Ce lyber est uniquement destiné à une lecture à titre personnel.

Martin Le Chevallier

Répertoire des subversions.

Art, activisme, méthodes

Zones 2024
Table
Remerciements
Note de l’auteur
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Index

Remerciements

Rachael Antony, Eva Barto, Kevin Bartoli, Denis Beaubois, Patrick Bernier, Julien Berthier, Chahla Chafiq, Grégoire Chamayou, Aya Chriki, Claude Closky, Alain Declercq, Michel Dector, Alain Dreyfus, Et n’est-ce*, Simon Faithfull, Jean-Christophe Fournial, Benjamin Gaulon, Jakob Gautel, Parcidio Gonçalves, Jean-François Guillon, Joël Henry, Sarah Ihler-Meyer, Laurent Marissal, Olive Martin, Ann Messner, Marianne Mispelaëre, Sandra Neuveut, Camille Paulhan, Julien Prévieux, Roland Roos, Bruno Schnebelin et Elin Wikström.

Note de l’auteur

J’ai réuni dans ce livre des gestes d’artistes, d’activistes, de personnes ayant combattu une oppression ou d’individus ayant fait, un jour, un pas de côté. J’ai choisi ces exemples pour leur ingéniosité, leur capacité à perturber l’ordre établi, à résister aux dominations ou à subvertir le monde, avec courage, humour ou poésie.

Je n’ai retenu que des motivations généreuses, des tactiques non violentes et des œuvres dont le sujet n’est pas l’art, mais l’espace public avec lequel elles interfèrent. Et j’ai privilégié les premières occurrences connues (la première grève, les premiers tracts, etc.).

J’ai puisé dans une multitude de sources : livres d’historien·nes, publications universitaires, catalogues d’expositions, articles de presse, sites d’artistes ou d’organisations militantes, etc. J’ai également interrogé quelques auteur·es d’actions relatées. Et j’ai veillé à ne rien inventer.

Si « subvertir » signifie renverser l’ordre des choses, les subversions dont il s’agit ici sont avant tout symboliques. Armes des faibles face aux forts, elles visent à déstabiliser les dogmes, ridiculiser les puissants ou édifier des alternatives insolites.

Auteur·es de la plupart de ces actes, les artistes et les activistes ne se réclament généralement pas d’une même démarche. Pour autant, les formes qu’ils ou elles emploient se rejoignent souvent. Ce livre veut faire entendre la résonance de leurs inventivités.

M. L. C.

 

Précision : les mentions en italique et entre parenthèses sont les titres des œuvres.

« Fini, maintenant j’interviendrai. »

Henri Michaux

 

A

S’ABSTENIR S’ABSTENIR TOTALEMENT. Pendant la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, l’objecteur de conscience Corbett Bishop refuse de prendre les armes. Guidé par sa foi, il refuse tout autant d’effectuer un service civique. En 1944, il déclare aux policiers venus l’arrêter que l’on peut s’emparer de son corps mais non de son esprit, qui demeure libre. Une fois incarcéré, il ne veut ni manger, ni se lever, ni s’habiller. Nourri par intubation, il est libéré trois mois plus tard, dans l’attente d’un jugement. Refusant de se rendre au tribunal autrement qu’en laissant des policiers porter son corps inerte et refusant de signer le moindre document, il est plusieurs fois condamné et réincarcéré. En 1946, après 193 jours de refus total de coopérer – et à la suite de l’importante médiatisation de son cas –, il est libéré sans conditions. [ Voir aussi « faire la grève » et « refuser de se battre »] SEMBLER S’ABSTENIR. En 2008, l’artiste finlandaise Pilvi Takala fait un stage dans un cabinet de consulting. Durant un mois, elle demeure assise devant une table vide, sans ordinateur ni papiers, et semble ne rien faire. Lorsqu’on l’interroge, elle répond qu’elle mène un « travail intellectuel » (The Trainee). [ Voir aussi « se retirer »]

ACCLAMER ACCLAMER À CONTRETEMPS. Au début des années 1990, des activistes allemands perturbent les meetings de l’Union démocrate-chrétienne en acclamant l’orateur avec excès. Et à contretemps1. [ Voir aussi « soutenir »] ACCLAMER LENTEMENT. Le 7 juin 2000, le Premier ministre britannique Tony Blair s’adresse aux membres du British Women’s Institute et fait l’apologie du système de santé anglais. Mais certaines femmes, agacées par son hypocrisie, se mettent à applaudir, lentement, en cadence. Face à cette désapprobation manifeste et insistante, l’homme d’État abrégera son propos.  APPLAUDIR. Depuis son arrivée au pouvoir en 1994, Alexandre Loukachenko soumet la Biélorussie à un régime liberticide. En juin 2011, n’ayant pas le droit de prononcer des slogans ou de brandir des pancartes, les personnes réclamant sa démission manifestent en frappant dans leurs mains. Nombre d’entre elles sont alors incarcérées pour ce geste. Dont un manchot.

ACHETER ACHETER DES ÂMES. De 1976 à 1977 à New York, les artistes russes Vitaly Komar et Alexander Melamid achètent plusieurs centaines d’âmes occidentales (dont celle d’Andy Warhol) pour qu’elles soient ensuite vendues aux enchères en Union soviétique. ACHETER UN ARTISTE. En 2011, les artistes français Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux amorcent avec Ludovic Chemarin – un artiste ayant cessé son activité – une transaction semblable à ce qui se pratique avec les marques ou les entreprises : ils lui achètent son nom, ses créations passées, son image et sa signature. Depuis lors, ils poursuivent son activité à sa place, sous le nom de Ludovic Chemarin©. ACHETER SANS NÉGOCIER. En 2018, l’artiste d’origine marocaine Younes Baba-Ali circule en taxi dans les rues de Dakar. À chaque feu rouge, des vendeurs lui proposent des objets. Alors qu’habituellement les automobilistes refusent ou négocient, Baba-Ali achète tout ce qu’on lui propose, sans négocier. Il expose ensuite ces objets – cintres, rasoir électrique, faux passeport, etc. – comme autant de traces d’une civilisation révolue (Without Negociation). ACHETER À PLUSIEURS. En 2009, afin d’empêcher l’agrandissement de l’aéroport londonien d’Heathrow – qu’elle juge néfaste pour l’environnement –, l’association écologiste Greenpeace achète un terrain situé à l’emplacement de la future piste d’atterrissage, puis invite tous ceux qui le souhaitent à en acquérir une parcelle. L’État britannique, confronté au défi d’expulser plus de 90 000 copropriétaires, renoncera à son projet2. ACHETER DES TERRAINS INUTILES. À partir de l’été 1973, l’artiste états-unien Gordon Matta-Clark achète de minuscules terrains à New York. La géographie de ces parcelles délaissées suggère la multitude des espaces résiduels de la ville (Fake Estates). [ Voir aussi « occuper momentanément »] ACHETER GOOGLE. En 2005, le duo d’artistes autrichiens Übermorgen et les artistes italiens Paolo Cirio et Alessandro Ludovico entreprennent de prendre le contrôle de la société Google, qu’ils jugent trop dominante. Pour cela, ils hébergent des sites dont les publicités sont gérées par cette société. Les clics sur ces annonces assurent alors aux artistes des micro-revenus, qu’ils investissent aussitôt dans l’achat d’actions Google. Ils prévoient ainsi d’être les propriétaires de la compagnie au bout de 200 millions d’années (GWEI – Google Will Eat Itself). ACHETER N’IMPORTE QUOI. De 2014 à 2016, un logiciel conçu par le collectif d’artistes suisses !Mediengruppe Bitnik achète chaque semaine des marchandises choisies au hasard sur le Darknet3, pour qu’ils soient exposés dans une Kunsthalle en Suisse. Mais le robot acheteur ayant commandé des contrefaçons, 50 dollars d’ecstasy et un faux passeport hongrois, l’exposition sera saisie par la police (Random Darknet Shopper). NE RIEN ACHETER. En 1992, en opposition au gaspillage consumériste, l’artiste canadien Ted Dave lance le No Shop Day, une journée sans achat, destinée à avoir lieu tous les ans. Cet appel au boycott sera mondialement repris sous le nom Buy Nothing Day, un rendez-vous fixé au dernier vendredi de novembre. [ Voir aussi « boycotter », « dépenser » et « vendre »]

ACQUITTER. En 1926, lors d’un procès-spectacle à Moscou [ Voir « juger la Bible »], le livre Cavalerie rouge d’Isaac Babel est jugé. Mais, malgré la sévérité du réquisitoire (défini par les autorités communistes), la foule, en charge du verdict, acquittera ce récit sans concession des combats de l’Armée rouge et le déclarera utile à la Révolution4. [ Voir aussi « défendre », « juger » et « plaider l’hospitalité du droit d’auteur »]

ADHÉRER ADHÉRER AU PARTI NATIONAL BOLCHÉVIQUE. Le 8 juillet 2008 à Moscou, l’artiste russe Anton Nikolaev rejoint solennellement le Parti national bolchévique. Qui n’existe pas.

AFFICHER AFFICHER SAUVAGEMENT. Au XVIe siècle, l’apparition de l’imprimerie facilite le développement de l’affichage sauvage. Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des protestants collent ainsi dans Paris des « placards » anticatholiques. En réaction à ces affichettes virulentes, le roi François Ier ordonnera des exécutions et instaurera le monopole royal sur l’affichage public. AFFICHER DES VISAGES D’ESPIONS. En 2015, l’artiste d’origine italienne Paolo Cirio affiche sur les murs de Berlin, Londres ou Paris des photos des principaux cadres du renseignement américain. Il dévoile ainsi, sans leur accord, les visages des responsables de la surveillance généralisée (Overexposed). AFFICHER UN FUTUR RÉVOLU. En 2011, l’artiste français Raphaël Boccanfuso commande à une agence spécialisée dans les images de projets immobiliers une illustration figurant un ancien hospice. Il affiche ensuite l’image obtenue sur un panneau devant le monument figuré. Confronté·es à cette représentation publicitaire, qui semble annoncer un édifice à venir, les passant·es se voient alors projeté·es au début du XIXe siècle (Illustration non contractuelle à caractère d’ambiance). AFFICHER ET RÉAFFICHER. En 2007, l’artiste français Éric Baudelaire fait coller une succession d’images dans un emplacement publicitaire sur un quai de métro parisien. Les photos qui se succèdent montrent une voiture garée qui prend feu et finit carbonisée. Mais le récit de la destruction de cet objet de consommation se fait à l’insu des voyageurs : durant les soixante-douze minutes qu’il faut au colleur d’affiches pour effectuer ce travail, de nombreux métros ont le temps de passer (Sugar Water). NE RIEN AFFICHER (PROPOSER DE). En 1988, l’artiste états-unien Jimmie Durham suggère d’installer, au bord d’une route irlandaise, un panneau d’affichage destiné à rester vide (Billboard)5. [ Voir aussi « annoncer », « demander une gouine comme présidente », « détourner » et « glorifier »]

AIGUISER AIGUISER UNE CLÔTURE. En 2011 à Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler fait affûter les pointes d’une grille qui clôt une résidence. Les passant·es ne semblent pas s’en étonner (Fence Sharpening).

AJOUTER AJOUTER DES BULLES. Dans les années 1960, les situationnistes sont adeptes du détournement. [ Voir « détourner »] Ces intellectuel·les révolutionnaires détournent des bandes dessinées ou des films en changeant leurs textes, ou ajoutent des bulles sur des publicités ou des peintures. Ainsi, à l’université de Gênes en 1969, un phylactère fait dire à un angelot sur une fresque : « Vous ne serez heureux que quand le dernier capitaliste sera pendu avec les tripes du dernier bureaucrate. » AJOUTER UNE MAIN. En 1981, l’artiste polonais Krzysztof Wodiczko projette nuitamment l’image d’une main sur le flanc d’un immeuble de la banque Nova Scotia à Halifax, au Canada. Grâce à cet ajout, l’édifice financier semble être au garde-à-vous. AJOUTER UNE COLOMBE. En 2008 à Pékin, l’artiste allemand Julius von Bismarck se rend devant l’entrée de la Cité interdite avec son « Image Fulgurator ». Grâce à cet appareil photographique modifié, il projette sur le portrait de Mao un signe que seuls les appareils photos peuvent voir : une pacifique colombe que les touristes découvrent avec étonnement sur leurs images. AJOUTER UNE CORDE. En 1991, invité à participer à une exposition collective au Castello di Rivara, l’artiste italien Maurizio Cattelan suspend à l’une des fenêtres du château une corde faite de draps noués, comme si quelqu’un s’était évadé (A Sunday in Rivara). AJOUTER UNE SOUCHE. En 1998, l’artiste allemand Andreas Slominski plante clandestinement une souche d’arbre sur la célèbre avenue berlinoise Unter den Linden. La légère émergence de ce tronc, non aligné avec les tilleuls historiques, cause l’étonnement des passant·es et la condamnation des autorités ; laquelle provoque encore davantage de curiosité (Baumstumpf). AJOUTER DES BUTS. En 1997, l’artiste slovaque Roman Ondák dispose des buts de foot dans un terrain planté d’arbres (Football Pitch with Trees). L’aspect rouillé des buts fait que l’on ne sait pas qui, des arbres ou des buts, était là en premier ; et quelles sont les nouvelles règles du jeu. AJOUTER DES PAILLASSONS. En 1979, l’artiste états-unienne Ann Messner dispose des paillassons sur un quai du métro de New York. Ainsi, en montant dans les voitures, les passagers ont la sensation de rentrer chez eux (Doormats).  AJOUTER DES POIGNÉES. En 2002 à Lisbonne, l’artiste états-unienne Jackie Sumell fixe dix-neuf poignées sur un monument fasciste : le monument aux Découvertes, édifié à la mémoire des conquistadors portugais. Elle suggère ainsi aux passant·es d’envoyer promener les glorieux conquérants qui y sont figurés. AJOUTER UNE PORTE. Au début de l’année 2006, les artistes français Julien Berthier et Simon Boudvin ajoutent clandestinement une entrée factice dans une petite rue parisienne. Bien qu’inexpliquée, la porte parasite sera préservée et régulièrement nettoyée par les services municipaux (Les Spécialistes). AJOUTER UN BALCON. Le 19 mars 2000 à New York, le collectif d’artistes autrichiens Gelatin6 descelle clandestinement une vitre au 91e étage de l’une des tours du World Trade Center, pour lui substituer un petit balcon improvisé. L’excroissance illicite demeurera là dix-neuf minutes, le temps de la faire photographier par des complices héliportés et de laisser un chewing-gum collé au mur. Le souvenir caoutchouteux disparaîtra l’année suivante, le 11 septembre 2001 (The B-Thing).  AJOUTER UN CUBE NOIR. En 2005, l’artiste allemand Gregor Schneider prévoit de placer, durant la Biennale d’art de Venise, un grand cube noir sur la place Saint-Marc. La présence de cette réplique de la Kaaba – édifice le plus sacré de l’islam, à La Mecque –, à proximité de la basilique, est censée symboliser le dialogue entre les religions. Le projet sera pourtant censuré (Cube Venice). [ Voir aussi « peindre des passages piétons » et « peindre des pistes cyclables »]

ALLER ALLER TOUT DROIT [1]. En 1977, l’artiste serbe Neša Paripović traverse Belgrade en allant tout droit, imperturbablement, franchissant routes, murs et fossés. Il préfigure ainsi, à sa manière de dandy, la pratique acrobatique du « parkour » (NP 1977). ALLER TOUT DROIT [2]. En août 1991, Joël et Maïa Henry, adeptes du tourisme expérimental, traversent la France en ligne droite, en allant de Aast à Zuytpeene. Leurs enfants, qui les accompagnent pendant ces vacances alphabétiques, sont dubitatifs. ALLER TOUT DROIT [3]. Durant l’été 2008, l’artiste britannique Simon Faithfull traverse l’Angleterre du sud au nord, en suivant le méridien de Greenwich, quels que soient les obstacles. Pour cela, il alterne nage, escalade, marche ou franchissement sauvage de propriétés (0°00 Navigation Part I : A Journey Across England). ALLER EN K2. Gravir le K2, deuxième plus haut sommet du monde, est l’objectif de nombreux alpinistes. En 2005, la journaliste australienne Rachael Antony se fixe, elle, d’explorer la case K2 (abscisse K, ordonnée 2) du plan de Melbourne. Elle y rencontre des anciens combattants, visite un magasin de jardinage et joue au bandit manchot.

S’ALITER S’ALITER POUR LA PAIX. En 1969, l’artiste d’origine japonaise Yoko Ono et le musicien d’origine anglaise John Lennon profitent de l’immense médiatisation de leur mariage pour réaliser deux bed-in en faveur de la paix. Le couple passe ses lunes de miel dans des chambres d’hôtel d’Amsterdam et de Montréal, y accueille de nombreux journalistes et leur chante des chansons. S’ALITER EN HAUTEUR. En 1985 à Nice, l’artiste franco-suisse Ben s’installe dans un lit que soulève une grue. Et reste ainsi alité durant une heure (M’installer dans un lit et le faire monter en l’air par une grue). [ Voir aussi « dormir »]

ALLAITER ALLAITER AU PARLEMENT. Le 26 février 2003, tandis qu’elle siège à l’Assemblée législative australienne, la députée travailliste Kirstie Marshall allaite sa fille Charlotte, âgée de 11 jours. Le service d’ordre lui explique alors que les personnes extérieures ne sont pas autorisées au Parlement et qu’elle doit donc sortir.

S’ALLONGER S’ALLONGER SUR UN TROTTOIR. En 1963 à Nice, l’artiste franco-suisse Ben s’allonge, à plat ventre, en travers d’un trottoir. Puis attend de voir (Se coucher dans la rue). S’ALLONGER SUR UNE ROUTE. En 1977, l’artiste tchèque Vladimír Ambroz s’allonge en travers d’une route, la taille entourée d’une bande blanche, comme si la ligne séparant les deux voies l’avait ceinturé. Les voitures passent autour de lui sans l’écraser (Highway). S’ALLONGER ET FAIRE LE MORT. Le 24 mars 1988 aux États-Unis, l’association activiste Act Up organise son premier die-in : ses membres se rendent au Massachusetts General Hospital et s’allongent au sol, inertes, pour alerter sur l’hécatombe causée par le sida et sur l’urgence de la combattre.

ALLUMER ALLUMER À SA FENÊTRE. Le soir du 14 juillet 1789, les Parisien·nes illuminent leurs fenêtres pour célébrer la prise de la Bastille, comme cela se pratiquait jusque-là pour les victoires militaires, les naissances ou les mariages royaux.  ALLUMER DES BOUGIES. En 2016, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye transmet des informations confidentielles à son mentor, une religieuse qui en tire de juteuses affaires. Cette affaire de corruption provoque un vaste mouvement de protestation : jusqu’à 1,9 million de personnes défilent, une bougie à la main, à travers le pays. Cette « révolution des bougies » entraînera la destitution de la présidente. ALLUMER ET ÉTEINDRE. En Pologne au début des années 1980, la radio clandestine Solidarność diffuse des informations alternatives à la propagande officielle. Un soir, afin de mesurer leur audience, les journalistes demandent aux personnes qui les écoutent d’éteindre et d’allumer la lumière chez elles. Ce soir-là, tout Varsovie se met à clignoter. FAIRE CLIGNOTER JÉSUS. En 2004 au Pays basque, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler modifie l’illumination du Christ qui domine la baie de la Concha à Saint-Sébastien. Devenue intermittente, la lueur divine semble adresser un message aux pécheurs. Ou être en panne (Blinking Jesus). [ Voir aussi « détourner un bâtiment » et « éblouir des patrons »]

AMÉLIORER AMÉLIORER FACEBOOK [1]. En 2011, l’artiste états-unien Benjamin Grosser met au point « Reload the love ! », un module permettant de réconforter les personnes utilisant le réseau social Facebook : une fois installée, cette extension modifie les chiffres affichés et donne ainsi l’illusion d’avoir énormément de commentaires, de félicitations et d’ami·es.  AMÉLIORER FACEBOOK [2]. En 2012, le même Benjamin Grosser met au point « Facebook Demetricator », une extension permettant d’effacer tous les chiffres affichés par le réseau social. Ses utilisateur·ices se voient libéré·es de la course à l’audience et au succès. L’artiste proposera ensuite la même possibilité pour Instagram et pour Twitter.

AMEUTER AMEUTER LES PASSANT·ES. Interpeller des témoins peut être efficace. Ainsi, le 28 janvier 1749 à Paris, le brigadier Delacroix tente d’arrêter un mendiant. Mais celui-ci, se refusant à partir peupler la Louisiane, alerte bruyamment des passant·es, au point de faire capituler la maréchaussée.

ANNONCER ANNONCER LA MORT DE DIEU. En 1950, le jour de Pâques, la messe de Notre-Dame de Paris est pour la première fois diffusée en direct à la télévision. Un petit groupe de lettristes7 pénètre alors dans l’édifice. Parmi eux, Michel Mourre, déguisé en moine dominicain, monte en chaire, s’empare du micro et prononce un « anti-sermon » blasphématoire, durant lequel il déclare que Dieu est mort. La messe étant diffusée dans toute la francophonie, le scandale est immense8. ANNONCER UNE RÉVOLUTION. En février 2011 en Syrie, des adolescents inscrivent sur le mur de leur école : « Ton tour arrive, docteur. » Cette phrase, qui se réfère aux révolutions dans d’autres pays arabes, s’adresse à leur dictateur Bachar el-Assad, ancien ophtalmologue. Elle vaudra aux graffiteurs d’être arrêtés et torturés. Leur arrestation sera le déclencheur de la révolution syrienne.  ANNONCER QUE LA GUERRE EST FINIE [1]. À New York en 1967, des hippies organisent une manifestation festive, dans laquelle les participant·es annoncent joyeusement la fin de la guerre au Vietnam. La médiatisation de l’événement contraindra le gouvernement à publier un démenti. ANNONCER QUE LA GUERRE EST FINIE [2]. En 1969, pendant la guerre du Vietnam, l’artiste d’origine japonaise Yoko Ono et le musicien d’origine anglaise John Lennon font placarder, dans douze grandes villes à travers le monde, une affiche sur laquelle est inscrit « War is over » (« La guerre est finie »). Sous ce titre inattendu est écrit, en petites lettres : « if you want it » (si vous le voulez). ANNONCER UNE BONNE NOUVELLE. En 1992, dans le quartier du Marais à Paris, des affiches anonymes rassurent les passant·es. Elles déclarent : « Tout va bien. »  ANNONCER DE BONNES NOUVELLES. Le 4 juillet 2009, neuf mois après l’élection de Barack Obama, le duo d’activistes états-uniens les Yes Men publie un faux New York Times. Tirée à 80 000 exemplaires et gratuite, cette « édition spéciale » n’annonce que de bonnes nouvelles : la fin de la guerre en Irak, la gratuité des universités publiques, l’instauration d’un salaire maximum, etc. ANNONCER UNE CONTRITION. Le 21 septembre 2009, le duo d’activistes états-uniens les Yes Men publie un faux New York Post. Dans cette contrefaçon, le tabloïd conservateur et populiste reconnaît s’être trompé et admet qu’un changement climatique est en cours. [ Voir aussi « faire un faux journal »] ANNONCER LA DÉCOUVERTE D’UNE PANACÉE. Le 22 mai 1981 à New York, le docteur Josef Gregor, entomologiste, annonce avoir développé, à partir d’hormones de cafards modifiées, un médicament guérissant toutes sortes de choses (rhume, acné, anémie, douleurs menstruelles, etc.). Des centaines d’articles ou d’émissions relayent candidement cette découverte, sans voir qu’il s’agit d’une imposture de l’artiste et activiste états-unien Joey Skaggs, qui a voulu dénoncer ainsi la crédulité des médias. ANNONCER UN BORDEL POUR CHIENS. En 1976, l’artiste et activiste états-unien Joey Skaggs annonce qu’il va ouvrir à New York une maison close pour canidés. Face à cette opportunité fictive, les demandes affluent de la part de maîtres et maîtresses attentionné·es. Et de zoophiles (Cathouse for Dogs). ANNONCER DU BROUILLARD. En 1971, l’artiste britannique Rose Finn-Kelcey fait flotter, au-dessus du château de Nottingham, un drapeau sur lequel est inscrit « fog » (« brouillard »). Pourtant, le ciel est parfaitement dégagé. Et tant mieux, car s’il y avait du brouillard, on ne verrait pas le drapeau. ANNONCER POUR ANNONCER. En juillet 1966, les artistes argentins Eduardo Costa, Raúl Escari et Roberto Jacoby, adeptes de l’« art médiatique », publient un communiqué relatant une performance impliquant de nombreuses célébrités. L’œuvre, intitulée Happening pour un sanglier mort, est commentée dans la presse. Peu après, celle-ci s’aperçoit que l’événement n’a jamais eu lieu. [ Voir aussi « démentir » et « dissoudre »]

ANONYMISER ANONYMISER SON STYLE. La répétition de certains mots, la longueur des phrases ou la fréquence des signes de ponctuation permettent d’identifier l’auteur·e d’un texte anonyme. Pour y remédier, des activistes ont développé « Anonymouth », une application de réécriture permettant d’avoir un style idéalement banal.

