of America) et le strip de Las Vegas.

Acteurs urbains - 01/12/2013

Table des matières

Remerciements 
Introduction
1. Fantasmagories prémodernes
Robespierre au couvent des Capucines
Breton au château d’Otrante
2. Fantasmagories modernes
Fourier au Palais-Royal
Marx au Crystal Palace
Blanqui dans Paris haussmannisé
3. Fantasmagories postmodernes
Einstein à Disneyland
Gropius au Mall of America
Kesey à Las Vegas
Conclusion.