APPLAUDIR [ Voir « acclamer »]

S’APPROPRIER [ Voir « bricoler des dieux », « détourner l’eau bénite », « rendre les logements, l’électricité ou les transports gratuits » et « voler »]

ARRÊTER ARRÊTER UN PREMIER MINISTRE. En 2003, le Premier ministre britannique Tony Blair décide d’attaquer l’Irak aux côtés des États-Unis, au prétexte fallacieux que s’y trouveraient des armes de destruction massive. Le 17 janvier 2014 dans un restaurant de Londres, le jeune barman Twiggy Garcia s’approche de l’ex-homme d’État et lui annonce que, pour son crime contre la paix, il est en état d’« arrestation citoyenne9 ». Il l’invite à le suivre au commissariat. Mais le prévenu renâcle. Et le barman perd son emploi. ARRÊTER WALL STREET. En 2009, le réalisateur états-unien Michael Moore place un ruban jaune portant l’inscription « Crime scene » (« Scène de crime ») autour de la Bourse de New York et des banques avoisinantes. Après cela, armé d’un porte-voix, il intime aux financiers l’ordre de se rendre. En vain10.

ARROSER L’ARROSEUR ARROSER L’ARROSEUR [1]. À partir du 2 septembre 1982, un couvre-feu imposé aux Polonais·es les empêche de se promener à l’heure du bulletin d’information. À Łódź, de nombreuses personnes placent alors leur téléviseur à leur fenêtre, le son à plein volume, afin d’adresser aux miliciens leur propre propagande. ARROSER L’ARROSEUR [2]. À partir de 2004, l’« artiste collective » française Claire Fontaine installe sur des bâtiments des textes en néon susceptibles de déconcerter les xénophobes. Ils déclarent : « Étrangers partout », « Foreigners everywhere », « Her yerde yabanci », etc. ARROSER L’ARROSEUR [3]. En 2020, en réponse à l’usage de la reconnaissance faciale pour identifier les manifestants, l’artiste et activiste italien Paolo Cirio expose dans un centre d’art à Roubaix 4 000 visages de policiers issus de photographies de manifestations et invite le public à les identifier sur un site Internet. Le ministre de l’Intérieur s’indigne aussitôt de ce qu’il juge être une mise en danger des policiers. Le directeur du lieu fait fermer l’exposition, et l’artiste, se sentant menacé, s’enfuit à l’étranger (Capture). [ Voir aussi « attaquer la justice », « dominer un supérieur », « espionner ceux qui nous espionnent », « étudier des Occidentaux », « faire visiter des quartiers normaux », « parler à une caméra de vidéosurveillance [2] », « répondre » et « tester la vue des surveillants »]

S’ASSOIR S’ASSOIR DANS UNE BIBLIOTHÈQUE. Le 21 août 1939 aux États-Unis, cinq hommes noirs s’assoient dans la bibliothèque publique d’Alexandria – pourtant réservée aux Blancs – et consultent tranquillement des livres. Ils seront expulsés, mais auront ainsi inauguré la pratique du sit-in (des manifestations durant lesquelles une foule demeure assise). [ Voir aussi « rester assise »] S’ASSOIR SUR LE PARKING DU MAIRE. Au début des années 1970 à Amsterdam, des membres du groupe anarchiste des Kabouters (« gnomes ») s’assoient systématiquement sur la place de stationnement du maire, afin qu’il se décide à prendre le tramway.

ATTAQUER ATTAQUER UN PORTE-AVIONS. Le 13 novembre 1993, l’artiste français Philippe Meste monte à bord d’une petite embarcation de sa fabrication, pourvue de lance-roquettes en polystyrène, avec l’intention d’attaquer le port militaire de Toulon. Après avoir envoyé plusieurs fusées inoffensives sur le porte-avions Foch et un autre bâtiment, il est arrêté et son matériel est saisi. Ne pouvant être considéré comme terroriste, il sera relâché peu après (Attaque du port de guerre de Toulon). ATTAQUER LE MEXIQUE. Dans les années 1990, au Mexique, l’Armée zapatiste de libération nationale a pour coutume d’envoyer des avions en papier sur les barrages militaires. Ces projectiles, chargés de messages dissuasifs, sont appelés « force aérienne de l’armée zapatiste ». ATTAQUER AVEC DES ABEILLES. En février 1861 dans le futur Sénégal, l’armée coloniale française traque le marabout résistant Almamy Fossar Souané. Lorsque les troupes franchissent la Casamance pour attaquer le village où il s’est réfugié, le marabout leur oppose ses propres « soldats » : une nuée d’abeilles. La bataille se soldera, au bout d’une demi-heure, par une débâcle des envahisseurs tricolores. [ Voir aussi « soigner un centre commercial »]

ATTAQUER EN JUSTICE ATTAQUER SON MAÎTRE. En 1780, le Massachusetts vote une Constitution affirmant que « tous les hommes naissent libres et égaux ». Les prenant au mot, Elizabeth Key, esclave afro-américaine, intente en 1781 un procès pour obtenir sa liberté. Et l’emporte. Grâce à sa victoire, le Massachusetts sera le troisième État à abolir l’esclavage.  ATTAQUER L’ÉTAT NÉERLANDAIS. En 2013, la fondation écologiste Urgenda attaque les Pays-Bas en justice pour son action insuffisante contre le changement climatique. Et gagne11. ATTAQUER LA JUSTICE. En 1905, devant les tribunaux impériaux russes, les bolcheviks préfèrent ne pas se défendre mais s’adresser directement au peuple pour dénoncer l’illégitimité de la « justice bourgeoise »12. [ Voir aussi « défendre », « juger » et « plaider l’hospitalité du droit d’auteur »]

ATTENDRE ATTENDRE UN BATEAU. Au début du XXe siècle en Mélanésie, voyant les Européens se faire livrer par cargo d’innombrables biens, des autochtones en concluent qu’il s’agit de richesses volées à leurs propres ancêtres et que ceux-ci leur enverront bientôt un bateau chargé de trésors. Ces adeptes du « culte du cargo » cessent alors de travailler pour les colons. Et attendent tranquillement l’arrivée de ce navire providentiel. AUTORISER L’ATTENTE. En 2011 à New York, la police harcèle les personnes immigrées qui se tiennent dans la rue. Pour y remédier, le Ghana Think Tank [ Voir « développer le premier monde »] délimite, à l’aide de ruban adhésif, des « legal waiting zones » où il est rappelé que le vagabondage n’est plus un délit depuis 1991. Et où il fait bon flâner. [ Voir aussi « faire une fausse file d’attente [1] et [2] » et « faire une fausse attente »]

AUGMENTER LA PRESSION. En 2006 en Autriche, dans la pittoresque ville de Graz, tout semble paisible. Pourtant, les quatre fontaines de la place principale, déréglées par l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler, arrosent les passant·es (Ventil von Graz).

S’AUTODISSOUDRE. Le 13 mai 1967 à Amsterdam, après avoir taquiné le pouvoir et fait rire l’opinion durant deux ans, le groupe libertaire des Provos juge sa célébrité excessive. Et s’autodissout. D’autres sauront, de la même façon, disparaître au moment opportun (Abbie Hoffman, les Sex Pistols, etc.).

Autoréduction : voir « rendre gratuit »

AVEUGLER AVEUGLER LES CAMÉRAS. En 2019 à Hong Kong, lors des rassemblements défendant la démocratie, des manifestant·es utilisent de puissants lasers pour éblouir les policiers et les caméras, et se prémunir ainsi de la reconnaissance faciale. Ces lasers leur permettent aussi de s’indiquer mutuellement la présence de policiers.

B

SE BAIGNER SE BAIGNER DANS UN CANAL. Le 21 septembre 2013 à Venise, un groupe d’activistes nagent dans le canal de la Giudecca, empêchant le passage des navires de croisière géants. Cette périlleuse baignade leur vaudra de lourdes amendes. Mais, le soir même, la ministre de l’Environnement proposera d’interdire la traversée de la Sérénissime aux monstrueux paquebots. SE BAIGNER POUR INONDER UN CHANCELIER. En 1998, le metteur en scène, réalisateur et performeur allemand Christoph Schlingensief invite les 6 millions de personnes au chômage dans son pays à venir se baigner en Autriche dans le lac Wolfgangsee, sur les rives duquel se trouve la maison de vacances d’Helmut Kohl, qui dirige alors l’Allemagne. L’objectif est que, grâce à la poussée d’Archimède, le volume des baigneurs et baigneuses fasse monter le niveau de l’eau au point d’inonder la villégiature du chancelier. L’action suscitera un grand intérêt, mais trop peu de personnes viendront se baigner. INVITER À SE BAIGNER EN PUBLIC. En 1992, l’artiste allemand Christian Jankowski place dans une vitrine une baignoire trouvée dans la rue, puis invite celles et ceux qui le souhaitent à venir s’y baigner (Öffentliche Badewanne).

BANDER LES YEUX BANDER LES YEUX DE STATUES. Le 12 mars 2016, dans les rues de Rio de Janeiro, un·e artiste anonyme bande les yeux d’une centaine de statues, afin de leur épargner le spectacle de la crise économique brésilienne. SE BANDER LES YEUX. En 2019, lors des manifestations s’opposant à la politique du président Sebastián Piñera, le Chili bat le record mondial du nombre d’yeux crevés par les tirs de la police. Le 20 novembre, le collectif féministe Lastesis fait référence à ces mutilations en réalisant, les yeux bandés, une performance dénonçant les violences sexuelles et sexistes. Cette action, dans laquelle elles invectivent les violeurs tout en pointant devant elles un doigt accusateur, sera reprise dans le monde entier.

BAPTISER SE FAIRE BAPTISER. À partir de 1730 en Virginie, des esclaves, considérant qu’une personne chrétienne ne peut pas en posséder une autre sans trahir sa religion, se font baptiser. La justice anglaise leur donnera pourtant tort. [ Voir aussi « se convertir »]

Barricades : voir « construire des barricades »

BLOQUER BLOQUER LA PRODUCTION. [ Voir « occuper »] BLOQUER LES TOILETTES DES HOMMES. Le 24 janvier 1970 à Amsterdam, des membres du groupe féministe Dolle Mina condamnent, à l’aide de rubans roses, des toilettes publiques pour hommes. Elles revendiquent ainsi le « droit de pisser », puisque les toilettes pour femmes n’existent pas encore. BLOQUER LES PUBLICITÉS [1]. En 2002, le Danois Henrik Aasted Sørensen, alors étudiant, développe « AdBlock », une extension de navigateur Web permettant de bloquer les publicités. Ce plugin rencontrera un vif succès et la colère des annonceurs. [ Voir aussi « remplacer des publicités par des œuvres [1] et [2] »] BLOQUER LES PUBLICITÉS [2]. En 2019 à Paris, Juliette Colson, étudiante en design, propose un service mobile de blocage des publicités urbaines : elle marche auprès de personnes qu’elle préserve de toute sollicitation commerciale, au moyen de pancartes-œillères (AdBlocker.Pro). BLOQUER UN FLEUVE. En mai 1968 à Paris, les mariniers participent au blocage général de l’économie en alignant leurs péniches en travers de la Seine. BLOQUER UNE RUE [1]. Le soir du 27 juin 1962, un an après l’édification du mur de Berlin, l’artiste d’origine bulgare Christo et sa compagne, l’artiste française Jeanne-Claude, obstruent, sans autorisation et à l’aide de 89 barils de pétrole, une rue étroite du centre de Paris. À la suite de quoi Christo sera emmené au commissariat, mais ne sera pas poursuivi (Mur de barils de pétrole – Le rideau de fer). BLOQUER UNE RUE [2]. Le 1er mai 2007, le collectif artistique russe Bombily bloque la circulation d’une rue de Moscou en déployant une banderole sur laquelle est écrit : « Nous ne savons pas ce que nous voulons. » [ Voir aussi « construire des barricades »]

BOIRE BOIRE SON URINE. En 2017, dans l’État indien du Tamil Nadu, des paysans, victimes d’une violente sécheresse, dénoncent une aide insuffisante du gouvernement central, en buvant leur propre urine pour souligner la dramatique raréfaction de l’eau. Ils n’obtiendront que l’annulation de leurs dettes.

BOMBARDER BOMBARDER AVEC DES SEMENCES. De 1991 à 2002, l’artiste états-unienne Kathryn Miller, désireuse de revégétaliser des terres dégradées, récolte des semences de plantes indigènes, puis largue ses « bombes à graines », depuis un avion, sur des zones désertiques du sud de la Californie (Seed Bombing).

BOUCLER BOUCLER UN FLUX FINANCIER. En 1990, l’artiste français Gilles Mahé demande au ministère de la Culture de le subventionner en payant directement ses impôts au ministère des Finances. Une boucle parfaite serait ainsi obtenue : l’État financerait et se refinancerait dans un même mouvement. La proposition ne sera pas retenue (Mes impôts). [ Voir aussi « s’enrichir (momentanément) »]

BOYCOTTER BOYCOTTER BOYCOTT. En Irlande en 1880, lorsque l’agent foncier Charles Boycott veut expulser plusieurs locataires de leurs terres, il se trouve soudain ostracisé : ses employé·es arrêtent de travailler, les hommes d’affaires locaux cessent de commercer avec lui et son facteur ne lui livre plus son courrier. Il donnera, malgré lui, son nom à cette méthode : le boycott.

BRACONNER. Avant d’être, comme aujourd’hui, le fait de groupes mafieux organisés (cornes d’éléphant, fourrures, etc.), le braconnage a longtemps été une pratique de subsistance à l’encontre de l’accaparement des terres et de ses fruits par les classes dominantes.

BRANDIR BRANDIR UNE PANCARTE. Les 5 et 6 octobre 1789, alors que la famine sévit à Paris, des milliers de femmes marchent vers Versailles pour protester auprès du roi. À en croire une gravure de l’époque, l’une d’entre elles porte une pancarte figurant une balance, surmontée d’un bonnet phrygien (symboles de la justice et de la République) et arbore ainsi la première pancarte protestataire connue des historien·nes.  BRANDIR DES PANCARTES BLANCHES. Aux États-Unis en 1967, les manifestations contre la guerre du Vietnam sont sévèrement réprimées. Pour se prémunir de cette répression, la chorégraphe Anna Halprin organise une manifestation dont les participant·es portent des pancartes blanches (Blank Placard Dance)1. BRANDIR UN MIROIR. À la fin des années 1970, l’artiste états-unienne Ann Messner brandit un miroir en guise de pancarte. Et manifeste ainsi, seule, dans le métro new-yorkais (Demonstration (Mirror))2. BRANDIR DES PANCARTES TRANSPARENTES. [ Voir, dans « cacher », « ne rien cacher »] BRANDIR UN DRAPEAU NOIR. Le 9 mars 1883, lors d’une manifestation à Paris, la révolutionnaire Louise Michel brandit un morceau de jupon noir au bout d’un bâton. Et invente ainsi le drapeau anarchiste. [ Voir aussi « hisser un drapeau rouge »] BRANDIR DES PORTRAITS DU TSAR. Le 9 janvier 1905 à Saint-Pétersbourg, 150 000 personnes manifestent pour de meilleurs salaires et plus de démocratie. Elles brandissent des portraits de celui qu’elles interpellent – le tsar Nicolas II. En réponse, les gardes du palais d’Hiver ouvrent le feu, tuant des centaines de personnes. Ce « massacre du dimanche rouge » marquera le début de la révolution russe. [ Voir aussi « soutenir Lénine »] BRANDIR UN PORTRAIT DE SON FILS. Au début des années 1990 en Turquie, des centaines de personnes disparaissent après avoir été arrêtées par la police. Pour exiger de recevoir de leurs nouvelles, une trentaine de femmes se rendent le 27 mai 1995 sur une place d’Istanbul en brandissant un portrait de leur fils ou de leur proche disparu·e. Ces « mères du samedi » y retourneront chaque semaine et seront rejointes par des milliers d’autres. Malgré son interdiction, le mouvement sera encore actif vingt ans plus tard. BRANDIR DES BRANCHES D’ARBRE. En 1987, des Haïtien·nes annoncent vouloir « déchouquer » (déraciner) les complices de la dictature en détruisant intégralement leurs maisons. Lors des manifestations, de nombreuses personnes brandissent des branches d’arbre, en référence à ce « déchoucage » qu’elles appellent de leurs vœux. BRANDIR DES BALAIS ET DES RÂTEAUX. Le 3 février 1580, lors du carnaval de la cité de Romans, des personnes défilent en dansant et en brandissant des balais, des râteaux et des fléaux à battre les blés. Elles manifestent ainsi leur désir de chasser les élites corrompues. Et de les bastonner. [ Voir aussi « nettoyer la ville [1] et [2] »] BRANDIR DES SPATULES [1]. Au Japon, la shamoji ou shakushi, une spatule servant traditionnellement à servir le riz, est un symbole de la vie domestique. À partir de 1947, les femmes de l’organisation Shufuren défendent leurs droits en brandissant d’immenses shamojis sur lesquelles sont inscrits des slogans. BRANDIR DES SPATULES [2]. Au Burkina Faso, être menacé par une spatule de cuisine porte la poisse. Le 27 octobre 2014 à Ouagadougou, alors que le président Blaise Compaoré veut modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir, des centaines de femmes manifestent en brandissant des spatules. Il démissionnera quatre jours plus tard3. BRANDIR DES IMMEUBLES. De 2002 à 2004, à la demande de l’artiste catalan Jordi Colomer, un homme court dans les rues de Barcelone, Brasilia, Bucarest et Osaka, au pied de bâtiments dont il brandit les maquettes, fichées au bout d’un manche. Un Parlement stalinien, un palais des congrès moderniste ou des immeubles de logements inachevés deviennent ainsi d’ambivalents signes de revendication ou de protestation (Anarchitekton). BRANDIR DES CRÂNES. En 2017, dans l’État indien du Tamil Nadu, des paysans, victimes d’une violente sécheresse, manifestent pour dénoncer une aide insuffisante du gouvernement central en brandissant les crânes et ossements de personnes que la crise a poussées au suicide. La seule réponse sera l’annulation de leurs dettes. [ Voir aussi « hisser », « manifester » et « se réjouir »]

BRICOLER BRICOLER DES DIEUX. Durant la colonisation, les missionnaires européens travaillent à substituer aux cultes autochtones la foi monothéiste chrétienne. Mais le syncrétisme fait parfois échouer ce projet. Au début du XXe siècle, les Fang du Gabon en viennent ainsi à considérer que Jésus, fils de Dieu, n’est autre que Nzame, lequel, en tant que premier ancêtre, est également Adam. Grâce à quoi le péché originel est racheté par la résurrection, la relation virginale mère/fils remplace l’inceste frère/sœur et les théologiens y perdent leur latin. TOUT BRICOLER. L’embargo économique imposé par les États-Unis à Cuba depuis 1962, conjugué à la perte du soutien soviétique en 1991, prive les Cubain·es d’innombrables produits. Pour y faire face, la population pratique le réemploi perpétuel. Elle métisse les objets ou invente des usages : bouées pour enfants à base de bouteilles de soda, plateau de cantine en guise d’antenne de télévision, vélo pourvu d’un moteur de tronçonneuse, etc.

BROUILLER BROUILLER UNE CONVERSATION. Afin de se prémunir contre les écoutes, les avocat·es états-unien·nes discutent sur fond d’enregistrements de conversations mêlées. Ces babble tapes leur permettraient ainsi de camoufler leurs échanges sensibles. BROUILLER UN DRAPEAU. En 1995, l’artiste allemand Ralf Schmidt a installé son atelier dans le futur Museum für Gegenwart à Berlin, alors en chantier. Pour célébrer cette libre occupation, il hisse au-dessus du bâtiment deux drapeaux aux couleurs de l’Allemagne. Mais, dans l’un, l’ordre des couleurs est erroné et, dans l’autre, les bandes sont verticales, car c’est celui de la Belgique. BROUILLER DES DRAPEAUX. En septembre 2012 à Tel-Aviv, le collectif d’artistes français Société réaliste fait flotter des drapeaux aux couleurs des 193 nations de l’ONU. Mais illisibles : leurs teintes sont dispersées dans un motif de camouflage (U.N. Camouflage).

BRÛLER BRÛLER UNE EFFIGIE. Employée depuis la fin du Moyen Âge en Europe, la destruction de l’effigie d’un supposé coupable permet de l’exécuter par contumace. L’Église et l’Inquisition en sont friandes4. En France, à partir de la fin du XVIIIe siècle, la protestation s’empare du procédé. Ainsi, en 1774 à Paris, un mannequin figurant le contrôleur général Terray, un abbé haï pour avoir renchéri le blé et s’en être fait, est brûlé place Dauphine. [ Voir aussi « juger une effigie » et « pendre un portrait »] BRÛLER DES POMMES DE TERRE. En 1961, les paysan·nes breton·nes, confronté·es à la spéculation, ne parviennent plus à vendre leurs légumes et expriment leur colère par des manifestations, blocages ou sabotages. Ou en brûlant des pommes de terre. SE BRÛLER LES DOIGTS. En Europe, certaines personnes sans titre de séjour se brûlent les doigts au feu ou à l’acide afin d’échapper à leur identification par prise d’empreintes digitales et, espèrent-elles, à leur expulsion (on ne saurait où les renvoyer). Ainsi, à Calais en 2009, un tiers des demandes d’asile émanent de personnes aux doigts mutilés. [ Voir aussi « détruire »]

C

CACHER CACHER DES FUGITIFS. Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis tuent plus d’un million d’enfants juifs. Des dizaines de milliers échapperont cependant à ce génocide, en étant cachés par des personnes solidaires. À Nice, le réseau clandestin créé par les résistant·es Odette et Moussa Abadi réussira ainsi à sauver 527 enfants, en les plaçant dans des couvents catholiques ou chez des familles protestantes.  CACHER LA STATUE D’UN DICTATEUR. En Albanie, lors de la chute du régime communiste en 1991, toutes les statues du dictateur Enver Hoxha sont détruites, sauf une : Sabire Plaku, une vieille paysanne, la sauve de la « vindicte des victimes et de l’appétit des ferrailleurs » pour qu’elle soit un jour exposée dans un musée. Non pas pour glorifier le tyran, mais pour faire réfléchir sur le passé. En attendant, la conservatrice en herbe cache la statue sous la paille d’une étable. CACHER UN MONUMENT. À partir de 1969, l’artiste d’origine bulgare Christo et l’artiste française Jeanne-Claude emballent des sites ou des monuments. En 1995, ils emballent ainsi le Reichstag à Berlin, à l’aide d’une toile ceinturée de cordages. Le lieu emblématique du pouvoir nazi, devenu Parlement de l’Allemagne réunifiée, disparaît ainsi pour mieux attirer l’attention, ficelé à la manière d’un corps érotisé. CACHER DE L’ARGENT [1]. En 2002, les artistes suisses Christoph Büchel et Gianni Motti conçoivent pour le Helmhaus à Zurich une exposition minimale : ils laissent l’espace vide et y font cacher, devant notaire, un chèque de 50 000 francs suisses correspondant au budget de l’exposition. Le public est invité à trouver le trésor dissimulé. Mais, dès le lendemain, le maire de la ville censure l’exposition (Capital Affair). CACHER DE L’ARGENT [2]. En 2005 à Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler cache 400 euros dans l’enseigne d’un poste de police, dont le O est béant. Un mois plus tard, à la faveur d’un changement de logotype des forces de l’ordre, le caisson est retiré et les billets disparaissent. Heureusement, ils sont faux (Depot).  CACHER UN MESSAGE (SANS ÊTRE PRESSÉ). Vers 600 avant Jésus-Christ à Babylone, le roi Nabuchodonosor écrit un message sur le crâne rasé de quelques esclaves, attend que leurs cheveux repoussent et les envoie à ses destinataires, qui tondent les messagers pour lire le texte. Avantage : si le message est intercepté, on le sait1. CACHER UNE LIME DANS SA ROBE. La large robe à cerceau portée en Espagne au XVIIe siècle est appelée guardainfante (« garde l’enfant ») car soupçonnée de dissimuler des grossesses illicites. L’accusation est infondée, mais d’autres choses seront cachées dans la robe, comme une lime, un pied-de-biche et deux échelles lors d’une tentative d’évasion à Madrid en 1644. CACHER SA JUPE DANS SON PANTALON. Au début des années 2010, alors que les autorités communistes nord-coréennes veillent à ce que les femmes portent des vêtements féminins, Eun, étudiante à Séoul, cache sa jupe dans son pantalon. Et, dès qu’elle aperçoit la « police de la mode », la ressort. CACHER UN TRACT DANS UN TUTO BEAUTÉ. En 2019, Feroza Aziz, une adolescente états-unienne d’origine afghane, publie sur le réseau social TikTok un tutoriel expliquant comment se faire de longs cils. Peu après le début de la vidéo, elle abandonne ses conseils esthétiques pour parler de la persécution des Ouïghours en Chine. Le faux tuto est bientôt remarqué et vu plus d’un million de fois, avant que le compte de la militante ne soit bloqué par la plateforme, basée en Chine. Face à la protestation des internautes, son compte sera finalement rétabli. CACHER DES INITIALES DANS UN TIMBRE. En 1943, dans les îles Anglo-Normandes occupées par les Allemands, ceux-ci commandent le dessin d’un timbre à l’artiste Edmond Blampied. Il dissimule alors dans les ornements de ses compositions les initiales « GR », soit « Georgius Rex », en référence à George VI, le souverain britannique qui, selon lui, est légitime. CACHER UN VISAGE DANS UN BILLET DE BANQUE. Au début des années 1990 en Birmanie, alors que la junte militaire s’est maintenue au pouvoir malgré sa défaite aux élections, un nouveau billet de banque est imprimé. Sur le billet apparaît le général Aung San, figure historique de l’indépendance. Mais le filigrane, au lieu de reproduire fidèlement le portrait imprimé, montre un visage aux traits plus féminins. Le dessinateur du billet a en effet discrètement glissé un portrait de la fille du général : Aung San Suu Kyi, la leader démocrate qui avait remporté les élections. NE RIEN CACHER. En 2018, afin de faire l’éloge de la transparence, l’artiste roumain Mircea Cantor organise à Tokyo une manifestation dont les participant·es brandissent des pancartes transparentes (Adjective to Your Presence). [ Voir aussi « enfouir » et « recouvrir »]

SE CACHER SE CACHER DANS DES GROTTES. En 1914 près de Briançon, Félix et Théophile Berthalon fuient la guerre. Traqués par les gendarmes mais protégés par la solidarité locale, les frères montagnards se terrent dans des grottes et travaillent nuitamment dans les champs. Retrouvés seulement douze ans plus tard, ils écoperont de trois ans de prison avec sursis. SE CACHER DANS LA RUE. Dans les années 1970, alors que la liberté d’expression est inexistante dans son pays, l’artiste tchèque Jiří Kovanda effectue dans la rue de discrètes performances. On le voit ainsi en 1977 se cacher quelques instants derrière un arbre (I Hide). SE CACHER DERRIÈRE UN NOM. En 1514, des paysans d’Allemagne du Sud se soulèvent en se faisant tous appeler « pauvre Conrad » et se trouvent ainsi protégés par cet anonymat collectif2. Ce principe de pseudonyme partagé se retrouve dans les années 1810 en Angleterre chez les luddites – qui tous peuvent prétendre être le « général Ludd » –, depuis les années 1990 chez les activistes en Europe ou en Amérique du Sud, qui signent de nombreux actions, textes ou canulars sous le nom collectif « Luther Blisset3 », ou encore dans les luttes françaises des années 2020, auxquelles participent d’innombrables Camilles Dupont. SE CACHER DANS LA FOULE. En 1938 en Palestine, afin de rendre leurs combattants introuvables, les chefs de la rébellion contre la domination britannique demandent à tous les citadins arabes de porter le keffieh, symbole de leur résistance4. SE CACHER DES DRONES. À l’automne 2012, l’artiste d’origine états-unienne Adam Harvey met au point des vêtements réfléchissant la chaleur et permettant ainsi de ne pas être détecté·e par les caméras thermiques. Inspirés de tenues islamiques traditionnelles, ces habits sont imaginés pour les territoires moyen-orientaux que surveillent et bombardent alors les drones américains (Stealth Wear). SE CACHER DES ONDES. En 2013, le même Adam Harvey propose « Off Pocket », un étui permettant de préserver son téléphone de toute localisation ou écoute (et de se déconnecter, par la même occasion).

CAMOUFLER CAMOUFLER UNE MANIFESTATION EN BANQUET. En 1847, les manifestions sont interdites par le gouvernement français. Pour contourner cet obstacle et afin de protester contre la famine qui fait rage, l’opposition organise plus de soixante-dix banquets et réunit ainsi des milliers de convives. CAMOUFLER DU SODA EN SOUPE. En 1942, le gouvernement de la ville chinoise de Chongqing interdit la vente de café et de sodas. Le Sing Sing Café se renomme alors en Sing Sing Kitchen et propose discrètement du soda : les client·es le consomment à la cuillère dans des assiettes à soupe. CAMOUFLER SON VISAGE [1]. En 2003, l’artiste d’origine russe Alexei Shulgin propose une solution pour échapper à la reconnaissance faciale : des masques en latex sur mesure qui vous procurent un autre visage. La solution est efficace, à condition d’accepter de ressembler à un monstre (Privacy with A Human Face™).  CAMOUFLER SON VISAGE [2]. En 2010, l’artiste d’origine états-unienne Adam Harvey met au point des maquillages, coiffures ou bijoux dont les formes trompent les algorithmes de reconnaissance faciale. Face à ces étranges géométries, le système est incapable d’identifier les visages (CV Dazzle). CAMOUFLER SON VISAGE [3]. Les camouflages d’Adam Harvey (ci-dessus) égarent les algorithmes mais donnent aux personnes qui les portent une apparence insolite, très repérable par les êtres humains (dont les policiers). Pour résoudre ce problème, des chercheurs de l’université israélienne Ben Gourion mettent au point en 2021 une méthode de maquillage plus subtile, consistant à redessiner les traits les plus caractéristiques d’un visage (affiner le nez, etc.). L’algorithme voit alors des personnes sans pouvoir les reconnaître. CAMOUFLER SON VISAGE DANS DES FLEURS. En 2020, l’artiste états-unienne Joselyn McDonald conseille aux femmes d’utiliser « dame nature » pour se prémunir de la reconnaissance faciale, en dissimulant leur visage dans des bouquets de fleurs (Mother Protect Me). [ Voir aussi « brouiller une conversation » et « prêter son visage »]

Canular : voir « annoncer », « démentir », « faire un faux »

CÉLÉBRER CÉLÉBRER DES FUNÉRAILLES ANTICIPÉES. Vers 1810, alors que les guerres napoléoniennes tuent des centaines de milliers de soldats, des conscrits bretons participent à leur propre enterrement : avant de partir au front, ils assistent à la messe qu’on leur dédie, puis suivent leurs cercueils, aux côtés de leurs parents endeuillés. CÉLÉBRER UNE MESSE SANS FIN. En 2019 à La Haye, la famille arménienne Tamrazyan, menacée d’expulsion, sollicite l’aide du pasteur Derk Stegeman. Il les accueille alors dans son église et, sachant qu’une loi médiévale néerlandaise interdit à la police d’entrer dans un lieu de culte durant un office religieux, y organise une cérémonie perpétuelle. Après 96 jours de messe et une intense médiatisation, la famille est amnistiée. Mais la loi néerlandaise sur l’asile est durcie.

CHAHUTER CHAHUTER LES ÉLUS. Issue du Moyen Âge, la pratique du charivari se politise en France dans les années 18205. Les hommes politiques que l’on réprouve sont assaillis, chez eux et en pleine nuit, par un vacarme assourdissant produit par des casseroles, des poêles, des crécelles ou des cris d’animaux. Ainsi en 1833, le député et académicien Jean-Pons-Guillaume Viennet, devenu antirépublicain, est accueilli dans son village pyrénéen par de tonitruants braiments d’ânes et d’ânesses dûment excité·es. CHAHUTER LES MATONS. Frapper sur des boîtes de conserve ou sur les barreaux de sa cellule permet aux détenu·es de protester collectivement, sans risquer d’être puni·es individuellement. [ Voir aussi « faire la fête dans 15 m2 » et « fêter la fermeture de son compte en banque »]

CHANGER CHANGER D’IDENTITÉ. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’emploi de faux papiers permet à de nombreuses personnes juives d’échapper à la déportation. Et parfois, dans les camps de concentration, prendre l’identité d’un mort est salvateur. Ainsi, en mars 1945 à Buchenwald, Chil Elberg portera le nom et l’étoile jaune de Jacques Pepermans, prisonnier politique décédé, et, grâce à ce subterfuge, survivra. CHANGER DE FILE. Dans les camps de concentration également, les nazis trient les personnes déportées selon leur âge, leur genre, leur état de santé, etc. En 1944 à Auschwitz, Mina Wosk quitte la file des malades pour rejoindre celle des bien-portantes. Contrairement à d’autres, punies pour leur audace, sa témérité la sauvera6. CHANGER DE SEXE. Lors de sa naissance en 1891 en Autriche-Hongrie, Dora Richter est considérée comme un garçon. Mais, dès son enfance, elle manifeste le sentiment d’être une fille. À l’âge adulte, elle se fera opérer et deviendra ainsi la première personne à changer de genre au moyen de la chirurgie. La clinique sera vandalisée par des nazis. [ Voir aussi « se travestir »] CHANGER DE VIE. Dans les années 1990, le Français Fernand Valèges s’ennuie. Ses enfants sont grands. Son activité ronronne. Son couple s’étiole. Il part pour les îles, sans prévenir personne. Là-bas, il voyage, fait des rencontres. Mais s’ennuie de nouveau. Et rentre au bout d’un an. CHANGER LES PRIX. Le 12 mars 2003, les collectifs d’artistes-activistes new-yorkais Conglomco et Carbon Defense League lancent sur Internet « Re-code », un générateur de code-barres gratuit. Grâce à ce service, il est possible de définir soi-même le prix d’un produit, d’imprimer son étiquette et de la coller sur son emballage avant de l’acheter. Le générateur frauduleux, après avoir connu un vif succès et la colère des distributeurs, sera retiré7.

CHANTER CHANTER POUR L’INDÉPENDANCE. Dans les pays baltes, de 1987 à 1991, de nombreux citoyens entonnent simultanément des chants folkloriques ou religieux interdits par le régime soviétique. Le mouvement, surnommé la « Révolution chantante », réunira jusqu’à 4 millions de personnes.  CHANTER LES INFORMATIONS. En 2005 au Népal, alors que le roi muselle la presse, des journalistes de la radio Sagarmatha parviennent à contourner la censure : leurs informations ne sont plus délivrées lors des bulletins dédiés, mais chantées durant des programmes de divertissement. CHANTER DES DOLÉANCES. Depuis 2005, les artistes Tellervo Kalleinen et Oliver Kochta-Kalleinen, d’origines respectivement finlandaise et allemande, recueillent les plaintes des gens et en font des chansons. Dans chaque ville sondée, un chœur entonne ensuite de mélodieuses jérémiades : « Birmingham était mieux avant », « Mes impôts servent à payer la guerre », « Les limaces mangent ma laitue », etc. (Complaints Choirs). NE PAS CHANTER. En 1971, lorsque le chanteur folk états-unien Pete Seeger monte sur scène pour faire un concert à Barcelone, une liste de chansons interdites par le pouvoir franquiste lui est présentée. Il décide de ne pas chanter et de simplement jouer à la guitare les accords des chansons concernées. Les 100 000 spectateurs et spectatrices présent·es se mettent à les entonner. [ Voir aussi « jouer de la musique »]

Charivari : voir « chahuter »

CHASSER CHASSER DANS UN SUPERMARCHÉ. En 1992, l’artiste allemand Christian Jankowski part chasser dans un supermarché, muni d’un arc et de flèches. Il tire sur une courgette, une plaquette de beurre, du papier toilette ou un poulet congelé. La caissière scannera, sans se formaliser, les produits percés de flèches (Die Jagd). [ Voir aussi « soigner un centre commercial »] CHASSER LE BISON. Le 28 juillet 2020, afin de dénoncer l’abattage des animaux et la disparition de certaines espèces, l’artiste français Gilbert Coqalane se rend, muni d’un arc, au Buffalo Grill d’Essey-lès-Nancy et tire une demi-douzaine de flèches sur le bison qui en orne la pelouse. Compensation pour le bovin : 400 euros d’amende.

CLOUER SE CLOUER LES TESTICULES. Le 10 novembre 2013 à Moscou, l’artiste russe Piotr Pavlenski, indigné par l’indifférence politique de ses compatriotes, s’assoit nu sur la place Rouge et se cloue au sol, à travers la peau de ses testicules8 (Fixation). CLOUER UNE VILLE. En 1969, le maire de Carbondale, dans l’Illinois, est rassuré. L’artiste états-unien Lowell Darling vient de lui écrire pour lui annoncer qu’il a planté huit clous autour de sa ville. Et qu’elle ne pourra donc pas s’envoler.

COLLECTIVISER COLLECTIVISER FACEBOOK. Facebook mettant en relation 2 milliards d’utilisateurs d’une manière à la fois opaque et cupide, l’artiste néerlandais Jonas Staal décide en 2020 de poursuivre le réseau social en justice. Il demande que la partie adverse passe dans le domaine public et soit détenue et gouvernée par ses utilisateurs. L’artiste organise alors des « pré-procès » (des spectacles), en vue d’une interpellation du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il projette de collectiviser ensuite Apple, Google ou Amazon.

SE COLLER SE COLLER À LA MANCHE D’UN PREMIER MINISTRE. Le 22 juillet 2008, l’activiste britannique Dan Glass veut interpeller le Premier ministre Gordon Brown sur l’inutilité de l’extension de l’aéroport londonien d’Heathrow. Profitant de ce que celui-ci doit lui remettre une récompense, il lui attrape le bras et, grâce à une colle puissante, ne le lâche plus. Il lui déclare alors : « Nous ne pouvons pas davantage nous débarrasser du changement climatique que vous ne pouvez vous débarrasser de mon bras. » Vingt secondes plus tard, sa main sera pourtant brutalement détachée par l’homme d’État9.

COLORER COLORER UNE VILLE. En 1998, la ville norvégienne de Sortland n’a, selon les guides touristiques, pas le moindre intérêt. Bjørn Elvenes, un artiste local, la fait alors peindre dans une multitude de nuances bleutées. Faisant de cette « ville bleue » une attraction. COLORER UN NUAGE (DEMANDER À). En 1974, l’artiste brésilien Paulo Bruscky publie une annonce dans un journal local. Il déclare rechercher « un chimiste, un météorologue ou toute personne capable de colorier un nuage » (Artearonimbo). ROUGIR DES FONTAINES. En 2015, le collectif féministe britannique des Sisters Uncut s’oppose aux restrictions qui ont entraîné la fermeture de trente-quatre centres d’aide aux femmes battues. Pour dénoncer ces fermetures et rendre hommage aux femmes mortes sous les coups de leurs conjoints, elles teignent en rouge les fontaines de Trafalgar Square10.  ROUGIR LA STATUE DE LA LIBERTÉ. Le soir du 25 juin 1996, profitant d’une brève pause des agents de sécurité, le duo d’artistes allemands p.t.t.red place des gélatines rouges sur les lampes éclairant la statue de la Liberté. Et teinte ainsi d’un rouge communiste cet emblème de l’Occident capitaliste (How Much Red Does the Statue of Liberty Bear). VERDIR UNE RIVIÈRE. En 2010, l’artiste argentin Nicolás Uriburu s’associe à l’association écologiste Greenpeace pour colorer en vert une rivière coulant à Buenos Aires, et ainsi dénoncer la pollution qu’elle subit (Utopia del Bicentenario). VERDIR UN AVION. En 2021, Emmanuel Macron, alors président de la République française, annonce la création d’un oxymore : un avion écologique (un « avion vert »). Désireuses de dénoncer ce greenwashing, des personnes membres de l’association écologiste Greenpeace le prennent au mot : elles se rendent à l’aéroport de Roissy et repeignent en vert un avion d’Air France. VERDIR UNE FUMÉE. Du 22 au 29 février 2008, le duo artistique français HeHe fait éclairer nuitamment, par un laser, la fumée émise par une centrale à charbon finlandaise. Les habitant·es peuvent ainsi mesurer leur consommation, en observant les évolutions de cet inhabituel nuage vert. VERDIR UNE LUMIÈRE. D’octobre 2021 à juin 2022, afin d’empêcher l’arrivée de migrant·es, la Pologne construit un mur le long de sa frontière avec la Biélorussie. De nombreuses personnes polonaises, cherchant à aider les réfugié·es ayant réussi à passer, signalent les maisons hospitalières par une lumière verte. Mais le secret sera bientôt éventé. DORER DES BANCS. En URSS, les étudiant·es « exaltent l’édification du socialisme » en effectuant chaque année des travaux annuels bénévoles, appelés voskresnik. En 1985 à Moscou, l’artiste russe Anatoly Giganov profite de sa fonction de concierge pour demander aux habitant·es de son immeuble d’effectuer leur propre voskresnik, en peignant leurs bancs, poubelles et barrières avec de la peinture dorée. Les résident·es s’exécutent avec docilité, puis l’artiste est interné durant un mois dans un hôpital psychiatrique (The Golden Voluntary Sunday). NOIRCIR UNE MAISON. En 2007, l’artiste franco-suisse Benoît-Marie Moriceau introduit à Rennes une présence inquiétante : il fait peindre intégralement en noir une maison évoquant celle du film Psychose, d’Alfred Hitchcock (Psycho). BLANCHIR PARIS (PROPOSER DE). Pour l’Exposition universelle de 1937, l’artiste français Fernand Léger suggère de repeindre Paris en blanc, afin que ses façades deviennent le support d’illuminations ou de projections lumineuses. La proposition ne sera pas retenue. [ Voir aussi « porter un gilet jaune »]

COMBLER COMBLER DES FOSSÉS. En juin 1607 à Newton en Angleterre, les paysans opposés à la privatisation des terres arrachent les haies et comblent les fossés qui délimitent les parcelles nouvellement créées. Cette opposition sera cependant vaine. L’« enclosure » des terres se poursuivra et sera, à en croire Marx, l’acte fondateur du capitalisme.

Coming-out : voir « révéler son homosexualité »

COMMÉMORER COMMÉMORER UN ILLUSTRE INCONNU. En 1913, le journaliste Paul Birault invite des centaines de parlementaires français à l’inauguration de la statue commémorative d’un homme illustre, Hégésippe Simon. Une vingtaine d’élus acceptent de s’y rendre, dont un qui se flatte de l’avoir connu. Pourtant, il n’a jamais existé11.  COMMÉMORER UN DÉBOULONNAGE (PROPOSER DE). Le 7 juin 2020 à Bristol, des militant·es du mouvement antiraciste Black Lives Matter renversent la statue du négrier anglais Edward Colston et la jettent dans le port. S’ensuit un débat : faut-il remettre la statue en place ou entériner son déboulonnage, au risque d’ignorer le passé ? L’artiste-activiste britannique Banksy propose de replacer la statue sur son socle, mais légèrement inclinée et complétée par la représentation des activistes qui la renversent. Peine perdue. La ville choisira de mettre l’œuvre polémique dans un musée. [ Voir aussi « statufier une activiste »] COMMÉMORER UNE CONTAMINATION. En 1952-1953, l’armée britannique expérimente, au large d’une île écossaise, une arme bactériologique : elle expédie une bactérie inoffensive sur une barge peuplée de cochons d’Inde. De 2005 à 2007, le collectif artistique Critical Art Ensemble réitère l’expérience. Et son échec (Marchin Plague). COMMÉMORER UNE BIBLIOTHÈQUE PERDUE. En 1997, un incendie détruit la bibliothèque de l’artiste d’origine états-unienne Devora Neumark. En souvenir de cette perte, elle réalise 10 000 signets, illustrés d’une photographie montrant la catastrophe et d’une autre montrant ses mains épluchant des betteraves, et les glisse, au fil du temps, dans des livres qu’elle choisit dans des librairies ou bibliothèques où elle se trouve à passer (Marked Like Some Pages in a Book). COMMÉMORER UN BÂTIMENT. En 2021 à New York, au bord de l’Hudson, l’artiste afro-américain David Hammons rend hommage aux temps industriels révolus : il érige une fine structure qui dessine, au-dessus de l’eau, les contours d’un bâtiment industriel disparu12 (Day’s End).  COMMÉMORER DES PERDANTS. En 2008 en Arizona, pendant la campagne présidentielle, l’artiste états-unienne Nina Katchadourian dispose des panneaux électoraux au bord d’une route. Mais les noms inscrits sont ceux des candidats malheureux aux élections antérieures. Ce « monument aux non-élus » (Monument to the Unelected) est voué à réapparaître tous les quatre ans, lors de chaque élection, enrichi d’un perdant supplémentaire. COMMÉMORER SANS COMMÉMORER [1]. En 2000, rue de Charenton à Paris, des anonymes fixent sur un mur une plaque de marbre sur laquelle est inscrit : « Le 17 avril 1967, ici, il ne s’est rien passé. » COMMÉMORER SANS COMMÉMORER [2]. À partir de 2018, l’artiste française Fanny Souade Sow utilise un procédé similaire pour dénoncer les violences policières et le déni des autorités à leur sujet : elle place des plaques commémoratives là où des personnes sont mortes des suites de ces violences. On peut par exemple y lire : « Ici le 7 octobre 2020, il ne s’est rien passé. » [ Voir aussi « fleurir une tombe » et « ressusciter des soldats »]

COMMUNIQUER COMMUNIQUER CLANDESTINEMENT. À partir des années 1950 en URSS, les dissident·es contournent la censure et le monopole étatique de l’imprimerie en réalisant des publications artisanales. Ces samizdats, manuscrits ou tapés à la machine et transmis de la main à la main, sont parfois de véritables livres, comme Le Docteur Jivago de Boris Pasternak ou Une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne. COMMUNIQUER À L’AIDE D’INTERNET. Dans les années 1990 au Chiapas, lorsque le sous-commandant Marcos13 veut communiquer avec le gouvernement mexicain, il envoie Internet, son âne. COMMUNIQUER À L’AIDE D’UN POISSON. En 2007 en Corée, l’artiste japonais Shimabuku monte sur le toit d’un musée et invite le personnel à le rejoindre pour déguster un poisson-couteau. Au préalable, il tente de communiquer avec des présences invisibles à l’aide des reflets du poisson (Sunrise at Mt. Artsonje). [ Voir aussi « annoncer », « demander », « démentir », « proposer » et « promettre »]

COMPLÉTER COMPLÉTER UNE SIGNALISATION. En décembre 2002, alors que le président états-unien George W. Bush veut déclencher une guerre en Irak, le collectif militant TWCDC (Together We Can Defeat Capitalism) intervient sur la signalisation des rues de San Francisco : il transforme les inscriptions « BUS STOP » en « BUSH STOP ». COMPLÉTER UNE STATUE. Après l’attentat islamiste qui a causé la mort de quatre-vingt-six personnes le 14 juillet 2016 à Nice, l’artiste français Laurent Lacotte leur rend hommage en intervenant sur un monument de la ville : il place une couverture de survie sur les épaules d’une réplique de la statue de la Liberté (Guard). [ Voir aussi « corriger une communication »]

COMPROMETTRE COMPROMETTRE LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR. Le 30 mai 2006, l’artiste français Julien Prévieux se fait dédicacer un livre par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Grâce à ce subterfuge, il recueille ses empreintes digitales. L’artiste réalise ensuite des tampons permettant de placer ces empreintes n’importe où, et de mettre potentiellement dans une position de suspect le patron des policiers français (Mallette no 1).

CONCOURIR CONCOURIR DIX-HUIT FOIS. De 1936 à 1966, le poète et philosophe excentrique français Ferdinand Lop se présente continuellement pour être membre de l’Académie française. Ses dix-huit tentatives seront infructueuses, mais, par deux fois, l’un des membres de l’institution conservatrice lui accordera une voix. CONCOURIR POUR PERDRE [1]. Au début des années 1950, dans un camp pénitentiaire tchécoslovaque, des sous-officiers organisent une course de relais avec des prisonniers politiques, pour le plaisir de la gagner. Les détenus veillent consciencieusement à les satisfaire, en boitant, en tombant ou en courant au ralenti. Et gagnent ainsi d’être punis. CONCOURIR POUR PERDRE [2]. En 2016 en France, une loi restreignant les droits des travailleurs provoque de nombreuses manifestations, durant lesquelles des vitrines de banques, de compagnies d’assurance ou d’agences immobilières sont brisées. En réponse, leurs propriétaires les protègent avec des panneaux de bois. En 2020, l’artiste français Stéphane Bérard concourt pour le prix Maif, qui permet à ses lauréats de réaliser une sculpture en bronze. Il propose alors, en guise d’œuvre, de réaliser des plaques de bronze destinées à protéger les vitrines capitalistes. Son projet n’est pas récompensé.

CONSIGNER CONSIGNER SES ALLÉES ET VENUES. À partir de 1997, l’artiste canadienne Kelly Mark calque sa vie sur celle d’un ouvrier : elle inscrit sur des fiches les heures auxquelles elle entre ou sort de son domicile. En 1999, un collectionneur achète les fiches, l’horloge utilisée et la charge de rémunérer l’artiste, comme s’il était son employeur. Le pointage doit se poursuivre jusqu’en 2032, année des 64 ans de l’artiste, si elle est encore en vie (In and Out).

CONSTRUIRE CONSTRUIRE DES BARRICADES. Le 12 mai 1588 à Paris a lieu la première « journée des Barricades » : pour résister à l’armée d’Henri III, les Parisien·nes érigent des obstacles en travers des rues. Face à ces chaînes, pièces de bois ou tonneaux14 remplis de fumier, le roi impopulaire renoncera à prendre la ville. CONSTRUIRE UN PILIER. Dans le royaume thaï de Sukhothai (XIIIe-XVe siècle), un alignement de planètes suggère un jour à un devin rebelle l’endroit où placer un pilier défavorable au roi. Et, en effet, le monarque sera destitué, au profit d’un autre plus juste. CONSTRUIRE UN BIDONVILLE. En 1990 à Boston, des étudiants du MIT construisent un bidonville au centre de leur campus, afin de symboliser la persistance de l’apartheid en Afrique du Sud. Il sera détruit par la police. CONSTRUIRE DES SALONS DANS LA RUE. À Los Angeles au début des années 2000, les transports publics sont empruntés par les personnes les plus pauvres, et les arrêts de bus sont délabrés. Pour y remédier, l’architecte californien Steve Rasmussen Cancian conçoit en 2002, avec des habitant·es, des salons d’extérieur leur permettant de bavarder agréablement dans la rue. Et de perturber ainsi la gentrification.  CONSTRUIRE UN CANAPÉ-LIT PUBLIC. En 2002, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler met au point un banc public dépliable. Les sans-abri peuvent ainsi s’allonger en couple (Folding Parkbench). CONSTRUIRE UN AÉRODROME. En 1943, à Tanna dans les Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu), certaines personnes sont convaincues qu’un avion, chargé de richesses, leur sera bientôt envoyé par leurs ancêtres. Et qu’il annoncera le début d’une ère de félicité. Elles improvisent donc un aérodrome. [ Voir « attendre un bateau »] D’autres, ailleurs, bricoleront des entrepôts ou des stations de télégraphe. CONSTRUIRE UN MÉTRO MONDIAL. En 1993, l’artiste allemand Martin Kippenberger fait construire une entrée de métro sur l’île grecque de Syros. Puis une autre à Dawson City au Canada. Et une troisième à Cassel en Allemagne. Et suggère ainsi l’ouverture prochaine d’une commode liaison intercontinentale (Metro-Net World Connection). CONSTRUIRE DES CHÂTEAUX DE SABLE. En 2002, l’artiste française Marie Reinert édifie des châteaux dans des tas de sable destinés à la voirie. Elle intitule son œuvre Valeur ajoutée.

SE CONVERTIR SE CONVERTIR POUR DE FAUX. À partir de 1685, la prohibition du protestantisme en France contraint les réformé·es à fuir ou à abjurer leur religion15. Mais certaines conversions seront factices et le culte se poursuivra de façon clandestine, notamment dans des lieux reculés, surnommés les « déserts ». SE CONVERTIR PROVISOIREMENT. À partir de 1920 en Papouasie, constatant l’échec de la lutte armée face aux colonisateurs allemands, de nombreuses personnes autochtones décident de coopérer et de se convertir au christianisme. Elles espèrent ainsi percer le mystère du cargo, censé leur apporter les richesses de leurs ancêtres. [ Voir « attendre un bateau »] Mais, dix ans plus tard, ne voyant pas arriver le navire espéré, elles abandonneront cette décevante religion. [ Voir aussi, dans « baptiser » : « se faire baptiser »]

CORRIGER CORRIGER UN LIVRE. En 2021 paraît en France une bande dessinée dont les textes, écrits par l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, défendent l’énergie nucléaire avec des arguments écologiques. Le livre est un succès, mais, en décembre 2022, des employé·es de l’éditeur viennent apporter aux libraires des errata à glisser dans les ouvrages. Ces imprimés signalent les nombreuses erreurs et approximations qui s’y trouvent et présentent les excuses de la maison d’édition. Celle-ci dénoncera avec vigueur l’imposture de ces fausses et faux employé·es. CORRIGER UNE ENSEIGNE. En 1977, l’atelier de l’artiste Constantin Brâncuși est reconstitué à côté du Centre Pompidou à Paris. Son enseigne indique alors « Atelier Brancuși ». En 2016, l’artiste roumain Mircea Cantor ajoute un accent circonflexe sur le « a » et une virgule souscrite sous le « s ». Et reroumanise ainsi le nom de son compatriote. CORRIGER UNE COMMUNICATION. En 1999, le duo d’activistes RTMark (futurs Yes Men) enregistre le nom de domaine GWBush.com. À cette adresse, ils créent un site Internet imitant fidèlement celui du candidat républicain George W. Bush (GeorgeWBush.com), tout en précisant les motivations du futur président : aider les riches au détriment des pauvres et de l’environnement. Les joyeux faussaires en font autant avec le maire de New York, Rudy Giuliani (yesrudy.com). Indigné par la présence de ces sites satiriques, Bush déclarera : « Il doit y avoir des limites à la liberté. » [ Voir aussi, dans « démentir » : « faire un faux démenti [1] et [2] »] CORRIGER LE MOBILIER URBAIN. À partir de 2011, à Paris, Aubervilliers ou Saint-Denis, l’artiste français Julien Berthier chasse les doublons. Si une plaque de rue et un panneau de sens interdit voisinent, chacun porté par son propre poteau, il soude un panneau à l’autre et repart avec le poteau devenu inutile. Puis tente de le vendre, comme une œuvre (Les Corrections). CORRIGER DES BANCS. À partir de 2018, le collectif belge Design for Everyone intervient sur des bancs publics hostiles aux sans-abri. Alors que ce type de mobilier urbain est conçu pour empêcher qu’on s’y allonge, les designers fabriquent des compléments qu’ils installent, permettant ainsi à celles et ceux qui le souhaitent de s’y étendre à nouveau.

COUDRE COUDRE UN DRAPEAU. Le 18 mai 1803, la révolutionnaire haïtienne Catherine Flon ramasse le drapeau français déchiré par son père [ Voir « déchirer un drapeau »], puis coud ensemble les deux morceaux restants – l’un bleu, l’autre rouge – pour symboliser l’union des Noirs et des mulâtres. Et crée ainsi le drapeau d’Haïti, première nation noire libre du Nouveau Monde. SE COUDRE LES LÈVRES. Le 23 juillet 2012 à Saint-Pétersbourg, l’artiste russe Piotr Pavlenski veut dénoncer l’absence de liberté d’expression dans son pays. Il se coud les lèvres, puis se présente dans une cathédrale16. Il sera arrêté et envoyé dans un hôpital psychiatrique où on le déclarera sain d’esprit (Seam). RECOUDRE. En 1971, l’artiste états-unien Lowell Darling annonce que, pour contenir les tremblements de terre californiens, il a cousu la faille de San Andreas. Mais il ne précise pas où, en raison – dit-il – de la menace terroriste.

Coulage : voir « gaspiller »

COULER. En 2002, afin d’évoquer le destin de Venise, l’artiste allemand Hans Winkler se procure une gondole, la modifie, part naviguer dans les canaux. Et coule (Un incidente in gondola).

COUPER SE COUPER UNE MAIN. Durant les guerres napoléoniennes, de nombreux conscrits tentent de se rendre inaptes au combat : ils s’arrachent un pouce ou les dents, soignent leurs plaies avec de l’eau croupie ou se coupent une main. Certains décéderont des suites de leurs propres sévices. COUPER UNE MAIN. En avril 2004 à Ostende, le collectif activiste belge De Stoeten Ostendenoare (« Les Vilains Ostendais ») coupe clandestinement la main d’un personnage africain en bronze, situé au pied d’un monument à la gloire du roi Léopold II. L’amputation symbolique fait référence à une mutilation couramment infligée à la population congolaise sous le règne du monarque belge à la fin du XIXe siècle. À la suite de cet acte, le conseil municipal décidera de laisser la statue amputée17. [ Voir aussi « greffer une main »] COUPER SES LIVRES. En 2017, afin de mieux ranger ses livres, l’artiste français Michel Dector les fait tous massicoter au format 10 x 15 cm. Il complète alors mentalement les images et textes tronqués.

COURIR COURIR EN TANT QUE FEMME. Dans les années 1960, les femmes sont jugées inaptes à courir le marathon. Pour prouver le contraire, l’États-Unienne Roberta Louise Gibb (« Bobbi Gibb ») s’invite, le 19 avril 1966, dans celui de Boston. Elle terminera sa course avant les deux tiers des coureurs. Six ans plus tard, les marathons commenceront enfin à être accessibles aux femmes. COURIR POUR LIVRER. À partir de 2007, l’artiste marathonien Paul Robert propose un service de messagerie écologique : il livre, lui-même, à pied, dans tout Paris. Maximum 2 kg.

CRACHER [ Voir « se faire arrêter »]

CRÉER CRÉER DE L’ARGENT. En 2011, l’artiste d’origine italienne Paolo Cirio crée un établissement bancaire à but non lucratif et, comme n’importe quelle banque, crée de l’argent qu’il n’a pas : il distribue à qui veut plus d’un millier de cartes bancaires créditées de 100 livres sterling. Sa banque ne sera cependant jamais homologuée par les institutions monétaires (P2P Gift Credit Cards).

CRIER CRIER SA TRISTESSE. En Europe au Moyen Âge, les pleureuses prennent en charge, par leurs cris et lamentations, la douleur des endeuillé·es. Préférant un pieux recueillement à cette exubérance païenne, l’Église interdira cette pratique. Laquelle résistera pourtant, dans plusieurs campagnes, jusqu’au milieu du XXe siècle. CRIER LES MOTS DES AUTRES. Dans les années 2000 en France, des crieurs publics refont leur apparition. Comme au Moyen Âge, ils annoncent les nouvelles à voix nue. Et clament aussi des textes collectés auprès des habitant·es : poèmes, doléances, déclarations d’amour, etc.

CROIRE. En réponse à l’obscurantisme de certaines religions, de nouvelles croyances voient le jour. Ainsi, depuis les années 1990, les Last Thursdayistes affirment que l’univers a été créé jeudi dernier.

CROISER LES DOIGTS. En France en 1818, les soldats sont recrutés par tirage au sort. Leurs mères ou amantes tentent d’influencer le hasard par des messes, prières ou porte-bonheur, qu’elles glissent, à l’insu du conscrit, dans sa doublure ou son soulier.

CUISINER CUISINER DES GÂTEAUX PACIFISTES. En avril 2022, alors que la Russie a attaqué l’Ukraine, la jeune pâtissière moscovite Anastasia Chernysheva confectionne et vend des gâteaux ornés de messages anti-guerre. Elle sera condamnée à une amende pour avoir « discrédité » l’armée de son pays. CUISINER DES INGRÉDIENTS CLANDESTINS. À partir de 2017, les pâtissières californiennes Leah Rosenberg et Tess Wilson cuisinent des gâteaux contestataires : le Climate Change Cake, cuit à des températures de plus en plus élevées et immergé dans 2,6 pouces d’eau salée ; le Contraception Cake, mitonné avec des contraceptifs traditionnels ; le Six Nation Cake, dont les ingrédients sont issus de pays bannis par les États-Unis, etc. CUISINER DES SANDWICHS CONFLICTUELS. En 2010, les artistes états-unien·nes Jon Rubin et Dawn Weleski ouvrent à Pittsburgh un restaurant proposant des spécialités de pays considérés comme ennemis par les États-Unis. Cette Conflict Kitchen servira, tour à tour, des plats à emporter iraniens, afghans, cubains, vénézuéliens ou nord-coréens. Mais la cuisine palestinienne leur vaudra des menaces de mort. [ Voir aussi « manger »]

CUSTOMISER CUSTOMISER DES TICKETS DE MÉTRO. En 1995, le métro de Tokyo permet à ses usagers de personnaliser leurs cartes de transport, en y imprimant une image de leur choix. L’artiste japonaise Miran Fukuda choisit alors des photographies de l’attaque terroriste au gaz sarin, survenue peu avant dans le métro tokyoïte.

D

DANSER DANSER SANS FIN. En juillet 1518, à Strasbourg, une femme nommée Troffea est exaspérée par un ordre que lui a donné son mari. Elle s’invente alors une maladie consistant à danser, chanter et sauter sans jamais s’arrêter, jusqu’à s’effondrer et s’endormir. Cette forme de désobéissance fera ensuite de nombreuses émules, si bien que cette nouvelle maladie sera considérée par tout le monde comme un châtiment de Dieu. DANSER SUR UN SILO NUCLÉAIRE. En 1981 en Angleterre, un « camp de femmes pour la paix » est installé à Greenham Common, sur un site où doivent être placées des armes nucléaires. Le 31 décembre 1982, plusieurs dizaines de femmes escaladent la clôture de la base militaire, montent sur les silos et y dansent pendant des heures. [ Voir aussi « détruire des voitures », « faire la fête », « nettoyer en dansant », « planter des arbres sur une autoroute » et « verser du sable »]

DÉBRAYER. Débrayer consiste à se mettre en grève. [ Voir « faire la grève »]

DÉCHIRER DÉCHIRER UN DRAPEAU. Le 18 mai 1803, Jean-Jacques Dessalines, meneur de la révolution haïtienne, s’empare d’un drapeau français et arrache sa partie centrale blanche, symbole, à ses yeux, de la race des colonisateurs esclavagistes. Sa fille en tirera parti. [ Voir aussi « coudre un drapeau »]

DÉDOUBLER DÉDOUBLER UNE ÉTOILE JAUNE. Durant l’occupation allemande à Paris, une élève du lycée Hélène-Boucher ne veut pas subir passivement le port de l’étoile jaune, alors imposé aux personnes juives. Elle se coud donc une deuxième étoile, symétrique à la première. Elle devra cependant vite renoncer à cette élégance provocatrice. [ Voir aussi « écrire sur une étoile jaune », « porter une étoile jaune » et « porter une fleur »] DÉDOUBLER DES PASSANT·ES. En 1983, à la demande de la chorégraphe française Odile Duboc, des danseur·euses (qu’elle appelle des « Fernands ») effectuent dans la rue, à plusieurs, des gestes anodins mais identiques (Entr’actes). DÉDOUBLER DES VOYAGEURS. En 2008 à New York, à la demande du collectif facétieux Improv Everywhere, huit couples de jumeaux, vêtus chacun de manière identique, montent dans le métro de New York et se comportent de façon parfaitement symétrique (The Human Mirror).

DÉFENDRE DÉFENDRE UN BROCHET. En février 2010 à Zurich, l’avocat suisse Antoine François Goetschel prend la défense d’un brochet de 10 kg, trop brutalement pêché. Il plaide que les quinze minutes écoulées entre son hameçonnage et son décès hors de l’eau ont provoqué des souffrances inutiles. Ne constatant pas d’infraction, le juge acquitte le pêcheur, qui s’était imprudemment enorgueilli de sa prise dans un journal. Le défenseur fera appel. [ Voir aussi « acquitter », « juger » et « plaider l’hospitalité du droit d’auteur »]

DÉFIER DÉFIER DES CHARS. Le 5 juin 1989 à Pékin, alors que les manifestations étudiantes sont sévèrement réprimées par les autorités chinoises, un jeune homme se place devant une colonne de chars et en bloque le passage. À chaque fois que le premier engin tente de le contourner, il se replace devant lui. L’inconnu, dont on ignore le sort, restera célèbre sous le nom de « Tank Man ».

DÉFIGURER DÉFIGURER UNE STATUE. Les iconoclastes ne se contentent pas toujours d’abattre les statues. Les yeux en sont parfois crevés, les nez brisés ou les bouches ébréchées. Après la Révolution française, un cordonnier défigurera durant des années un buste du Dauphin (le fils du roi Louis XVI), à force de s’en servir d’enclume.

DÉGOBILLER. En 2004 à Montréal, le jour de la Saint-Valentin, l’exploitation consumériste du sentiment amoureux donne la nausée au collectif queer des Panthères roses. Aussi vont-elles vomir dans des boutiques et des restaurants.

DÉGONFLER DÉGONFLER DES PNEUS. En 2005 à Paris, les « Dégonflés » vident les pneus de 4x4 en ville. Bien que modeste, l’action écologiste est rapidement médiatisée et fait des émules : les Mous de la roue à Lille, les Flagadas à Bruxelles, les Raplaplas à Lyon, etc.

DÉGUISER DÉGUISER DES TRAVAILLEURS. En 2006 à New York, l’artiste d’origine mexicaine Dulce Pinzón demande à des travailleurs immigrés de se déguiser, puis les prend en photo. Ces « super-héros du quotidien », qui travaillent dur pour envoyer de l’argent à leur famille restée au pays, deviennent ainsi Spiderman, Wonder Woman, Birdman, etc. (The Real Story of the Superheroes). SE DÉGUISER EN OURS. Au Moyen Âge en Europe, l’ours symbolise le retour du printemps. En 1580 à Romans, lors d’un carnaval protestataire, le meneur de la révolte annonce la fin de l’hiver de la corruption, en revêtant une peau d’ours. Il sera abattu. [ Voir aussi « faire la fête »] SE DÉGUISER EN FEMME-GRENOUILLE. En 1979, l’artiste états-unienne Ann Messner prend le métro vêtue d’une tenue de plongée (masque, combinaison, tuba et palmes). Sa démarche ralentie et ondulante donne aussitôt la sensation que les voyageurs sont sous les flots (Frogman). [ Voir aussi « se travestir »]

DÉLÉGUER DÉLÉGUER LA DISTRIBUTION DE TRACTS. En 1998, le collectif activiste anonyme Institute for Applied Autonomy lance le robot distributeur de tracts « Little Brother ». Doté d’une apparence rétro-futuriste attendrissante, il distribue les prospectus subversifs avec beaucoup plus d’efficacité que les militants humains. DÉLÉGUER SES GRAFFITIS. La même année, le même collectif activiste anonyme Institute for Applied Autonomy inaugure un robot graffeur qui trace des lettres au sol grâce à des aérosols de peinture. Ce graffiti writer permet, selon ses auteurs, de « diffuser des contenus non autorisés dans un environnement urbain dynamique et hostile ». [ Voir aussi « dessiner avec un drone »] DÉLÉGUER SA PRÉSENCE. Le 16 septembre 1988, l’artiste et activiste états-unien Joey Skaggs est interrogé, dans une émission de télévision, sur sa propension à mystifier les médias au moyen de canulars. Il répond avec pédagogie. Sauf que ce n’est pas lui1. [ Voir aussi « usurper »]

DEMANDER DEMANDER LE RATTACHEMENT DE LA BELGIQUE AU CONGO. Le 21 janvier 2007 à Bruxelles, une manifestation, organisée par le collectif belge Manifestement demande le rattachement de la Belgique au Congo. Ce rattachement permettra, selon les activistes, de résoudre le problème de l’intégration (les Belges devenant des immigrés) et d’offrir une langue commune aux néerlandophones et aux francophones : le lingala. DEMANDER MOINS DE DOUCHES. En 2015, alors que la Californie est ravagée par la sécheresse et que la production d’un kilo de bœuf nécessite 15 000 litres d’eau, les activistes Yes Men lancent un appel : « Skip showers for beef ! » (« Passez-vous de douches pour avoir du bœuf ! ») DEMANDER À CHOISIR SON NOM. Le 28 mai 1995, soixante-dix « Luther Blissett » [ Voir « se cacher derrière un nom »] allemands se réunissent devant un office de contrôle de la population pour réclamer la suppression du nom de famille et le droit de choisir son nom librement. DEMANDER À ÊTRE NET. En 2009, le réalisateur français Jean-Marc Chapoulie découvre qu’il apparaît, flouté, dans une photo de l’application de cartographie Google Maps. Contrarié par cette altération de son apparence, il contacte la société Google pour exiger d’être déflouté. Mais en vain. DEMANDER UNE IMAGE. En 1994, l’artiste états-unienne Barbara Kruger inscrit au sol, aux abords du North Carolina Museum of Art, un texte comminatoire de 60 m de long. Il déclare au ciel : « Picture this » (« Faites une image de cela »). DEMANDER À ALLER LOIN. En 2005, l’Australien Jeremy Moon fait de l’auto-stop à la sortie de Mexico, muni d’une pancarte indiquant « Sydney ». Personne ne l’emmène, mais des touristes s’arrêtent pour le prendre en photo. DEMANDER UNE « GOUINE » COMME PRÉSIDENTE. En 1992, alors que la présidence des États-Unis est une fois de plus briguée par de vieux mâles blancs, riches et hétérosexuels, la candidature de la poète et activiste Eileen Myles inspire à l’artiste états-unienne Zoe Leonard le poème I want a president (« Je veux un président »), dans lequel elle énumère les caractéristiques de la personne qu’elle voudrait à la Maison-Blanche : « gouine », gay ou noire, ayant connu le sida, la misère, le harcèlement, le viol, etc. Le poème circulera longtemps de main en main et sera affiché, en 2016 à New York, sur 6 m de haut, à l’occasion des élections présidentielles. Emportées par Donald Trump.  DEMANDER PLUS D’IMAGINAIRE. En 1991, l’artiste français Philippe Parreno fait manifester des enfants. Leur slogan, scandé et inscrit sur leurs pancartes, est : « No more reality ! » (« À bas la réalité ! »). DEMANDER DE NE RIEN CHANGER. Le 17 mai 1969, l’artiste d’origine allemande Jochen Gerz lance depuis les toits d’Heidelberg des petits papiers demandant aux passant·es de poursuivre leur journée comme si de rien n’était (Das Buch der Gesten).

DÉMENTIR FAIRE UN FAUX DÉMENTI [1]. En 1984 en Inde, une usine chimique à Bhopal explose, causant la mort de milliers de personnes. En 1999, Dow Chemical rachète la société propriétaire de l’usine, alors que les victimes n’ont pas été indemnisées et que le site n’a pas été dépollué. En 2004, un membre du duo d’activistes états-uniens les Yes Men se fait passer pour un représentant de Dow Chemical et annonce que Dow va indemniser les victimes à hauteur de 12 milliards de dollars et qu’elle va remettre en état le site. La nouvelle fait la une des journaux en ligne et cause un élan de joie à Bhopal. Dow Chemical dément cette information. Puis, dans un deuxième démenti, l’entreprise ajoute qu’elle ne paiera rien et qu’elle n’a de responsabilités que devant ses actionnaires. Malgré sa louable franchise, le deuxième est un faux, publié par les Yes Men. FAIRE UN FAUX DÉMENTI [2]. En 2012, voyant que Shell projette d’effectuer des forages pétroliers en Arctique, le duo d’activistes états-uniens les Yes Men met en ligne le site articready.com, qui feint de s’enthousiasmer pour ce projet anti-écologique. Les deux activistes publient ensuite un faux communiqué de presse dans lequel Shell dénonce ce site parodique. Le communiqué attire la curiosité d’internautes, qui, de partage en partage, assurent la renommée du canular puis l’impopularité des forages. Lesquels seront abandonnés par Shell en 2015.

SE DÉNONCER SE DÉNONCER COLLECTIVEMENT. Le 5 avril 1971, alors que l’avortement est interdit en France, 343 féministes publient une pétition-manifeste dans laquelle elles déclarent avoir interrompu leur grossesse. Cet aveu collectif contribuera à ce que soit votée, le 17 janvier 1975, une loi légalisant cet acte.

DÉPENSER TOUT DÉPENSER. En 1941, à Tanna dans les Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu), de nombreuses personnes sont convaincues que l’époque coloniale s’achèvera bientôt et qu’une ère de prospérité, de jouvence et d’oisiveté s’ouvrira. Elles se ruent donc dans les boutiques des colons pour y dépenser tout l’argent que ceux-ci leur ont versé. Ou jettent leurs économies dans la mer2. [ Voir aussi « acheter »]

DÉPLACER DÉPLACER DES PANCARTES. Pendant l’occupation allemande en Pologne, des pancartes sur lesquelles est inscrit « Accès réservé aux Allemands » sont visibles à l’entrée des meilleurs cafés, cinémas ou hôtels de Varsovie. Les Petits Loups – un groupe de jeunes résistant·es – retirent alors ces pancartes pour les accrocher à des réverbères auxquels les nazis avaient pendu des résistant·es. DÉPLACER UNE STATUE DE LÉNINE. Peu après la chute du mur de Berlin, l’artiste canadien Mark Lewis dépose au cœur de l’Occident capitaliste (à Londres, à Québec, puis à Montréal) une statue de Lénine retirée d’une place de Bucarest3 (What Is to Be Done, 1990-1991). À Montréal, peu après son installation, la statue sera déboulonnée par des inconnu·es. DÉPLACER UNE STATUE DE FEMME (PROPOSER DE). En 1998, l’artiste croate Sanja Iveković propose de retirer momentanément la statue de femme qui se trouve au sommet d’un monument aux morts, emblématique de la ville de Luxembourg, pour la placer dans un refuge pour femmes battues. Le projet n’est pas accepté. [ Voir aussi « reproduire une œuvre (et la modifier) »] DÉPLACER UN ROCHER. Le 23 mars 1992, un rocher de 6 à 7 tonnes est déposé devant le palais de justice de Carcassonne. Il provient de la mine d’or de Salsigne, qui est fermée et dont les mineurs réclament la réouverture. Il est rapidement retiré à la demande des autorités départementales. Mais, peu après, la ville de Carcassonne, désireuse de rendre hommage à la lutte des mineurs, fait déposer au même emplacement un rocher similaire et provenant de la même mine. Depuis lors, le monolithe, pourvu d’une plaque commémorative, toise la façade néoclassique du palais de justice, telle une œuvre d’art publique. Sauf que ce n’en est pas une. DÉPLACER UNE HLM. En 2012, la cité Balzac à Vitry-sur-Seine devant être démolie, l’artiste d’origine espagnole Daniel Purroy propose d’en installer un fragment dans la prestigieuse Cour carrée du Louvre. Ainsi, dit-il, les touristes venant voir le tableau d’Eugène Delacroix Femmes d’Alger dans leur appartement en contempleront la façade. La relique sera pourtant exposée ailleurs, dans le jardin d’un hôtel particulier (La Cité Balzac à Paris). DÉPLACER UN MUSÉE. En 2004, l’artiste d’origine suisse Thomas Hirschhorn ouvre un musée temporaire à Aubervilliers, une ville populaire de la banlieue parisienne. Avec l’aide des habitant·es et à partir de matériaux de fortune, il construit le bâtiment pour qu’il accueille des œuvres d’artistes célèbres du XXe siècle, issues de prestigieuses collections publiques. Les habitant·es participent au montage des expositions, assurent le gardiennage, assistent aux débats et tiennent la buvette (Musée précaire Albinet). DÉPLACER UN PAUVRE POÈTE. Le tableau de Carl Spitzweg, Le Pauvre Poète (1839), représente un auteur misérable dans sa mansarde. Le 12 décembre 1976, l’artiste allemand Ulay dérobe l’œuvre dans un musée berlinois et se rend dans un quartier populaire pour l’accrocher au mur du salon d’une famille turque. Puis contacte la police pour que l’œuvre soit récupérée (Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst). DÉPLACER UNE ÉPAVE DE VOITURE. Le 20 mars 2003, les États-Unis commencent à envahir l’Irak, au prétexte fallacieux que ce pays détient des armes de destruction massive. En 2009, l’artiste anglais Jeremy Deller fait transporter à travers les États-Unis la carcasse d’une voiture détruite par une bombe sur une place fréquentée de Bagdad. Un citoyen irakien et un soldat états-unien accompagnent l’épave. Ils s’arrêtent dans quatorze villes et discutent avec les passant·es (It Is What It Is). DÉPLACER UNE ÉPAVE DE BATEAU. En 2015, un bateau de pêche sombre au large des côtes siciliennes, avec à son bord près de mille Érythréen·nes tentant de venir en Europe. Seul·es vingt-huit survivent. Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, fait renflouer l’épave, dans le but de l’envoyer à Bruxelles, pour l’exposer devant le siège de la Commission et mettre ainsi l’Union européenne devant ses responsabilités vis-à-vis de la situation tragique des migrant·es. Mais l’épave n’est jamais envoyée à Bruxelles. En 2019, l’artiste suisse Christoph Büchel la fait installer, comme une œuvre, au bord d’un quai à la Biennale d’art de Venise. Le geste fait scandale et oblige la classe politique italienne à réagir. La question des réfugié·es se trouve ainsi replacée au cœur de l’agenda médiatique (Barca Nostra). DÉPLACER UNE MONTAGNE. En 2002 au Pérou, l’artiste d’origine belge Francis Alÿs recrute huit cents personnes bénévoles. [ Voir aussi « recruter »] Il leur demande de se placer les unes à côté des autres pour gravir une haute dune en déplaçant, à l’aide de pelles, le sable devant elles. À l’issue de cette performance, la colline aura avancé de 10 cm. L’œuvre s’intitule Quand la foi déplace les montagnes. Et ses participant·es ne possèdent pas la moindre terre. DÉPLACER UNE CHAPELLE SUISSE. En 2002, pour protester contre l’arrivée en Suisse d’œuvres d’art irakiennes issues de spoliations, l’artiste suisse Christoph Büchel propose de démonter la chapelle d’un village suisse pour la reconstruire devant le Musée national de Bagdad. Le projet est accepté, mais, à la suite du scandale que cela fait naître dans le village tessinois, le propriétaire de la chapelle change d’avis et l’opération est annulée (Operation Ex-Voto). DÉPLACER UN AIGLE. En 2007 à Münster, un aigle ornant la façade d’un bâtiment militaire témoigne du passé nazi de la ville. L’artiste états-unienne Martha Rosler fait réaliser une réplique de cet encombrant symbole4 et le place à l’entrée d’un centre commercial (Unsettling the Fragments (Eagle)). DÉPLACER DES CAGES. En 1535 en Westphalie (dans l’actuelle Allemagne), l’épopée des anabaptistes de Münster s’achève tragiquement. Les meneurs de cette révolution précommuniste sont longuement suppliciés et leurs corps sont placés dans des cages suspendues au clocher d’une église. En 2007, alors que les cages y sont encore, l’artiste états-unienne Martha Rosler en fait réaliser des répliques5 et les dépose sur un trottoir de la ville, confrontant ainsi les passant·es à l’étrange barbarie de cet avertissement séculaire (Unsettling the Fragments (Cage)). DÉPLACER UN LIVRE. En France, dans les années 2000, un·e inconnu·e se rend dans une bibliothèque, retire le livre La Guerre des mondes de H. G. Wells du rayon « fiction », pour le placer dans le rayon « documentaire ». Et rend ainsi hommage au canular radiophonique d’Orson Welles [ Voir « faire un faux reportage »] DÉPLACER SANS DÉPLACER. En 2005 à Gand, l’artiste japonais Tazro Niscino (appelé aussi Tazu Rous, Tatzu Nishi, Tatzu Oozu ou Tatsurou Bashi) fait construire une chambre autour de la statue d’un christ. La sculpture, habituellement visible dans un square en haut d’un piédestal, se retrouve ainsi dans l’intimité d’un intérieur. Et le fils de Dieu semble surgir d’un lit défait (Gott erscheint am Kopfkissen).

DÉRÉGLER DÉRÉGLER UNE MONTRE. En 2018, l’artiste française Eva Barto emprunte sa montre à un galeriste allemand qui se plaint de manquer de temps. Elle la fait ensuite dérégler par un horloger, afin qu’elle retarde et accroisse son retard de jour en jour. Le galeriste consent alors à suivre sa montre déréglée et laisse les horaires de sa galerie se décaler, de jour en jour, jusqu’à ouvrir le dimanche et braver ainsi la loi fédérale (Latecomers’ Overtimes).

DÉSARMER DÉSARMER UN AVION. Le 29 janvier 1996 en Angleterre, les activistes Jo Blackman, Lotta Kronlid et Andrea Needham s’introduisent dans une usine de British Aerospace et détruisent à coups de marteau un avion de guerre sur le point d’être vendu à l’Indonésie. Lors de leur procès, le jury admettra qu’elles ont contribué à empêcher le Royaume-Uni d’être complice du génocide au Timor oriental. Elles seront donc acquittées.

DÉSERTER DÉSERTER L’ARMÉE. En Mésopotamie, près de dix mille ans avant Jésus-Christ, ont lieu les premiers conflits armés et sans doute les premières désertions et les premières sanctions. Dans la Rome impériale, les insoumis voient leurs biens vendus. Et les déserteurs sont bastonnés ou lapidés.  DÉSERTER SON TRAVAIL. En 1995 à Cadix, dans une station d’épuration, des sympathies socialistes valent à un employé d’être privé de tâches à accomplir. Harcelé, miné par la dépression, Joaquín García cesse alors d’aller au travail. Il laisse croire à un service qu’il est dans un autre, et réciproquement. En 2016, désireuse de le féliciter pour son ancienneté, la mairie s’étonne de son absence. Il sera condamné à 27 000 euros d’amende, après avoir passé au moins six ans chez lui, à étudier Spinoza. [ Voir aussi « refuser de se battre » et « se travestir en femme (pour déserter) »]

DESSINER DESSINER PROPREMENT. En 2014 à São Paulo, l’artiste brésilien Alexandre Orion frotte les murs d’un tunnel noirci par la pollution et dessine ainsi, par effacement de la crasse, un empilement de crânes. Lorsque la police l’interpelle, il leur fait remarquer que soustraire la saleté n’est pas un délit. Le lendemain, les autorités font laver les murs artistiquement nettoyés. Mais pas les autres (Ossario). DESSINER AVEC DES TAXIS. À San Francisco, le 10 novembre 1969 à 11 heures, cent personnes parviennent simultanément en taxi à l’angle des rues Castro et Market. Selon les artistes auteurs de cette performance – Joe Hawley, Mel Henderson et Alfred Young –, cet embouteillage jaune ressemble à une fleur (Yellow Cab Event). DESSINER AVEC UN DRONE. Le mercredi 29 avril 2015 à New York, l’artiste graffeur Katsu utilise un drone équipé d’une bombe de peinture pour dessiner sur une publicité géante recouvrant un échafaudage dans le quartier de Soho. Bien que discret et maladroit, le sacrilège sera médiatisé. [ Voir aussi « déléguer ses graffitis »] DESSINER DANS LE PAYSAGE. En 2006, la justice française ordonne à l’association écologiste Greenpeace de retirer de son site Internet une carte géographique dans laquelle apparaissent les champs de maïs génétiquement modifiés. Le 26 juillet, en réponse à cette injonction, des membres de l’association couchent des plants de maïs OGM dans un champ près de Marmande, dans le Lot-et-Garonne, de manière à tracer une croix, visible du ciel.

DÉTOURNER. Le détournement dont il s’agit ici consiste à employer une chose (objet, image, etc.) en l’écartant de sa vocation première. Ainsi, lors des révoltes paysannes au XVIe siècle, la faux agricole est convertie en arme tranchante.  DÉTOURNER UN FILM. En 1973, le situationniste René Viénet détourne un film de kung-fu hongkongais en remplaçant les voix chinoises par des paroles françaises, sans rapport avec l’histoire originale. Le film qui en résulte, intitulé La dialectique peut-elle casser des briques ?, n’oppose plus des villageois coréens à des envahisseurs japonais, mais des prolétaires éclairés à des bureaucrates corrompus. Ils évoquent Marx, Bakounine ou Wilhelm Reich, sans cesser de pratiquer le taekwondo. [ Voir aussi « ajouter des bulles »] DÉTOURNER UN MESSAGE. En 2016, dans une rue de Rennes, un support de prospectus est surmonté de l’inscription « Servez-vous ». Après le passage d’une manifestation, le support et les prospectus ont disparu. Et l’inscription a été entourée d’un trait bleu tracé à la bombe. « Servez-vous » devient ainsi une injonction anarchiste et existentielle. DÉTOURNER L’EAU BÉNITE. À l’époque coloniale, de nombreux Africains soupçonnent les Européens de tirer leur force de l’eau bénite employée par les missionnaires. Inspirés par cette magie, les guerriers maï-maï, qui affrontent les colons allemands de 1905 à 1907 en pays hehe (actuelle Tanzanie), se préparent au combat en buvant une eau purificatrice, destinée à muer les balles ennemies en eau. Mais les projectiles demeureront métalliques et cette révolte échouera. DÉTOURNER UN BÂTIMENT [1]. En 1999, l’artiste chilien Alfredo Jaar met en place à Montréal un spectaculaire dispositif lumineux : la nuit, à chaque fois que des sans-abri déclenchent une alerte que l’artiste a mise à leur disposition dans un centre d’hébergement, les fenêtres de la coupole du marché de Bonsecours s’illuminent en rouge (Lights in the City). DÉTOURNER UN BÂTIMENT [2]. En février 2020, alors que déferle l’épidémie de Covid-19, les hôpitaux français sont débordés. De nuit, le personnel du centre hospitalier universitaire de Caen inscrit alors, en éclairant certaines salles et pas d’autres, le mot « SOS » sur sa façade. [ Voir aussi « allumer » et « éteindre »] DÉTOURNER UN STATIONNEMENT. En 2005 à San Francisco, un groupe activiste s’aperçoit qu’il n’est pas interdit, légalement, d’employer une place de parking pour d’autres usages. Le 16 novembre, ses membres installent donc, sur un emplacement vacant, un banc, un arbuste et une parcelle de pelouse. La démarche sera imitée à travers le monde et un Parking Day annuel verra des stationnements se convertir en espaces militants, artistiques ou festifs. DÉTOURNER DES POTELETS. Les potelets métalliques, qui empêchent les voitures de se garer sur les trottoirs, peuvent aisément, avec le concours d’un pneu de vélo en guise de projectile, se convertir en jeux d’adresse. DÉTOURNER DES ESPACES PUBLICITAIRES [1]. De 1976 à 1996 en Allemagne, l’artiste germanique Manfred Spies loue, à ses frais, des panneaux publicitaires pour y coller des affiches dénonçant le racisme, la xénophobie ou l’intolérance. À seize reprises, il sera poursuivi en justice par des hommes politiques, des syndicalistes, des médias ou des particuliers. Toutes leurs plaintes seront classées sans suite.  DÉTOURNER DES ESPACES PUBLICITAIRES [2]. En 1977, l’artiste française Tania Mouraud place sur cinquante-quatre panneaux publicitaires parisiens des affiches remplies par un simple mot de deux lettres : « NI ». Rendue ainsi monumentale, la conjonction de coordination domine visuellement les publicités voisines, tout en laissant énigmatiques les alternatives proposées (Ni). DÉTOURNER DES ESPACES PUBLICITAIRES [3]. Au début des années 1990, l’artiste états-unien d’origine cubaine Félix González-Torres intervient sur des panneaux d’affichage publicitaires, pour y placer de simples images : une main, un oiseau dans le ciel, un lit défait, etc. [ Voir aussi la démarche inverse : « louer sa participation à une biennale »] DÉTOURNER SES PROPRES PANNEAUX PUBLICITAIRES. À partir des années 1990, Michel-Ange Flori, propriétaire de 400 panneaux publicitaires en Provence, utilise certains de ses supports pour critiquer les pouvoirs en place. On y voit ainsi en 2019 une affiche affirmant : « La police vous parle tous les jours sur BFMTV. » La chaîne d’information continue portera aussitôt plainte, et le trublion sera condamné à une lourde amende.

DÉTRUIRE DÉTRUIRE DES ÉCRITS. Les classes dominantes profitent parfois de l’ignorance des analphabètes. Dans l’Inde médiévale, lors des révoltes paysannes, le sentiment d’être floué·es poussera ainsi des insurgé·es à détruire des écrits : actes, obligations et autres documents administratifs. DÉTRUIRE DES TITRES DE PROPRIÉTÉ. En 1789, pendant la Révolution française, le peuple des campagnes conteste l’accaparement des terres. Lors de razzias dans les châteaux, les insurgé·es brûlent donc les documents attestant des propriétés, créances ou rentes. DÉTRUIRE SES PAPIERS. Se débarrasser de sa pièce d’identité permet, à une personne fuyant son pays, de cacher sa nationalité et d’échapper à une éventuelle expulsion (on ne saurait où vous renvoyer). Ainsi, en 2007, Adil Salim, un musulman qui fuit le Cachemire où il est menacé, brûle ses papiers avant d’arriver en France. Mais, à la suite d’une procédure de reconnaissance de nationalité, il sera expulsable6.  DÉTRUIRE DES ICÔNES. Durant la Révolution française, les citoyen·nes s’attaquent aux symboles de l’oppression monarchiste et cléricale. Ainsi, en 1792, le républicain Cambon, adepte de cette « toilette révolutionnaire », demande que les rois de bronze soient fondus pour couler de bien plus utiles canons. [ Voir aussi « enterrer des têtes de rois » et « transformer des statues en canons »] DÉTRUIRE DES HORLOGES. En juillet 1830, lors des « trois glorieuses », les révolutionnaires parisiens tirent au fusil sur les horloges publiques, afin de briser le temps ou le suspendre. DÉTRUIRE UN MÂT. À partir du 8 juillet 1844 en Aotearoa (Nouvelle-Zélande), le guerrier maori Hone Heke et ses hommes abattent à quatre reprises un mât supportant le drapeau impérialiste britannique. Cet affront réitéré marquera le début de la « guerre du Mât ». Qui se soldera par la défaite des Maoris. DÉTRUIRE UN DRAPEAU. Le 26 avril 1862, durant la guerre de Sécession, les troupes nordistes hissent leurs drapeaux au-dessus de La Nouvelle-Orléans, qu’elles viennent de conquérir. Avec quelques acolytes, le confédéré William Bruce Mumford décroche l’un des drapeaux et le détruit. Il sera pendu. DÉTRUIRE DES MACHINES. Dans les années 1810 en Angleterre, des ouvriers et ouvrières du textile s’opposent à la mécanisation de leur activité, qui menace leurs emplois. Ces « luddites7 » détruisent de nombreux métiers à tisser. En 1812, une loi instaurant la peine capitale pour le bris de machines sera proclamée, et treize luddites seront pendu·es. [ Voir aussi « saboter »] DÉTRUIRE DES VOITURES. Le 14 mai 1995 à Londres, deux voitures se percutent. Leurs conducteurs, furieux, sortent de leurs véhicules et commencent à les détruire. Profitant du blocage de la circulation, plusieurs centaines de personnes viennent alors danser sur la musique techno que diffuse le collectif activiste Reclaim the Streets, metteur en scène de la fausse altercation automobile. DÉTRUIRE DES CHAISES À PORTEURS. Dans la Chine impériale, être porté par d’autres est le signe d’une position sociale dominante. En 1927, lors du soulèvement du Hunan, de nombreux palanquins seront brisés par les maoïstes. DÉTRUIRE UNE ŒUVRE. Le 10 mars 1914, la suffragette britannique Mary Richardson se rend, armée d’un hachoir à viande, à la National Gallery de Londres afin de venger une leader du mouvement suffragiste, incarcérée et maltraitée. Elle y taillade alors une œuvre qu’elle juge emblématique de l’érotisation du corps des femmes : Vénus à son miroir, de Diego Vélazquez. Condamnée à six mois de prison, elle sera finalement libérée en août 1914, à la faveur d’une amnistie générale des suffragettes. DÉTRUIRE UN ORDINATEUR. En 1998, le duo d’artistes belgo-néerlandais Jodi crée le cd-rom OSS/****. En l’introduisant dans un ordinateur, on voit son interface (fenêtres, dossiers, etc.) se décomposer étrangement. Seule l’éjection du disque abrège cette spectaculaire gangrène8. [ Voir aussi « saboter un commerce »] DÉTRUIRE LES RICHESSES. Dans les années 1860, en Italie du Sud, les brigands massacrent leurs ennemis, suppriment les documents attestant leur servitude et, par la même occasion, détruisent toutes les richesses jugées superflues.  DÉTRUIRE UN MAXIMUM DE CHOSES. À partir de 1908, constatant l’inefficacité des moyens pacifiques, les suffragettes britanniques optent pour des solutions plus belliqueuses : jets de projectile sur des bâtiments officiels ou privés, sabotage de réseaux de communication, incendie de sites sportifs, destruction d’œuvres d’art, colis piégés, etc. TOUT DÉTRUIRE. En 1941 en Mélanésie, John Frum, le prophète du « culte du cargo » [ Voir « attendre un bateau »], annonce à ses disciples l’avènement d’une ère de prospérité, de jouvence et d’oisiveté. Il les invite à détruire leurs maisons, les produits de leur travail et les marchandises européennes. Il n’est pas certain qu’il ait été écouté. [ Voir aussi « brûler », « faire bouillir », « inverser la production » et « renverser une colonne »]

DÉVELOPPER DÉVELOPPER LE PREMIER MONDE. Depuis 2006, le Ghana Think Tank, implanté dans des pays dits « du tiers monde », s’est donné pour mission de développer ce qu’il appelle le « premier monde ». Ses membres imaginent donc des solutions pour aider et faire progresser l’Europe ou les États-Unis. [ Voir « autoriser l’attente »]

DÉVIER FAIRE DÉVIER L’ENNEMI DE SON CHEMIN. Dans les années 1940 à Paris, des jeunes filles opposent à l’occupation nazie une résistance discrète : alignées sur le trottoir devant leur lycée, elles se tiennent les coudes en chantant, obligeant les soldats allemands à les contourner.

Die-in : voir « s’allonger et faire le mort »

DIFFUSER DIFFUSER LA VOIX D’UN MUEZZIN. En 2002, sur une place de Copenhague, alors que la ville ne comporte aucune mosquée, l’artiste norvégienne Andrea Lange diffuse des appels à la prière en arabe, selon les horaires définis par l’islam (Adhan Corner). DIFFUSER DES IMAGES DE VIDÉOSURVEILLANCE. En 2005, l’artiste et chercheuse d’origine norvégienne Michelle Teran se promène dans Berlin en tirant une valise pourvue d’un écran sur lequel s’affichent les images que filment les caméras de vidéosurveillance qu’elle croise. Les passant·es peuvent ainsi voir ce que voient ceux qui les surveillent. Et constater la vulnérabilité du système de surveillance (Life : A User’s Manual)9. NE RIEN DIFFUSER. Le 20 janvier 1972, l’artiste français Fred Forest fait afficher, durant soixante secondes, un écran blanc sur une chaîne de télévision française. L’œuvre est accompagnée de la voix de l’artiste qui, pour rassurer les spectateurs et spectatrices, leur précise qu’il s’agit d’une expérience du vide et que leur téléviseur n’est pas en panne (Space Media). [ Voir aussi « pirater n’importe qui »]

DIRE DIRE DES GRAFFITIS. En février 2024, les graffitis tracés sur les murs de l’université Rennes 2 ont été effacés. Lénaïs Parat, étudiante en art, se place alors devant les parois concernées et déclame les doléances, prophéties ou invectives disparues.

DISPARAÎTRE [ Voir « changer de vie »]

DISSOUDRE DISSOUDRE L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE. Le 21 mai 2002 à Sydney, un représentant de l’OMC fait une conférence devant une assemblée de comptables australiens. Le conférencier – qui est en réalité l’activiste Andy Bichlbaum, membre des Yes Men10 – leur déclare que l’organisation internationale va être dissoute puis refondée, pour profiter davantage aux plus pauvres. Les comptables se montrent enthousiastes, et l’annonce factice connaît un retentissement international.

DISTRAIRE DISTRAIRE LES ALGORITHMES. En 2015, l’artiste d’origine états-unienne Adam Harvey développe un tissu dont les motifs abstraits égarent les systèmes de reconnaissance faciale, qui croient y voir de nombreux visages (Hyperface).

DISTRIBUER DISTRIBUER DES PAMPHLETS. Le premier tract connu date de 1488, peu après l’invention de l’imprimerie. Mais c’est avec la Réforme que les « pamphlets » vont commencer à jouer un rôle politique, notamment avec ceux de Martin Luther (qui sont des livrets payants). DISTRIBUER DES TRACTS. De juin 1942 à février 1943 à Munich, trois étudiant·es allemand·es, Christoph Probst, Hans Scholl et sa sœur Sophie, diffusent des tracts dénonçant l’inhumanité du nazisme et appelant à la résistance. En février 1943, après une dernière distribution, ces membres du petit groupe de la Rose blanche sont arrêté·es, condamné·es et exécuté·es. Par la suite, l’aviation anglaise lâchera, sur le territoire allemand, des millions d’exemplaires de leur ultime tract. [ Voir aussi « déléguer »]

DOMINER DOMINER UN SUPÉRIEUR. Dans l’Inde traditionnelle, les membres des castes inférieures n’ont pas le droit de surplomber leurs supérieur·es. Lors des révoltes paysannes, cet interdit est régulièrement bafoué par des personnes modestes, toisant des propriétaires ou des nobles, du haut d’un cheval.

DONNER [ Voir « offrir »]

DONNER UN ORDRE. En 2022, l’artiste biélorusse Vladislav Bokhan, professeur d’histoire en exil, veut dénoncer la servilité de ses collègues russes face à la propagande du régime. Pour cela, il leur adresse, au nom du parti présidentiel, des slogans à honorer. Dociles, des enseignantes posent alors devant un drapeau proclamant : « Un peuple, une nation, un chef. » Un slogan nazi11.

DONNER LA PAROLE. En 2004 à Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler pirate un haut-parleur public, le relie à un micro et invite celles et ceux qui le souhaitent à s’adresser aux passant·es (Intercom).

SE DONNER LA MAIN. Le 23 août 1989 dans les pays baltes, près de 2 millions de personnes (soit un tiers de la population) se donnent la main pour former une chaîne humaine et réclamer ainsi l’indépendance de leurs pays. Cette chaîne humaine, allant de Vilnius à Talinn en passant par Riga, sera appelée la « voie balte ».

DORMIR DORMIR AU TRAVAIL. Le 6 juillet 1997, alors qu’il est gardien dans le musée Gustave-Moreau à Paris, l’artiste français Laurent Marissal s’accorde une sieste. Les caméras de surveillance n’y voient que du feu : sur ses paupières sont collées des photographies de ses yeux ouverts. DORMIR EN MANIFESTANT. Le 10 novembre 2022 à Rennes, Lorella Marques, étudiante en arts plastiques, participe à une manifestation en dormant. Son lit à roulettes, que poussent deux complices, est surmonté d’une banderole sur laquelle on peut lire : « Le sommeil à l’assaut du capitalisme12. » FAIRE DORMIR. En 2009, l’artiste suisse Christoph Büchel fait faire une performance à un gardien de musée : il lui demande de dormir, assis sur sa chaise, durant son temps de travail (Sleeping Guard). DORMIR AU PIED DU MONT-BLANC. Depuis 2003, des amateurs de courses extrêmes participent à l’ultra-trail du Mont-Blanc et parcourent ainsi, en courant et sans trop dormir, jusqu’à 300 km de montagne et 9 600 m de dénivelé. Cette ode à la performance et à la compétition rencontre un franc succès auprès du public et des sponsors. En réponse, quelques flâneurs proposent depuis 2009 une « ultra-sieste », qui consiste à se promener au pied du massif, à y pique-niquer et à y piquer un roupillon. DORMIR DANS UN SUPERMARCHÉ. En 1993 à Malmö, l’artiste suédoise Elin Wikström passe trois semaines alitée dans un supermarché. Chaque jour, de 9 heures à 19 heures, elle y reste allongée, immobile, les yeux fermés. Le soir, elle rentre dormir chez un ami (What Would Happen If Everyone Did This ?). DORMIR DANS UN MAGASIN. Durant l’été 2016 à Gand, les jeunes bacheliers belges Bram Geirnaert et Florian Van Hecke passent clandestinement une nuit dans un magasin Ikea. Postée sur les réseaux sociaux, la vidéo de leur exploit rencontre un franc succès, au grand dam de l’enseigne d’ameublement suédoise. Et les deux plaisantins sont bientôt imités. DORMIR AVEC L’ENNEMI. En 2005, les artistes israéliens Gil & Moti installent dans une galerie d’art new-yorkaise un grand lit et invitent les hommes arabes qui le souhaitent à y dormir avec eux et à devenir leurs amants. La performance s’intitule Sleeping with the Enemy. Aucun candidat ne se présentera. [ Voir aussi « faire l’amour »] DORMIR DEHORS. Le soir du 3 mars 1987 à Washington, par solidarité avec les nombreux sans-abri victimes de la politique libérale de Ronald Reagan, le député états-unien Stewart McKinney s’allonge sur le trottoir devant le Capitole avec un groupe de militants. Atteint du sida, il décédera deux mois plus tard des suites de cette nuit glaciale. Dans l’intervalle, une loi d’aide aux homeless sera votée. Elle portera son nom. [ Voir aussi « s’aliter »]

DRIBBLER DRIBBLER DEVANT NIXON. En mai 1972 à Téhéran, le président états-unien Richard Nixon rend visite au shah, qui dirige le pays d’une main de fer. Des étudiants iraniens marxistes contournent alors l’interdiction de manifester en dribblant devant le cortège officiel avec des ballons de basket, faisant ainsi référence à une célèbre photographie du leader communiste cubain Fidel Castro s’adonnant à ce sport.

E

ÉBLOUIR ÉBLOUIR DES PATRONS. En 2001, l’artiste français Alain Declercq se rend nuitamment devant les domiciles d’hommes de pouvoir montréalais. Afin de renverser symboliquement la domination qu’exercent leurs propriétaires, il éclaire violemment les luxueuses résidences à l’aide d’un puissant projecteur (Welcome Home, Boss).

ÉCHANGER ÉCHANGER DES CADAVRES CONTRE DES CHOCOLATS. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le soldat britannique Charles Coward est prisonnier dans un camp de travail rattaché à Auschwitz. Il parvient à corrompre un sergent SS en obtenant auprès de lui des cadavres, en échange de chocolats. Grâce à quoi, plus de quatre cents personnes juives s’échapperont, en prenant les vêtements et les identités non juives de ces personnes décédées1. ÉCHANGER DES CRAVATES. En 1978 et 1979, l’artiste états-unien Jeffrey Vallance envoie l’une de ses cravates à chacun des 160 chefs d’État du monde et leur demande de lui adresser, en échange, l’une des leurs. Dans un courrier d’accompagnement, il leur explique qu’il souhaite mieux les connaître grâce à leur choix de couleurs ou de motifs et que cet échange permettra de resserrer les liens culturels entre les peuples (le mot tie signifie à la fois « lien » et « cravate »). Quarante-sept chefs d’État répondront en envoyant l’une de leurs cravates, en lui restituant la sienne ou en lui offrant tout autre chose (Cultural Ties). ÉCHANGER DES PELOUSES. En 1988, l’artiste canadien Edward Poitras commémore une bataille perdue par ses ancêtres autochtones en permutant deux fragments de pelouse : l’un issu de son jardin, situé dans une réserve indienne, et l’autre issu de celui d’une galerie d’art. Après l’échange de leurs emplacements, l’herbe autochtone s’épanouira tandis que sa consœur dépérira (Offensive/Defensive).  ÉCHANGER DES DOMICILES [1]. En décembre 1981, alors que l’état de siège est déclaré en Pologne, une vague d’arrestations de dissident·es est lancée. Au domicile des personnes recherchées, la milice apprend qu’elles ont déménagé, sans s’apercevoir que celles qui les remplacent et leur répondent sont elles-mêmes recherchées. Bientôt dévoilé, ce stratagème leur aura laissé le temps de mieux se cacher.  ÉCHANGER DES DOMICILES [2]. Durant un week-end de juillet 1992, Joël et Maïa Henry, adeptes du tourisme expérimental, échangent leur domicile avec celui d’amis tirés au sort. Et restent ainsi à Strasbourg. ÉCHANGER DES RÔLES [1]. Dans les années 1960 ou 1970, des policiers manifestent devant l’hôtel de ville de New York pour demander des hausses de salaire. Amusé de voir les forces de l’ordre dans la position habituellement dévolue aux contestataires, un groupe de hippies leur lance des invectives qu’on leur a souvent adressées : « Trouvez un travail ! » « Prenez un bain ! » « Retournez en Russie ! » Etc. ÉCHANGER DES RÔLES [2]. En 1975, l’artiste serbe Marina Abramović inaugure une exposition à Amsterdam en procédant à un échange de rôles : elle demande à une prostituée de la remplacer durant le vernissage, tandis qu’elle va se prostituer à sa place (Role Exchange).  ÉCHANGER DES IDENTITÉS. En 2009, deux artistes du collectif tchèque Ztohoven réalisent, à l’aide d’un logiciel de morphing, une photo d’identité mélangeant leurs deux visages. Chacun se fait faire des papiers d’identité en fournissant cette image et en se faisant passer pour l’autre. Ils utilisent ensuite ces papiers pour voyager, voter ou se marier (Citizen K.). [ Voir aussi « intervertir », « proposer un échange de monuments » et « troquer »]

ÉCRIRE ÉCRIRE DES GRAFFITIS. L’écriture de graffitis est pratiquée depuis l’Antiquité. Ainsi à Rome, en 44 avant Jésus-Christ, un quidam jugeant trop mou le futur assassin de César inscrit sur un mur : « Tu dors, Brutus ? » [ Voir aussi « annoncer une révolution »] ÉCRIRE DISCRÈTEMENT DES GRAFFITIS. En 2002 à Los Angeles, l’artiste de rue Steve Powers (Espo) collabore à un programme municipal de lutte contre les graffitis. Il repeint alors les tags des autres, en dessinant des surfaces géométriques. Lesquelles forment les lettres de son propre tag. ÉCRIRE DES GRAFFITIS POUR AVEUGLES. À partir de 2004, l’artiste de rue français The Blind réalise, à l’aide de demi-sphères collées, des graffitis en braille. Ils sont ainsi lisibles par les malvoyants, si on leur suggère de le faire. FAIRE ÉCRIRE DES GRAFFITIS. [ Voir « déléguer »]  ÉCRIRE AVEC SON CORPS. En novembre 2002, cinquante femmes membres des Baring Witness posent nues, allongées dans une prairie de Californie, de manière à écrire en lettres majuscules le mot « PEACE » (« paix ») en protestation contre la guerre en Irak. ÉCRIRE SUR SON CORPS. En 2008 en Ukraine, de jeunes féministes, qui déplorent que leur message ne soit pas entendu, décident d’inscrire directement leurs slogans sur leurs poitrines dénudées. Les actions provocatrices de ces « Femen2 » sont alors remarquées et connaissent une médiatisation mondiale.  ÉCRIRE SOUS SA SEMELLE. Durant l’occupation allemande dans les îles Anglo-Normandes, une femme attache une ficelle sous sa semelle de sorte que ses pas laissent l’empreinte d’un « V », symbole de la victoire contre l’occupant. [ Voir aussi « tailler sa moustache »] ÉCRIRE SUR UNE ÉTOILE JAUNE. Le 7 juin 1942, Henri Muratet porte, bien qu’il ne soit pas juif, une étoile jaune sur laquelle il a inscrit le mot « Auvergnat ». À la suite de cet acte de solidarité, il sera arrêté et interné au camp de Drancy (il survivra)3. [ Voir aussi « dédoubler une étoile jaune », « porter une étoile jaune » et « porter une fleur »]  ÉCRIRE SUR UNE BANQUE. En 2011, l’artiste français Julien Berthier réalise un graffiti sur une agence de la Société générale : avec une bombe de peinture, il écrit en grandes lettres capitales « SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ». La banque se trouve ainsi brutalisée par son propre nom, lequel sonne soudain comme un appel à l’insurrection. ÉCRIRE SUR DES BILLETS. À partir de 1970, alors que la dictature règne dans son pays, l’artiste brésilien Cildo Meireles tamponne des messages sur des billets de banque avant de les remettre en circulation. Il inscrit par exemple : « Qui a tué Herzog ? », en référence à un journaliste disparu (Insertions into Ideological Circuits). [ Voir aussi « invalider des billets »] ÉCRIRE SUR DES PIÈCES DE MONNAIE. À partir des années 1970, les ouvriers et ouvrières indépendantistes irlandais·es emboutissent, à l’heure du thé, les noms de leurs organisations sur leurs pièces de monnaie. Les sigles UVF (Ulster Volonteer Force), UDA (Ulster Defence Association) ou RIRA (Real Irish Republican Army) partent alors circuler à travers le Royaume-Uni. ÉCRIRE SUR DES BOUTEILLES. À partir de 1970, l’artiste brésilien Cildo Meireles inscrit des messages sur des bouteilles de Coca-Cola consignées, puis les remet en circulation. On peut ainsi lire : « Yankees go home ! », en référence au soutien apporté par les États-Unis à la dictature de son pays (Insertions into Ideological Circuits).  ÉCRIRE SUR L’EAU. Le 20 septembre 1969, à la suite de la marée noire qui a souillé les côtes de Santa Barbara (Californie) neuf mois plus tôt, les artistes Joe Hawley, Mel Henderson et Alfred Young écrivent, à l’aide de colorant jaune, un immense « OIL » dans la baie de San Francisco, entre deux pétroliers. Deux ans plus tard, les deux navires se percuteront et déverseront, dans cette même baie, 840 000 gallons de pétrole. ÉCRIRE DANS LE CIEL. Lors d’un vol d’essai le 20 février 2019 en Australie, un pilote trace dans le ciel la phrase « I’m bored » (« Je m’ennuie ») avec son avion. Les lettres, hautes de dizaines de kilomètres, ne sont lisibles que sur son écran.

EFFACER EFFACER DES NOMS. En août 1968, alors que les chars russes sont entrés dans Prague, des milliers d’habitant·es retirent ou repeignent les plaques de rue afin de désorienter les envahisseurs. EFFACER UN SLOGAN. En mars 2022, peu après le début de l’invasion russe en Ukraine et bien que le mot « guerre » soit interdit dans les médias russes (ils doivent parler d’« opération militaire spéciale »), une femme brandit à Moscou une pancarte blanche. Elle est aussitôt arrêtée4. [ Voir aussi « brandir des pancartes blanches »] EFFACER UNE FRONTIÈRE. En 2009, l’artiste tchèque Roman Ondák représente son pays à la Biennale d’art de Venise. Il est donc invité à exposer dans un pavillon situé, comme d’autres pavillons étrangers, dans un jardin. Pour déjouer cette représentation nationaliste, il fait retirer les portes d’accès et dispose de la terre et des plantes. Le jardin semble traverser librement le bâtiment (Loop). EFFACER UNE VILLE. Vers 1995, des étudiant·es allemand·es mettent en doute l’existence de la ville de Bielefeld en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et publient sur Internet de nombreux arguments étayant ce soupçon. Cette conjuration complotiste et parodique rencontrera un franc succès. EFFACER SON IDENTITÉ. [ Voir, dans « brûler » : « se brûler les doigts »] EFFACER DES PUBLICITÉS. En 2003, l’artiste d’origine russe Alexei Shulgin met en vente sur son site see-free.com des lunettes faisant disparaître toutes les publicités présentes dans notre champ de vision (SeeFree® glasses)5. EFFACER DES PHOTOS. En juin 1987, un retoucheur d’images de l’International Herald Tribune se met en grève pour protester contre la réduction de son temps de travail. Par solidarité, toute l’équipe des photograveurs se met, elle aussi, en grève. Le lendemain, le journal paraît avec des rectangles blancs à la place des photos. EFFACER DES IMAGES. En 2017, l’artiste états-unien Benjamin Grosser met au point « Textbook », une extension permettant de faire disparaître toutes les images de l’interface du réseau social Facebook et de n’afficher plus que d’apaisants rectangles vides. EFFACER FACEBOOK. En 2018, le même Benjamin Grosser met au point « Safebook », un module permettant d’effacer tous les textes ou images affichés par le réseau social Facebook. Les personnes ayant installé cette extension se retrouvent ainsi face à une abstraction épurée et peuvent y naviguer sans risquer d’être dérangées par des contenus indésirables.  TOUT EFFACER. En 2020, la designeure Kalli Retzepi crée une extension faisant disparaître les textes et images de tous les sites Web. Lesquels deviennent ainsi des compositions abstraites (clickHere). [ Voir aussi, dans « afficher » : « ne rien afficher (proposer de) », « ériger un socle vide », « partir partout » et « supprimer un mur »]

ÉGALISER ÉGALISER DES RÉMUNÉRATIONS. En 2020 aux Pays-Bas, lors d’une exposition à Haarlem, l’artiste française Florence Jung demande que, pendant la durée de la manifestation, la personne la moins bien rémunérée du lieu perçoive le même salaire que la personne la mieux payée (Jung78).

ÉGARER ÉGARER LES OCCUPANTS. En Norvège, durant la Seconde Guerre mondiale, des citoyen·nes indiquent volontairement un itinéraire erroné aux occupants allemands ou prétendent ne pas parler leur langue. ÉGARER FACEBOOK. En 2012, constatant que les personnes utilisant le réseau social Facebook ne peuvent ni empêcher celui-ci de collecter leurs données personnelles ni les effacer, le développeur états-unien Kevin Ludlow a l’idée de compliquer cette surveillance par une « inondation bayésienne6 ». Il publie sur son fil d’actualité d’innombrables informations fictives : comment il a été marié, a divorcé, a eu des enfants un peu partout, a subi moult blessures, fractures ou maladies, a combattu pour de nombreuses armées étrangères ou s’est converti à toutes sortes de religions. [ Voir aussi « saturer »] NOUS ÉGARER. En 2010, l’artiste états-unien Mark Shepard crée une application pour téléphone permettant d’allonger son itinéraire. Grâce aux détours et activités suggérées, nous pouvons plus facilement perdre du temps (Serendipitor).

ÉLIRE ÉLIRE LES OFFICIERS. En 1918, l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne (la Makhnovchtchina) est organisée sur des bases libertaires : les gradés sont élus par les simples soldats.

EMBALLER [ Voir « cacher »]

EMBRASSER EMBRASSER LES PASSANT·ES. En 1995, dans plusieurs villes européennes, l’artiste norvégienne Andrea Lange demande à des inconnu·es de l’embrasser (sur les joues) (Kiss Me). S’EMBRASSER OSTENSIBLEMENT. Le 13 avril 1990, afin de lutter contre l’homophobie et l’invisibilité des gays, lesbiennes ou bisexuel·les, des membres de l’organisation Queer Nation s’embrassent dans un bar hétérosexuel de New York et inaugurent ainsi la pratique du kiss-in. S’EMBRASSER LONGUEMENT. En juillet 2011 à Santiago, pour obtenir 1 800 millions de pesos pour une éducation publique gratuite et de qualité, des couples s’embrassent pendant 1 800 minutes devant le palais présidentiel chilien. Après quoi ils font une bataille de polochons. [ Voir aussi « saluer »]

EMBOUTEILLER EMBOUTEILLER BERLIN. En 2020, l’artiste allemand Simon Weckert promène à Berlin un petit chariot transportant 99 téléphones portables connectés à l’application cartographique Google Maps. Le système, considérant que la rue où il se trouve est encombrée par 99 véhicules, conseille aussitôt à ses utilisateurs d’emprunter un autre chemin. Et la voie s’en trouve désertée (Google Maps Hacks). [ Voir aussi « leurrer »]

ÉMETTRE ÉMETTRE DEPUIS UN BATEAU. Le 29 mars 1964, Radio Caroline commence à émettre malgré l’interdiction qui frappe alors les radios libres au Royaume-Uni. Pour contourner la loi, le producteur musical irlandais Ronan O’Rahilly a installé sa radio pirate sur un bateau, ancré dans les eaux internationales. Les DJs ont le mal de mer, mais l’audience s’élève bientôt à 39 millions d’auditeur·rices.

EMMERDER EMMERDER NAPOLÉON. En mai 1871 à Paris, les communard·es renversent la colonne Vendôme, édifiée à la gloire (et à la demande) de l’empereur Napoléon Ier. [ Voir « renverser une colonne »] Elle s’effondre dans un lit de fumier, que les insurgé·es ont disposé là pour amortir sa chute. Et mieux souiller le despote statufié. EMMERDER LA COURONNE BRITANNIQUE. En 1978, des membres de l’IRA, prisonniers du gouvernement britannique, décident de protester contre les châtiments corporels qu’ils subissent en entamant une grève de la propreté. Ils souillent leurs cellules de leurs excréments, du sol au plafond, tout en menant une grève de la faim. Dix d’entre eux en décéderont.

EMPALER. Le 29 octobre 2019, à Concepción au Chili, des personnes lassées par la glorification du conquistador Pedro Gutiérrez de Valdivia s’emparent de l’une de ses statues et lui plantent symboliquement un bâton dans le buste. Et commémorent ainsi son empalement présumé.

S’ENCHAÎNER À UNE GRILLE. Le 17 janvier 1908 à Londres, les suffragettes anglaises Edith New et Olivia Smith s’enchaînent aux grilles de la résidence du Premier ministre pour dénoncer l’asservissement des femmes et exiger le droit de vote. L’acte, alors jugé idiot, connaîtra une grande postérité.

ENCHÉRIR ENCHÉRIR POUR DU PÉTROLE. Le 19 décembre 2008, des concessions gazières et pétrolières, situées dans des parcs naturels, sont mises aux enchères dans l’Utah7. Pour s’opposer à ce désastre écologique, l’activiste états-unien Tim DeChristopher, étudiant et sans fortune, participe aux enchères, fait monter les prix et remporte plusieurs lots. Cette imposture lui vaudra deux ans de prison, mais, l’année suivante, alerté par cette action, le nouveau gouvernement états-unien suspendra la vente de nombreuses concessions.

ENFERMER S’ENFERMER DANS UNE CAGE. En 1965 à Osaka, l’artiste japonais Ikemizu Keiichi se rend dans un zoo et s’enferme dans une cage sur laquelle est précisé : « Homo sapiens mâle »8 (Homosapiens : Tennoji Zoo). [ Voir aussi, dans « exposer » : « s’exposer [1] et [2] »] ENFERMER DANS UNE CAGE LUMINEUSE. En 1969, l’artiste français Michel Journiac expose un jeune homme nu dans une cage. Lorsque l’on s’approche de ce Piège pour un voyeur afin de contempler le prisonnier, on est ébloui par les barreaux, qui sont en néon. S’ENFERMER DANS UN CASIER. Du 26 au 30 avril 1971, l’artiste états-unien Chris Burden demeure enfermé dans un casier d’étudiant de 61 cm de côté. À sa sortie, il obtiendra son diplôme (Five Day Locker Piece). ENFERMER UNE STATUE. En 2011 en Libye, tandis que le dictateur Mouammar Kadhafi est en fuite, des habitant·es de Benghazi emprisonnent sa statue dans une cage, en souvenir des persécutions qu’il leur a infligées et dans l’espoir que la magie influe sur son sort. Il sera retrouvé et mis à mort.

ENFOUIR ENFOUIR DES REBUTS. De 1968 à 1970 à Paris, l’artiste d’origine allemande Jochen Gerz invite celles et ceux qui le souhaitent à lui remettre des sacs remplis d’objets à jeter, puis les enfouit dans les fondations de la future tour Montparnasse, à l’attention de futur·es archéologues (Is There Life on Earth ?). ENFOUIR UN MONUMENT. En 1986, le même Jochen Gerz s’associe avec l’artiste d’origine lituanienne Esther Shalev-Gerz pour créer un monument contre le fascisme à Hambourg. Les artistes installent une colonne carrée de 12 m de haut et de 1 m de côté, enrobée d’une mince couche de plomb sur laquelle les passant·es sont invité·es à inscrire leur nom. À mesure que ces inscriptions sont tracées, la colonne doit s’enfoncer dans le sol, jusqu’à disparaître totalement, à l’exception d’un fragment visible à travers une vitre. À la place des noms de morts présents habituellement sur les monuments, les artistes veulent ainsi donner à voir des noms de vivants. Mais ceux-ci sont indociles : à leurs noms se mêleront de nombreux graffitis et slogans, et même des impacts de balle (Monument contre le fascisme). ENFOUIR DES NOMS DE CIMETIÈRES. En 1990, Jochen Gerz (encore lui) descelle clandestinement, avec huit étudiant·es, les pavés d’une place de Sarrebruck, située devant l’ancien quartier général de la Gestapo. Sous chaque pavé, l’artiste et ses complices inscrivent le nom d’un cimetière juif d’Allemagne et le nombre de corps qu’il contient, puis le remettent en place. Les inscriptions sont ainsi invisibles. Loin de sanctionner l’acte et l’œuvre, les autorités locales l’approuveront et renommeront la place « place du Monument invisible » (2 146 pavés – Monument contre le racisme). ENFOUIR (PARTIELLEMENT) DES VOITURES. En 1974 au Texas, le groupe d’architectes états-uniens Ant Farm plante une rangée de dix Cadillac au bord d’une route. Le nez des voitures est enfoui dans le sol et leur inclinaison correspondant à celle de la grande pyramide de Gizeh (Cadillac Ranch). ENFOUIR DES SUJETS DE RECHERCHE. En 1998, l’artiste allemand Christian Jankowski demande à de jeunes chercheurs et chercheuses d’inscrire, sous forme de graffitis, leurs sujets de recherche sur le mur d’un palais vénitien, avant qu’il ne soit repeint. Les archéologues pourront ainsi, dans le futur, découvrir quels questionnements animaient les ancien·nes chercheurs et chercheuses (Graffiti Veneziani/Venetian Graffiti). ENFOUIR UN KILOMÈTRE. En 1977, à Cassel en Allemagne, l’artiste états-unien Walter De Maria fait enfouir dans le sol une barre de laiton de 5 cm de diamètre et de 1 km de long. Seule sa face supérieure affleure le sol (Vertical Earth Kilometer). [ Voir aussi « cacher », « enfouir », « exhumer » et « enterrer »]

ENFUMER ENFUMER UN MARIAGE ROYAL. Le 10 mars 1966 à Amsterdam, le cortège nuptial de la princesse Beatrix et du futur prince Claus von Amsberg est protégé des actions facétieuses du groupe libertaire des Provos par un important dispositif policier. [ Voir « lancer une rumeur princière »] Des fumées surgissent alors de la foule, faisant croire à un attentat et plongeant la noce télévisée dans le brouillard. Les fumigènes bricolés par les Provos sont inoffensifs, mais les autorités, furieuses d’avoir été ridiculisées, ordonneront une répression brutale.

S’ENNUYER. En 1982, deux universitaires français, Pierre Bazantay et Yves Helias, invitent trente-deux personnes à se rendre à la halte ferroviaire des Fades en Auvergne, afin de « contempler le spectacle étrange de la platitude » et de participer au premier Congrès ordinaire de banalyse. Face à cette promesse d’ennui, personne ne viendra9.

S’ENRICHIR (MOMENTANÉMENT). En 2013, l’artiste française Marine Semeria s’adresse à elle-même un chèque d’un million d’euros. Grâce à cela, elle se trouve millionnaire durant quarante-huit heures (Millionnaire).

ENSACHER. Dans les années 1970, de nombreuses personnes opposées à la dictature brésilienne sont arrêtées puis torturées, en étant encagoulées pour être aveuglées et étouffées. Dans la nuit du 26 au 27 avril 1979 à São Paulo, le collectif artistique 3Nós3 encagoule des têtes de statues publiques avec des sacs-poubelle noirs. Ses membres contactent ensuite les médias, en feignant d’être des riverains indignés par cet acte irrespectueux (Ensacamento).

ENSEIGNER ENSEIGNER SANS SAVOIR. Au début du XIXe siècle à Louvain, le pédagogue français Joseph Jacotot constate que des élèves parviennent à apprendre par eux-mêmes une langue qu’ils ne connaissent pas. Il en conclut que, tout comme les enfants apprennent à parler sans qu’on leur explique, l’apprentissage n’implique pas la transmission d’un savoir ; et que, en accompagnant des autodidactes, un ignorant peut faire un excellent maître. ENSEIGNER SANS PUNIR. Le 8 octobre 1901, le pédagogue libertaire espagnol Francisco Ferrer fonde une « École moderne » à Barcelone. Compétition, classement, récompense ou punition y sont proscrits. Arrêté en 1909 pour avoir, soi-disant, fomenté une insurrection (la Semaine tragique), il sera fusillé. ENSEIGNER LIBREMENT. En 1921 dans le Suffolk, le pédagogue libertaire écossais Alexander Sutherland Neill fonde à Summerhill une école dans laquelle les enfants apprennent ce qu’ils veulent, s’ils le veulent et quand ils le veulent. Face aux écoliers rétifs, il se montre habile psychologue. Mais, face aux écolières, chou blanc.  ENSEIGNER AUTREMENT. En 2014, l’artiste français Stéphane Bérard écrit ou grave des noms d’écrivains, de compositeurs ou d’artistes sur les tables d’une école, à la manière d’élèves irrespectueux. Il intitule son œuvre pédagogique Étude pour une transmission patrimoniale non autoritaire. ENSEIGNER À PEINDRE À DES ÉLÉPHANTS. Au début des années 1990, les artistes russes Vitaly Komar et Alexander Melamid constatent que les éléphants d’Asie sont dans une situation précaire (leur population décroît). Considérant que, dans un monde concurrentiel, il faut savoir s’en sortir par soi-même, ils décident de leur apprendre un métier. Ils enseignent alors la peinture à plusieurs pachydermes dans un zoo aux États-Unis, puis en Thaïlande. Si bien que, grâce à la vente de leurs œuvres, le sort des éléphants se trouvera légèrement amélioré. ENSEIGNER LE VÉLO À L’ENVERS. En 1997, les artistes suédoises Elin Wikström et Anna Brag mettent au point un vélo permettant de rouler à reculons. Puis, dans la ville allemande de Münster, elles en enseignent la pratique (Returnity). ENSEIGNER L’ÉVITEMENT. Le 26 octobre 2020, dans une rue de Pékin, une dizaine de personnes sont guidées par l’artiste chinois Deng Yufeng. Munies de sangles réfléchissantes, elles zigzaguent, s’accroupissent, se penchent en avant ou rasent les murs. En faisant ces parcours étranges et ces contorsions, elles apprennent à échapper aux regards des caméras de vidéosurveillance (Un mouvement disparu). [ Voir aussi « faire visiter une ville surveillée » et « orienter dans une ville surveillée »] ENSEIGNER LA MASTURBATION. Le 9 août 1979, la chanteuse punk est-allemande Nina Hagen est invitée par une chaîne de télévision autrichienne à un débat sur la culture des jeunes. Après avoir déclaré : « Si nous avions écouté nos mères et nos pères, nous n’aurions toujours pas d’orgasme aujourd’hui ! », elle expose par des gestes (et sans se dévêtir) les différentes méthodes de masturbation féminine. Cette démonstration fera scandale et lancera sa popularité. ENSEIGNER LA FABRICATION DE BOMBES. En 1993 à Potsdam, à l’occasion d’une exposition, l’artiste états-unien Gregory Green affiche, sur de grands panneaux, des modes d’emploi expliquant aux passant·es comment réaliser des cocktails Molotov, des livres-bombes, etc. La police les détruira.

ENTARTER ENTARTER DES CÉLÉBRITÉS. À partir de 1969, l’agitateur belge Noël Godin jette, au visage de personnalités qu’il juge infatuées, des tartes à la crème souvent composées d’assiettes en carton et de crème chantilly. Certaines réagissent avec humour. D’autres tentent de lui casser la gueule.

ENTERRER ENTERRER UNE VOITURE. Le 7 septembre 1975 dans l’État de New York, le groupe d’architectes états-unien Ant Farm célèbre l’enterrement d’une voiture remplie de documents et d’objets réunis par des riverain·es (magazines, souvenirs, jouets, etc.). Cette « capsule temporelle » est destinée à être déterrée en 2000. Mais, cette année-là, du fait de la pollution du sol (sans rapport avec la présence du véhicule), les autorités s’opposeront à l’exhumation de l’Oldsmobile et de ses archives. Elle attend donc toujours de s’offrir aux yeux des archéologues (Citizens Time Capsule). ENTERRER UN POULET. Le 27 avril 1978, l’artiste états-unien Jeffrey Vallance achète un poulet congelé dans un supermarché, le place dans un petit cercueil capitonné et, après un bref service commémoratif, l’enterre dans un cimetière pour animaux de Los Angeles. Selon l’artiste, la tombe de celui qu’il a nommé « Blinky the Friendly Hen » est similaire à celle du Soldat inconnu : elle rend hommage aux millions de poulets abattus et vendus chaque année. ENTERRER DES TÊTES DE ROIS. En 1793 à Paris, les révolutionnaires décapitent les statues des rois trônant sur la façade de la cathédrale Notre-Dame de Paris, puis les enterrent. Il y a cependant méprise : elles ne figurent pas des rois de France, mais de supposés ancêtres de la Vierge Marie. [ Voir aussi « enfouir »]

ENVAHIR ENVAHIR LA TCHÉCOSLOVAQUIE. En 1968, la libéralisation politique et culturelle de la Tchécoslovaquie (le « Printemps de Prague ») est brutalement réprimée par Moscou. En 1988, les activistes polonais·es d’Alternative Orange invitent leurs concitoyen·nes à commémorer cette invasion en franchissant la frontière qui les sépare de leurs voisins tchécoslovaques. Des unités militaires sont aussitôt mobilisées, de part et d’autre, pour entraver cette invasion parodique.  ENVAHIR UNE PISCINE. En 2016, l’artiste d’origine états-unienne Adam Harvey met au point un système d’usurpation de géolocalisation qui permet d’être localisé·e dans la piscine californienne de l’un des magnats de la collecte de données (Data Pools). [ Voir aussi « parasiter »]

ENVOYER ENVOYER DES CULOTTES. En Birmanie, les militaires partagent une croyance selon laquelle toucher une culotte de femme peut leur faire perdre leur pouvoir. En 2007, profitant de cette superstition, le groupe Lanna Action for Burma Committee lance l’opération « Culottes pour la paix » et invite les femmes du monde entier à adresser leurs culottes à la junte militaire au pouvoir. Les généraux savent réprimer les rassemblements, mais ne peuvent rien faire contre cette avalanche de lingerie. ENVOYER UN AFRICAIN SUR LA LUNE. En 1964, Edward Makuka Nkoloso, fondateur de l’Académie nationale des sciences de l’université de Zambie, lance un programme spatial destiné à envoyer le « premier Africain sur la lune ». Mais aucun·e « afronaute » ne fera le voyage car ni le gouvernement zambien ni l’ONU ne le financeront. ENVOYER DES OURS EN PELUCHE. Depuis 1994, l’autocrate Alexandre Loukachenko muselle la Biélorussie. Le 4 juillet 2012, les activistes suédois·es Hannah Lina Frey et Tomas Mazetti traversent la frontière biélorusse à bord d’un petit avion pour y lâcher des centaines d’ours en peluche munis du message « Free speech now » (« Liberté d’expression maintenant »). Cette facétieuse violation de l’espace aérien biélorusse vaudra à deux généraux d’être limogés. ENVOYER DES CERFS-VOLANTS. En 1953 en URSS, les prisonniers du goulag de Norilsk, qui luttent pour de meilleures conditions de détention, fabriquent des cerfs-volants destinés à lâcher des tracts sur les villages voisins. Grâce à cette communication aérienne, leurs revendications parviennent aux autorités de Moscou, et certaines sont satisfaites. ENVOYER DE LA MARIJUANA. Dans les années 1970, le cannabis est importé clandestinement du Mexique vers les États-Unis, où il est prohibé. En contrepartie, le 17 décembre 1978, l’artiste états-unien Chris Burden expédie, au-dessus de la frontière mexicaine, un avion miniature transportant le meilleur chanvre californien (Coals to Newcastle). ENVOYER UN HOMME AU-DESSUS D’UNE FRONTIÈRE. En 2005, l’artiste d’origine vénézuélienne Javier Téllez propulse un homme à l’aide d’un canon au-dessus de la frontière qui sépare le Mexique des États-Unis10 (One Flew over the Void (Bala perdida)). ENVOYER DES SUFFRAGETTES. En 1909, la Poste britannique propose un service d’accompagnement de personnes. La suffragette Jessie Kenney adresse alors Daisy Solomon et Elspeth McClelland au Premier ministre, pour qu’elles plaident la cause du vote des femmes. Mais, comme il refuse de les réceptionner, les deux « lettres mortes » sont retournées à leur expéditrice. S’ENVOYER SOI-MÊME. En 2003, le jeune États-Unien Charles McKinley veut rendre visite à ses parents aux frais de son employeur. Il se glisse donc dans un colis et s’expédie lui-même de New York à Dallas, par voie aérienne. Mais, peu avant d’arriver, il est découvert.

ÉRIGER ÉRIGER UNE STATUE DE LA LIBERTÉ. Entre le 27 et le 30 mai 1989, des étudiant·es en art chinois·es construisent place Tian’anmen à Pékin – épicentre du mouvement contestataire en cours – une « déesse de la démocratie », inspirée de la statue de la Liberté new-yorkaise. Ce symbole de 10 m de haut relancera la lutte, mais sera détruit cinq jours plus tard, lors de la brutale répression ordonnée par le régime autoritaire communiste. Des répliques seront par la suite édifiées à Hong Kong, aux États-Unis ou au Canada. ÉRIGER UN SOCLE VIDE. En 2000, l’artiste français Philippe Ramette place au centre d’un rond-point de Bienne, en Suisse, un socle sans statue. Il l’intitule Espace pour le futur. ÉRIGER PUIS DÉBOULONNER. Depuis 2012, la longévité politique et les penchants impérialistes du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lui valent d’être surnommé « King Bibi ». Le 6 décembre 2016, l’artiste israélien Itay Zalait prend ce sobriquet au pied de la lettre et installe dans la capitale une statue dorée de l’homme d’État. Le gouvernement, goûtant peu la plaisanterie, exige aussitôt de l’artiste qu’il retire son œuvre. Celui-ci invite alors ses compatriotes à l’aider et à ainsi, littéralement, « renverser Netanyahou » (King Bibi). [ Voir aussi « glorifier un traître » et « soutenir Lénine »]

ESPIONNER ESPIONNER CEUX QUI NOUS ESPIONNENT. En juin 2014, l’artiste français Julien Prévieux observe au téléobjectif les bureaux de la société Google, à Los Angeles, et aperçoit d’énigmatiques notes et croquis tracés sur un tableau blanc. Il recopie alors ces inscriptions qu’il suppose confidentielles, pour les exposer ensuite à l’insu de l’entreprise, reine de la collecte de données (Today Is Great).

S’ÉTABLIR S’ÉTABLIR EN USINE. À partir de 1967 en France, des centaines d’étudiant·es maoïstes se font embaucher en usine pour partager la vie des ouvriers et ouvrières et propager les idées révolutionnaires. On les appellera les « établi·es11 ».

ÉTEINDRE ÉTEINDRE LA LUMIÈRE. Le 3 novembre 1996 en Turquie, un accident de voiture mortel révèle par hasard les liens troubles qui unissent ses passagers, dont un chef mafieux et un député proche du pouvoir. Trois mois plus tard, pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire, de nombreuses personnes éteignent tous les soirs les lumières de leur domicile durant une minute. Elles seront bientôt rejointes par 30 millions d’autres. Ce mouvement de protestation aboutira à la démission du Premier ministre, mais la transparence exigée ne sera pas obtenue. ÉTEINDRE LES TÉLÉS. En 1993, l’États-Unien Mitch Altman, qui s’est libéré dix ans plus tôt de son addiction à la télévision, constate que cette lucarne devient omniprésente dans les lieux publics. Il conçoit donc une télécommande universelle, ayant pour unique fonction d’éteindre les téléviseurs, puis la met en vente. Sa « TV B Gone12 » connaîtra un vif succès : 700 000 unités seront achetées par des téléphobes.  ÉTEINDRE DES ENSEIGNES. En France à partir de 2007, afin de lutter contre la pollution visuelle et le gaspillage d’énergie, le Clan du néon éteint les enseignes lumineuses restées allumées la nuit. Et espère ainsi revoir les étoiles. ÉTEINDRE GENÈVE. Pour le premier Sommet mondial de l’information, qui doit se tenir en 2003 à Genève, un événement artistique est souhaité. La proposition de l’artiste suédoise Elin Wikström, consistant à couper l’électricité de la ville durant quarante-cinq minutes, est alors étudiée. Mais, bien qu’instructive, cette expérience de sevrage collectif ne sera pas retenue (Geneva Unplugged).

ÊTRE COOL. Chez les esclaves afro-américains, être cool (froid) est un moyen de se prémunir des mauvais traitements en restant calme et silencieux13.

ÊTRE NOMBREUSES. En 2004 en Iran, porter des chaussures ouvertes et du vernis à ongles expose à une punition entomologique : avoir les mains trempées dans des cafards et les pieds couverts d’insectes. Jugeant que, en étant nombreuses, les autorités n’auraient pas assez d’hexapodes pour les supplicier, des milliers de femmes se mettent l’été en sandales ou en nu-pieds pour arborer des ongles peints. Et obtiennent ainsi la légalisation des chaussures incriminées.

ÊTRE NU ÊTRE CONSTAMMENT NU·ES. En Europe, au IIe siècle puis du XIIIe au XVe siècle, les adamites s’efforcent de recréer sur Terre les conditions du paradis originel en vivant nu·es le plus souvent possible. Les dernier·ères adamites seront exterminé·es en 1421. ÊTRE NUE À L’ÉGLISE. En 1661 dans le Massachusetts, la quaker Lydia Wardwell, désireuse de protester contre l’obligation de se rendre à l’église, s’y présente dans le plus simple appareil. ÊTRE PRESQUE NUES. En France, à partir de 1794, le mouvement réactionnaire des « Merveilleuses » et des « Incroyables » manifeste son opposition à la morale républicaine en portant des tenues extravagantes. Les Merveilleuses les plus radicales se présentent dans des jardins publics vêtues de voilages transparents, presque nues. Mais la réprobation qu’elles rencontrent les contraint à se rhabiller. MANIFESTER NU·ES [1]. En 1917 à Moscou, à l’appel de l’association des Amis de la nature et du soleil, des centaines de personnes adeptes d’une réhabilitation du corps manifestent dénudées en scandant : « À bas la honte ! » MANIFESTER NU·ES [2]. Dans de nombreuses régions d’Afrique, voir une femme se dénuder en public est, aux yeux des hommes, une malédiction, a fortiori si la dénudée a l’âge d’être leur mère14. Le 16 mars 1922 à Nairobi, lors d’une manifestation contre l’arrestation d’un militant indépendantiste, la Kenyane Mary Muthoni Nyanjiru exprime sa colère en soulevant sa robe au-dessus de sa tête. D’autres l’imitent alors. La police ouvrira le feu, tuant des dizaines de femmes, dont la meneuse. MANIFESTER NU·ES [3]. Au Mexique en 2003, pour protester contre l’accaparement des terres par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), des femmes proposent de manifester nues. Mais leurs maris s’y opposent et défilent eux-mêmes dévêtus. Constatant l’indifférence que suscite cette action, les femmes paraderont finalement nues, obtenant ainsi l’attention des médias, puis l’oreille du gouvernement. ÊTRE NUE DEVANT SON PATRON. En 2016 en Ouganda, l’anthropologue Stella Nyanzi se voit privée de bureau. Pour protester, elle emploie la méthode évoquée plus haut (à Nairobi) : elle se met nue devant son patron. Son acte impudique connaît une large médiatisation, et son bureau lui est restitué. ÊTRE NU·E À L’UNIVERSITÉ. Le 5 février 1969, au Grinnell College dans l’Iowa, dix étudiant·es, mécontent·es qu’un représentant de Play Boy vienne faire une conférence dans leur université, décident d’assister nu·es à la conférence et organisent ainsi le premier nude-in. ÊTRE NUE À LA BOURSE. Le 29 mai 1969, l’artiste danoise Lene Adler Petersen traverse nue le hall de la Bourse de Copenhague, en brandissant une croix chrétienne, sous le regard étonné des courtiers. Le lendemain, coïncidence, le Danemark sera le premier pays à légaliser la pornographie (The Female Christ at the Stock Exchange). ÊTRE À MOITIÉ NUE DANS UN STADE. Le 2 janvier 1982, la jeune Britannique Erika Roe, ragaillardie par quelques bières, se lance, seins nus, sur la pelouse du stade de Twickenham alors que se joue un match de rugby Angleterre-Australie. Ce streaking féminin inédit révèle spectaculairement les asymétries de genre, particulièrement marquées dans le monde du sport15. ÊTRE À MOITIÉ NUES À LA PISCINE. Le 6 mai 2009, des membres de l’association féministe Les Tumultueuses se présentent torse nu dans une piscine du centre de Paris. Et si d’aventure des hommes leur font des remarques, elles leur proposent des brassières.  ÊTRE NU·ES À VÉLO. En 2001 à Saragosse, le conseil municipal approuve un plan de circulation qui mécontente les cyclistes. Afin de protester et de clamer le naturel et la vulnérabilité de leurs corps, une quarantaine de personnes manifestent nues sur leurs vélos. D’autres manifestations cyclo-nudistes auront lieu par la suite, réunissant jusqu’à 10 000 participant·es.  ÊTRE NU·ES EN ANTARCTIQUE. Durant la guerre d’Irak, dix scientifiques états-unien·nes travaillant dans une base en Antarctique se prennent en photo nu·es dehors, malgré le froid polaire, afin d’exprimer leur opposition au conflit. Qui se poursuivra pourtant. ÊTRE NU PARTOUT. À partir de 2003, le Britannique Stephen Peter Gough milite pour le droit à vivre nu. Il marche nu à travers la campagne, en ville, dans un aéroport, etc. Cette constance lui vaut d’être fréquemment arrêté pour troubles à l’ordre public. Il va en prison, purge sa peine, ressort, se déshabille et se fait à nouveau arrêter. En 201616, il aura été condamné quarante fois et aura passé l’essentiel de sa vie à l’ombre.

ÊTRE POILU·E (OU NON) ÊTRE BARBUES. Le 15 mai 2009 à Paris se tient au Sénat une table ronde intitulée « L’Assemblée nationale miroir de la société française ». Constatant que, à une exception près, tous les participants sont des hommes, des militantes du collectif La Barbe s’introduisent dans la salle, pourvues de barbes postiches, proposant un « miroir » à l’institution (et rappellent ainsi la très faible féminisation des deux assemblées)17. ÊTRE TROP MOUSTACHU. En Turquie, les marxistes et les Kurdes portent une généreuse moustache, qui déborde sur leurs lèvres, pour se démarquer des conservateurs musulmans qui jugent cela impur. TAILLER SA MOUSTACHE. Durant la Seconde Guerre mondiale, Monty Manning, prisonnier dans un camp allemand à Guernesey, taille sa moustache et sa barbe pour leur donner une forme de V, symbole de la victoire souhaitée contre les nazis. Heureusement pour lui, ceux-ci ne le remarquent pas. [ Voir aussi « écrire sous sa semelle »] SE DÉSÉPILER. En 1995, l’artiste danoise Lisa Strömbeck récupère des cheveux auprès d’amis ou de salons de coiffure, puis les colle sur son corps à l’aide de cire à épiler. Elle part ensuite, ainsi vêtue, se promener dans Copenhague (In and Out). PORTER UNE COIFFURE AFRO. Jusqu’aux années 1960 aux États-Unis, les personnes noires s’efforcent de conformer leurs coiffures au modèle défini par les classes dominantes blanches, et emploient pour cela de coûteux artifices (défrisage, gomina, perruques, etc.). Le mouvement Black is beautiful les appelle alors à faire généreusement bouffer leurs cheveux crépus18. COUPER SA NATTE. En Chine à partir de 1851, les révolutionnaires pré-communistes Taiping se coupent symboliquement la natte, alors que son port est obligatoire pour les hommes depuis le XVIIe siècle. La dynastie Qing finira par vaincre, en 1861, cette révolte des « rebelles aux cheveux longs ». COUPER SES CHEVEUX. En 1795, une taxe sur la poudre à cheveux (et à perruque) est imposée aux Britanniques afin, entre autres, de financer la guerre contre la France19. Les réformistes s’en accommodent, en optant pour des coupes courtes, « à la française ». Peu après, la mode des perruques ou des cheveux poudrés disparaîtra. MONTRER SES CHEVEUX. À partir de 1979 en Iran, la République islamique impose aux femmes de porter un voile. Laisser dépasser quelques mèches de cheveux est alors une façon de montrer son opposition au régime20. RASER SES CHEVEUX. En mai 2016, une jeune femme iranienne se rase le crâne pour vendre ses cheveux au profit d’enfants cancéreux. Elle publie sur Internet une photo d’elle, tête nue, en déclarant : « Puisque je n’ai plus de cheveux, à quoi bon porter un voile ? » Ce geste, initialement apolitique, fera d’elle un symbole de la lutte contre le voile obligatoire.  SE RASER LA MOITIÉ DES CHEVEUX. En 2017, les paysans de l’État indien du Tamil Nadu, victimes d’une violente sécheresse, dénoncent l’aide insuffisante du gouvernement central. Certains figurent leurs terres devenues à moitié stériles en se rasant la moitié gauche de la tête et la moitié droite de la moustache. Ils n’obtiendront que l’annulation de leurs dettes. SE COUPER DES MÈCHES. Le 16 septembre 2022 à Téhéran, l’étudiante iranienne d’origine kurde Mahsa Amini est battue à mort par la police pour avoir laissé dépasser des cheveux de son voile. Ce crime suscite un large mouvement de protestation, durant lequel de nombreuses femmes défient les autorités en se coupant des mèches de cheveux en public. [ Voir aussi « mettre un voile » et « retirer son voile »]

ÊTRE PONCTUEL. En 2024 en Russie, alors que Vladimir Poutine, après avoir réprimé toute contestation, est certain d’être réélu, l’opposition appelle les Russes à dénoncer ce simulacre de démocratie en venant voter à midi. Le jour du scrutin, des milliers de personnes se rendent aux urnes à l’heure dite, pour voter blanc, nul ou rien, avant de rentrer chez elles. Sans risquer d’être arrêtées.

ÊTRE SPONSORISÉ·ES ÊTRE SPONSORISÉ·ES PAR BMW. En 1999, les artistes Swetlana Heger et Plamen Dejanov, originaires respectivement de Tchécoslovaquie et de Bulgarie, veulent souligner la fonction promotionnelle de l’art (les collectionneurs et collectionneuses peuvent se prévaloir des œuvres acquises). Les deux artistes décident pour cela d’opérer un raccourci en signant, avec la société BMW, un contrat qui exige que toute leur production artistique ne consiste qu’en une publicité pour la firme automobile. Le duo sponsorisé expose alors des photos de moteurs, de jantes ou de modèles d’automobiles (Quite Normal Luxury)21.

ÉTUDIER ÉTUDIER LES TACTIQUES DE L’ENNEMI. Au début du XXe siècle, de nombreuses personnes, issues de pays colonisés, viennent faire leurs études en Europe et y acquérir des connaissances qui serviront leur lutte émancipatrice. Ainsi, en France, l’Association des étudiants musulmans nord-africains fédérera de futurs leaders indépendantistes. Et sera étroitement surveillée par les autorités. ÉTUDIER DES OCCIDENTAUX. En 1970, l’acteur et guérisseur nigérien Damouré Zika se rend au Trocadéro à Paris et, à la manière d’un anthropologue occidental en Afrique, sollicite des personnes rencontrées au hasard, pour relever leurs mensurations ou observer l’état de leur dentition. Cette inversion des rôles, imaginée par l’ethnologue et cinéaste français Jean Rouch, apparaîtra dans son film Petit à petit (1971).

ÉVACUER ÉVACUER STRASBOURG. Le 28 mars 1997, en réponse à la tenue d’un congrès d’extrême droite dans sa ville, le Laboratoire de tourisme expérimental (Latourex) appelle les Strasbourgeois·es à partir pour Kehl, la ville voisine en Allemagne22. Environ cinq cents personnes choisiront cet exil d’un jour.

S’EXCUSER S’EXCUSER SUR UN BILLET. En 1995, l’artiste anglais Jeremy Deller tamponne, dans une typographie savamment ornée, le texte « I’m sorry » sur des billets de banque anglais, pourvus du portrait d’Elizabeth II. On ne sait s’il s’excuse pour son acte ou s’il prête des excuses à la reine (I’m Sorry). PRÉSENTER DES EXCUSES. En 2021, le duo d’activistes les Yes Men publie un faux communiqué de Starbucks déclarant que la chaîne de cafés ne majorera plus le prix des laits végétaux et qu’elle s’excuse pour ses pratiques discriminatoires à l’encontre des végans. En réponse, la véritable société Starbucks publie un démenti contestant cette annonce. Le canular et le démenti sont alors largement médiatisés. Si bien que, peu après, le tarif des laits végétaux de l’enseigne est bel et bien aligné sur celui du lait de vache.

EXHUMER EXHUMER DES PRÉLATS. En 1936, la guerre civile espagnole oppose le mouvement républicain, profondément anticlérical, aux nationalistes, soutenus par l’Église. Durant les premiers jours de cette lutte, des républicain·es vandalisent des églises, profanent des tombes de religieux·ses et en exposent les dépouilles. La diffusion des images de ces exhumations leur fera une très mauvaise publicité. EXHUMER UN BUNKER. En 2009 au Pays-Bas, l’artiste français Cyprien Gaillard exhume un bunker de la Seconde Guerre mondiale enterré sous un jardin et dont la présence était insoupçonnée par le voisinage. À l’issue de la performance, le vestige est réenfoui (Dunepark).

EXORCISER EXORCISER LE PAPE. En 1987, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (un mouvement LGBT) profitent de la venue du pape Jean-Paul II à San Francisco pour organiser une messe durant laquelle elles exorcisent le souverain pontife pour le débarrasser des démons de l’homophobie.

EXPOSER EXPOSER DES DRAPEAUX. En 1966 à New York, une exposition de l’artiste et vétéran états-unien Marc Morrel, présentant des œuvres réalisées avec des drapeaux américains, est fermée par la police. En 1970, en hommage à cet événement censuré, les artistes Faith Ringgold, Jon Hendricks et Jean Toche invitent toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à participer à une exposition ayant pour thème la bannière étoilée. L’immolation d’un drapeau par le Guerrilla Art Action Group vaudra à ce People’s Flag Show d’être, lui aussi, fermé par la police. EXPOSER DES CHARS. En août 2022, six mois après le début de l’attaque de l’Ukraine par la Russie, Vladimir Poutine prévoit de faire défiler ses chars sur Krechtchatyk, l’avenue centrale de Kiev. Mais, ce jour-là23, l’armée russe bat en retraite et renonce à s’emparer de la capitale. Pour autant, ses chars sont bel et bien présents sur la célèbre avenue : les Ukrainiens y exposent ironiquement les nombreux blindés qu’ils ont endommagés ou pris à leur envahisseur. [ Voir aussi « exposer une épave (proposer de) »] EXPOSER DES BOMBES (PROPOSER DE). Aux États-Unis, les pelouses des hôpitaux militaires sont souvent ornées d’armes obsolètes (chars, canons, avions, etc.). S’inscrivant dans cette tradition, l’artiste états-unien Robert Morris, qui doit en 1981 créer une œuvre pour un hôpital de vétérans, propose d’y installer des répliques des bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Il argue que ces bombardements, à en croire le président Truman, ont sauvé des millions de vies. Et donc, probablement, celles de vétérans présents dans cet hôpital. Pas convaincue, l’armée annulera sa commande. EXPOSER UNE ÉPAVE (PROPOSER DE). En 2003, le Royaume-Uni fait partie de la coalition de pays attaquant l’Irak de manière injustifiée. En 2008, l’artiste anglais Jeremy Deller propose de renouer avec l’antique tradition de la présentation au public des bulletins de guerre : il suggère d’ériger à Londres, sur Trafalgar Square, un monument composé d’un socle de pierre et d’une voiture bombardée en Irak (The Spoils of War (Memorial for an Unknown Civilian)). [ Voir aussi : « déplacer une épave de voiture »] EXPOSER UN CHIEN EMPAILLÉ. En 1994, l’artiste états-unienne Nina Katchadourian est invitée à exposer dans le musée d’Histoire naturelle de San Diego. Elle propose d’y montrer dans une vitrine un petit chien empaillé, confortablement installé sur un coussin. Le musée objecte que cela pourrait perturber les visiteurs. L’artiste fait valoir que les visiteurs ne semblent pas dérangés par les autres mammifères taxidermisés, mais rien n’y fait. L’œuvre est refusée (Chloe). EXPOSER DES COCHONS. En 1997 à Cassel en Allemagne, les artistes germaniques Carsten Höller et Rosemarie Trockel exposent des cochons. Les visiteur·ses peuvent les contempler à travers une vitre, mais les porcs n’ont pas cette chance, car leur public est dissimulé derrière un miroir (House for Pigs and People).  EXPOSER DES ROUX. En 2020 à Bâle, à la demande de l’artiste franco-suisse Jérôme Leuba, vingt-cinq personnes naturellement rousses se disséminent dans un public qui, debout, assiste à un événement. Puis, peu à peu, elles se regroupent, révélant bientôt la présence chromatique de l’œuvre éphémère qu’elles forment (Battlefield #70). EXPOSER DANS LE BUREAU DU MAIRE. En 1987, l’artiste allemand A. R. Penck est invité à exposer dans les rues ou places de la ville germanique de Münster. Il décide alors de poser une petite sculpture sur le bureau du maire, considérant que c’est un espace public (Concept for Münster : A Small Sculpture). S’EXPOSER [1]. De 1992 à 1993, l’artiste d’origine cubaine Coco Fusco et l’artiste mexicain Guillermo Gómez-Peña s’exposent, dans une cage, à Madrid, Londres, Washington ou Sydney, en tant qu’« Amérindiens non encore découverts » (Two Undiscovered Amerindians Visit the West). [ Voir aussi « s’enfermer dans une cage »] S’EXPOSER [2]. En 1973 dans l’Iowa, à la suite du viol et du meurtre d’une étudiante, l’artiste d’origine cubaine Ana Mandieta invite des connaissances à venir chez elle. Elles y découvrent l’artiste à demi-nue, ensanglantée et attachée à une table, dans la position d’une victime de viol (Rape Scene). [ Voir aussi « exhumer des prélats »]

F

FABRIQUER FABRIQUER DES OBJETS DE GRÈVE. En 1973, l’entreprise horlogère française LIP dépose son bilan. S’opposant aux licenciements à venir, les ouvriers et ouvrières occupent l’usine puis rétablissent la production de manière autogérée. Les personnes engagées dans la lutte fabriquent et commercialisent alors elles-mêmes des montres sur lesquelles on peut lire : « CONFLIT LIP – VENTE SAUVAGE ». [ Voir aussi « perruquer » et « transformer une tête de fusée en minuteur »] CONFECTIONNER SES PROPRES VÊTEMENTS. Durant l’année 2002, afin de s’affranchir du commerce de la mode, l’artiste suédoise Elin Wikström ne porte que des vêtements qu’elle a confectionnés elle-même. Bien que novice en couture, ses tee-shirts et manteaux font illusion (Cool or Lame). FABRIQUER DE LA MERDE. En 2000, l’artiste belge Wim Delvoye réalise une machine à produire des excréments. L’engin ingère des aliments, les digère, défèque et fait parfois des indigestions (Cloaca).

SE FAIRE ARRÊTER SE FAIRE ARRÊTER PAR LA POLICE [1]. Provoquer sa propre arrestation peut aider à médiatiser sa cause. Le 13 octobre 1905 à Manchester, alors qu’elle tente, avec d’autres suffragettes, de perturber un meeting politique, Christabel Pankhurst crache au visage d’un policier1 afin de se faire arrêter. Bingo. SE FAIRE ARRÊTER PAR LA POLICE [2]. En Afrique du Sud en 1952, des militant·es enfreignent les lois de l’apartheid (en se rendant, par exemple, dans des lieux réservés aux Blancs) puis se laissent arrêter et emprisonner. Grâce à ces arrestations, les prévenu·es s’adressent au public lors de leurs procès, et le gouvernement voit ses frais de détention augmenter. SE FAIRE ARRÊTER (EN TANT QUE PÈRE NOËL). Le 8 décembre 1987 en Pologne, sous la dictature communiste, a lieu à Wrocław la traditionnelle « nuit des pères Noël ». Des activistes d’Alternative Orange manifestent alors, pourvus de déguisements ad hoc. Se sentant provoquée, la milice arrête aussitôt tous les pères Noël, y compris les employé·es des magasins du voisinage.

FAIRE L’AMOUR FAIRE L’AMOUR À L’UNIVERSITÉ. En 1970 à Montréal, un étudiant et une étudiante, afin de tester le degré de tolérance de leur université, y font l’amour durant huit heures. À la suite de ce bed-in, le couple sera écroué.  FAIRE L’AMOUR SUR UNE VOITURE. Du 14 au 17 avril 2007, une voiture circule dans Moscou avec, sur son toit, un matelas sur lequel un homme et une femme font l’amour. Selon le collectif artistique russe Bombily, auteur de cette performance, cet éloge de la liberté sexuelle est la seule réponse à opposer au régime sanguinaire de Vladimir Poutine. Durant les ébats, le conducteur prend de l’essence ou achète des cigarettes.  FAIRE L’AMOUR AVEC UN AUTRE HOMME. En 2004 à New York, deux jeunes hommes font l’amour durant quatre heures en haut d’un arbre de Central Park, en dépit des injonctions à descendre des pompiers et des policiers. Alors qu’ils voulaient protester contre l’hostilité de leurs parents à leur relation, ils seront inculpés pour attentat à la pudeur, mise en danger de la vie d’autrui, trouble à l’ordre public, refus d’obtempérer et vandalisme.  FAIRE L’AMOUR AVEC UNE AUTRE FEMME. En 2010, alors qu’un pouvoir traditionaliste et autoritaire gouverne la Turquie depuis huit ans, l’artiste turque Şükran Moral réalise dans une galerie d’Istanbul une performance dans laquelle elle fait l’amour avec une autre femme (Amemus). À la suite de cet acte, elle reçoit des menaces de mort et s’exile à Rome. [ Voir aussi « dormir avec l’ennemi »]

FAIRE DES ANGES. En 2001, l’Atelier néerlandais Van Lieshout s’associe avec l’association néerlandaise WoW (Women on Waves) pour créer une clinique mobile proposant des services d’avortement. Installée dans un conteneur, cette unité est aisément transportable. Elle peut donc être introduite dans un pays où l’avortement est interdit ou se placer à la limite de ses eaux territoriales, en étant posée sur un bateau (A-Portable).

FAIRE BOITER FAIRE BOITER UNE COMMISSAIRE D’EXPOSITION. En 2016 à Paris, l’artiste française Florence Jung place un caillou dans la chaussure de l’organisatrice d’un festival auquel elle participe et demande à celle-ci de ne révéler l’existence du caillou – et donc de l’œuvre – qu’aux personnes qui constatent son inconfort2.

FAIRE BOUILLIR FAIRE BOUILLIR DES SEMENCES. Entre 1905 et 1907 au Tanganyika (actuelle Tanzanie), des paysan·nes s’opposent au travail imposé par les colons allemands en pratiquant une résistance discrète, consistant à faire bouillir les semences de coton afin de les empêcher de germer.

FAIRE CHANTER DES TRADUCTEURS. En 2006 à New York, l’artiste états-unienne Nina Katchadourian fait interpréter par des traducteurs de l’ONU des chants d’oiseau. Les pépiements sont ensuite diffusés dans les arbres d’un parc du Bronx (Please, Please, Pleased to Meet ’cha).

FAIRE CIRCULER L’ARGENT. En 2007, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler lave des parebrises à un carrefour de Manhattan, puis se rend dans un restaurant huppé, pour aller offrir ses gains à la personne qui entretient les toilettes (Service Active/Passive).

FAIRE CONFIANCE. En 1956, lors de l’insurrection de Budapest, l’artiste hongrois Miklós Erdély dispose des valises ouvertes dans les rues afin de collecter de l’argent pour les victimes de la répression. Considérant que la pureté de leur cause les prémunira des larcins, il demande aux miliciens révolutionnaires de ne pas surveiller ces cagnottes. En vain (Unguarded Money).

FAIRE UN CONTRE-JEU. En 2003, après avoir attaqué l’Irak sous un prétexte fallacieux, les États-Unis confient à leurs combattants des jeux de cartes figurant les personnes les plus recherchées, soit cinquante-deux membres du gouvernement irakien. Peu après, le graphiste et activiste britannique Noel Douglas publie un jeu de cartes figurant, lui, des personnalités soutenant cette invasion : dirigeants de pays impliqués, patrons de sociétés pétrolières, marchands de canons, etc. Le jeu a pour nom Regime Change Begins at Home.

FAIRE DES ENFANTS. En 1918 en Ouganda, le guérisseur Nyamutswa encourage son peuple, les Bakonzo, à faire de nombreux enfants pour ne plus être minoritaires face à la domination du royaume Toro et de l’Empire britannique. Grâce à une substance dont il a le secret, les femmes donneraient naissance à de nombreux jumeaux et jumelles. Et, effectivement, les Bakonzo deviendront le premier peuple de la région. Le sorcier, quant à lui, sera condamné à mort.

FAIRE ENTENDRE FAIRE ENTENDRE LA VILLE. En 1966, l’artiste et musicien états-unien Max Neuhaus donne rendez-vous à des visiteurs dans un quartier de New York. Il leur tamponne sur la main le mot « Listen » (« Écoutez »), puis les emmène dans une visite auditive : métro, centrale électrique, pont de Brooklyn, etc. (Listen) FAIRE ENTENDRE UN ACCIDENT. En 1997 en Allemagne, pays amateur d’automobiles, l’artiste germanique Olaf Metzel diffuse, dans un parking, le son répété d’un crash de voiture. Les usagers ont ainsi la surprise d’entendre l’accélération de l’engin, suivie du vacarme de l’impact. Au choc de cette première écoute succède l’anticipation anxieuse de la suivante (Parkhaus Bremer Platz, Ebene 4). [ Voir aussi « sonoriser »]

FAIRE FAIRE FAIRE FAIRE LA MÊME CHOSE. Les personnes habitant le village tchèque de Ponětovice considèrent qu’il ne s’y passe rien. Pour y remédier, l’artiste tchèque Kateřina Šedá leur propose que, durant une journée, elles fassent des choses ordinaires, mais toutes en même temps. Le 5 mai 2003, elles se lèvent ainsi à la même heure, font les mêmes courses, mangent les mêmes plats, etc. (There Is Nothing There). FAIRE FAIRE DU SPORT. À la fin des années 1990, afin de faire faire de l’exercice aux employé·es de bureau, l’artiste hongrois Antal Lakner met au point des appareils de musculation permettant de s’entraîner à faire des gestes d’ouvriers : repeindre un mur, pousser une brouette ou couper un arbre (Inners). FAIRE ÉCRIRE. À partir de 2002 à New York, Ji Lee, publicitaire repenti d’origine sud-coréenne, colle des étiquettes en forme de bulles de bande dessinée sur des publicités, afin que ces « pensées vides » soient investies par les passant·es. La méthode sera reprise à travers le monde (Bubble Project). FAIRE DESSINER LES PASSANT·ES. En 1960, l’artiste néerlandais d’origine surinamienne Stanley Brouwn demande son chemin à des personnes qu’il croise dans la rue. Certaines lui dessinent son itinéraire sur une feuille, qu’il exposera ensuite (This Way Brouwn). FAIRE POSER DES PASSANT·ES. En 2019 dans la ville indienne de Chandigarh, dessinée par des Européens à la fin des années 1940, l’artiste d’origine allemande Thomas Geiger propose à des passant·es de se placer sur un socle et d’imiter des sculptures de personnages historiques occidentaux. Ces Indien·nes s’amusent alors à incarner Mozart, Churchill ou l’impératrice Sissi (Some Great Europeans)3. FAIRE SAUTER LES PASSANT·ES. À partir de 2011 à Brooklyn, les designeures Sierra Seip et Alison Uljee placent sur les trottoirs des panneaux indiquant « Skipping only zones » (« zones de saut »). Les passant·es se livrent alors à des pirouettes enfantines. FAIRE JAILLIR UN JET D’EAU. En 2001 à Francfort, l’artiste d’origine danoise Jeppe Hein installe au bord du fleuve un banc pourvu d’un dispositif particulier : lorsque l’on s’assoit dessus, on voit surgir un immense jet d’eau, qui ne disparaît que lorsque l’on se relève. L’œuvre s’intitule Did I Miss Something ? FAIRE ENTRER DANS UN SEXE FÉMININ. En 1966 à Stockholm, l’artiste d’origine française Niki de Saint Phalle invite des adultes et des enfants à pénétrer dans le sexe d’une gigantesque femme enceinte. Outre cette expérience d’enfantement inversé, la sculpture propose de nombreuses curiosités, dont un milkbar dans le sein gauche (Hon/Elle). [ Voir aussi « montrer son col de l’utérus »] FAIRE VOTER (LES XÉNOPHOBES ET LES AUTRES). En 2000 à Vienne, alors que l’extrême droite est au pouvoir en Autriche, le metteur en scène, réalisateur et performeur allemand Christoph Schlingensief crée un dispositif inspiré des émissions de téléréalité : il invite des demandeur·ses d’asile à concourir pour obtenir une bourse ou un visa grâce à un mariage. Il enferme les douze candidat·es dans un conteneur pourvu de caméras et demande au public de voter pour décider, chaque jour, quel·les candidat·es seront expulsé·es. Sur le conteneur est inscrit un slogan provocateur : « Ausländer raus ! » (« Les étrangers dehors ! »).  FAIRE VOTER (OU ÉLIRE) TOUT LE MONDE. En 2014, l’artiste tchèque Kateřina Šedá organise des élections officieuses dans le village de Bedřichovice, près de Brno. Tout le monde peut fonder un parti ou représenter son quartier. Même les enfants (Fool’s Paradise). FAIRE JOUER À TUER. En 2007, l’artiste d’origine irakienne Wafaa Bilal propose aux internautes de tuer un Irakien à la manière des pilotes de drones états-uniens (qui bombardent sans relâche des cibles irakiennes). Durant une journée, les personnes connectées peuvent ainsi, depuis leur ordinateur, observer une personne filmée en direct, la viser et déclencher un tir. La cible – qui n’est autre que l’artiste – reçoit un tir de paint-ball (Shoot an Iraqi). [ Voir aussi : « donner un ordre », « faire visiter » et, dans « soutenir » : « se faire soutenir »]

FAIRE UN FAUX FAIRE DE FAUX PAPIERS. À Paris en 1944, l’apprenti chimiste Adolfo Kaminsky sauve des milliers de personnes juives en leur confectionnant de faux documents. À la Libération, cette compétence lui vaudra d’être recruté par les services secrets français. Mais il démissionnera peu après, car trop anticolonialiste. Il préférera fournir, durant près de trente ans, de faux papiers aux mouvements indépendantistes et antidictatoriaux du monde entier. FAIRE DE FAUX MARIAGES. Au XVIIIe siècle en France, l’état civil étant réservé aux catholiques, les protestant·es resquillent. Ainsi à La Rochelle, Jean Renault, véritable marchand de vin et faux aumônier papiste, célébrera de nombreux mariages factices. Jusqu’à son arrestation en 1726. FAIRE DE FAUSSES ÉLECTIONS. En 2007, afin de préparer ses citoyen·nes à la démocratie, le Bhoutan organise de fausses élections : des étudiant·es tiré·es au sort représentent des partis imaginaires.  FAIRE UN FAUX REPORTAGE. Le 30 novembre 1938, le futur cinéaste états-unien Orson Welles décrit en direct, à la radio, l’attaque des États-Unis par des Martiens. Librement inspiré du livre La Guerre des mondes de H. G. Wells (1868), le faux reportage cause un mouvement de panique à travers le pays4. FAIRE UNE FAUSSE INFORMATION [ Voir « annoncer »] FAIRE UN FAUX JOURNAL. Durant l’Occupation, le quotidien belge Le Soir est contrôlé par les autorités allemandes. Le 9 novembre 1943, une organisation de résistance publie un Faux Soir, satirique et surréaliste, qui fera rire tout Bruxelles. Mais ses auteurs seront déportés et l’un d’entre eux exécuté. [ Voir aussi « annoncer de bonnes nouvelles » et « annoncer une contrition »] FAIRE DE FAUX TIMBRES [1]. Durant la Seconde Guerre mondiale, les autorités britanniques fabriquent de faux timbres afin que leurs agents secrets diffusent leur propagande en Allemagne et dans la France occupée. Leurs services impriment également de faux tickets de rationnement germaniques, qui sont ensuite parachutés5. FAIRE DE FAUX TIMBRES [2]. Dans les années 1980 en Pologne, des personnes membres du syndicat Solidarność réalisent, dans leur prison, de faux timbres ou de faux tampons postaux et diffusent ainsi clandestinement leurs messages dans le pays ou à l’étranger. La pratique se développera ensuite hors des prisons, notamment grâce à des postes clandestines, infiltrant les albums des nombreux·ses philatélistes polonais·es. FAIRE DE FAUX PIGEONS [1]. À partir de 2011, l’artiste italien Maurizio Cattelan place, sous les plafonds de musées ou d’expositions, des pigeons empaillés qui semblent observer les visiteurs (Others). FAIRE DE FAUX PIGEONS [2]. À partir de 2014, l’artiste français Julien Berthier place des pigeons en bronze sur des sculptures publiques, faites dans le même métal. Les ordinaires volatiles s’en trouvent ainsi glorifiés (Pigeonner). FAIRE UN FAUX DOIGT [1]. En 2002, le chercheur japonais Tsutomu Matsumoto démontre que l’on peut tromper les machines qui contrôlent les empreintes digitales. Des personnes cobayes, les doigts couverts d’une gomme reproduisant des dermatoglyphes usurpés, feront ainsi illusion. FAIRE UN FAUX DOIGT [2]. En 2006, l’artiste français Alain Declercq se procure un coffre-fort à reconnaissance digitale et le fait programmer pour qu’il reconnaisse son empreinte. Il réalise ensuite un moulage en latex du doigt concerné et s’en sert de porte-clés (Safe). FAIRE UNE FAUSSE VOITURE. En 2002, une voiture d’un célèbre service après-vente électroménager français est mal garée dans une rue commerçante de Brest. Au volant, l’artiste français Pascal Rivet demande son chemin aux passant·es. Mais en vain, car le véhicule, dépourvu de vitres et de moteur, est en bois (Dartymobile). FAIRE DE FAUX DÉTRITUS. À la Biennale d’art de Venise en 2018, l’artiste albanais Andreas Lolis place des objets aux abords des espaces d’exposition : des sacs-poubelle, des cartons à pizza usagés, une couverture et un oreiller sur un banc public. Ces éléments, qui évoquent le rebut ou la misère, sont en réalité des trompe-l’œil en marbre (Untitled) FAIRE UN FAUX ZUCKERBERG. Le 8 juin 2019, l’artiste britannique Bill Posters publie sur Instagram une vidéo dans laquelle Mark Zuckerberg déclare : « Imaginez ça une seconde : un homme avec le contrôle total de données volées à des milliards de personnes, leurs secrets, leurs vies, leur avenir. […] Quiconque contrôle les données contrôle l’avenir. » La vidéo est en réalité un faux, un deepfake recréant la voix et l’image du P-DG de Facebook et Instagram grâce à l’intelligence artificielle. En dépit de son propos dérangeant, la vidéo ne sera pas censurée par les réseaux sociaux concernés, mais leurs algorithmes s’abstiendront de la recommander (Imagine This…). FAIRE UN FAUX DÉBOULONNAGE. Le 20 avril 2021, un journal français diffuse sur Internet les images d’une grue retirant de son socle une statue parisienne : celle de Joseph Gallieni, un colonisateur français, responsable notamment du massacre des menalamba, à Madagascar, de 1896 à 1905. La vidéo est aussitôt partagée, et le déboulonnage est salué par de nombreux pourfendeurs de la colonisation. Mais l’auteur de cette action clandestine, l’artiste d’origine colombienne Iván Argote, a surtout voulu faire travailler l’imaginaire : lorsque la mairie de l’arrondissement dépêche une personne sur place, celle-ci constate que la statue est toujours là et comprend qu’il s’agissait d’une vidéo truquée (Au revoir Joseph Gallieni). FAIRE UNE FAUSSE FILE D’ATTENTE [1]. En 1947 dans le New Jersey, devant la billetterie de la piscine du Palisades Amusement Park, des personnes membres du Rassemblement pour l’égalité des races font la queue. Mais elles n’attendent rien, car l’entrée, réservée aux personnes blanches, leur a déjà été interdite. Elles sont battues et arrêtées par la police. Malgré cela, elles ou d’autres reviennent se mettre en ligne tous les dimanches et se faire battre et arrêter de nouveau. La médiatisation de cette répression contribuera à la promulgation de la loi sur les droits civiques dans le New Jersey. FAIRE UNE FAUSSE FILE D’ATTENTE [2]. En 2003, à Cologne, des personnes forment une file d’attente devant un centre d’art. Mais elles n’attendent rien, puisqu’il s’agit d’une performance organisée par l’artiste slovaque Roman Ondák, faisant écho aux queues qui s’étiraient devant les magasins mal achalandés des pays communistes (Good Feelings in Good Times). FAIRE UNE FAUSSE ATTENTE. En 2014, dans un centre d’art de la région parisienne, des personnes attendent dans une salle vide. À mesure que les visiteurs et visiteuses arrivent, elles sont de plus en plus nombreuses. Mais rien ne se passe, car les premières arrivées sont en réalité des figurant·es auxquel·les l’artiste française Carole Douillard a demandé de faire semblant d’attendre (The Waiting Room). FAIRE UN FAUX FAUX. En 2008 à Paris, l’artiste franco-algérien Fayçal Baghriche installe devant le musée du Louvre un mannequin recouvert de tissu doré, ressemblant aux personnes qui imitent des statues afin de recueillir un peu d’argent auprès des touristes. Le simulacre réussit : des passant·es déposent des pièces de monnaie et se font photographier à côté de l’effigie. Manifestement, les touristes se satisfont de cette fausse fausse sculpture (Philippe). [ Voir aussi « annoncer », « changer d’identité », dans « démentir » : « faire un faux démenti [1] et [2] », « falsifier », « inverser les genres », « leurrer », « parodier des concours », « répondre en miroir » et « verbaliser des 4x4 »].

FAIRE LA FÊTE FAIRE UNE FÊTE SATIRIQUE. Au Moyen Âge en Europe, le carnaval véhicule parfois des messages protestataires. Ainsi à Romans en 1580, alors que les riches sont exemptés d’impôts, la foule moque ces privilèges lors de défilés parodiques. En réponse, les fortuné·es se déguisent à leur tour. Et massacrent des milliers de paysan·nes. FAIRE LA FÊTE DANS 15 M2. Le 27 janvier 2007, une dizaine de personnes membres du collectif Jeudi noir se rendent à la visite d’un studio parisien de 15 m2, proposé à la location à un prix qu’elles jugent exorbitant : 850 euros (85 % du salaire minimum). Une fois sur place, elles sortent une sono, des cotillons et du vin mousseux et se mettent à danser dans le logement exigu, sous les yeux de journalistes préalablement conviés. Cette action, parmi d’autres du même type, sera très médiatisée. FAIRE LA FÊTE SUR UNE AUTOROUTE. [ Voir « planter des arbres sur une autoroute »] FAIRE LA FÊTE DANS UNE CENTRALE NUCLÉAIRE. Le 12 octobre 2017, des personnes membres de l’association écologiste Greenpeace, désireuses de démontrer la vulnérabilité des sites nucléaires français, s’introduisent sur le site de la centrale de Cattenom, en Moselle, et tirent un feu d’artifice au pied d’une piscine de combustible usagé. Après deux minutes et trente secondes de spectacle, les militant·es sont arrêté·es par la police. [ Voir aussi « fêter »]

FAIRE FONDRE FAIRE FONDRE UN ICEBERG. En 2013, l’artiste franco-suisse Julian Charrière veut dénoncer les conséquences du réchauffement climatique. Pour cela, il se rend en Arctique, escalade un iceberg et, muni d’un chalumeau, entreprend de le faire fondre (The Blue Fossil Entropic Stories).  LAISSER FONDRE UN COMMUNISTE. En 1995 à Berlin, la statue du militant communiste allemand Ernst Schneller, exécuté par les SS en 1944, est retirée de son socle. En 2014, l’artiste d’origine serbe Dejan Marković la réinstalle, mais en sucre (Ideological Void : Ernst Schneller).

FAIRE GALOPER L’INFLATION. Le 7 novembre 1988, pour figurer l’hyperinflation que subit la Pologne, Krzysztof Skiba et quelques autres artistes se munissent de pancartes portant l’inscription « Inflation » et descendent en courant la principale rue de Łódź. La milice stoppe alors cette inflation galopante (Galloping Inflation).

FAIRE LA GRÈVE FAIRE LA GRÈVE DANS UNE NÉCROPOLE. Au XIIe siècle avant Jésus-Christ en Égypte, les ouvriers bâtissant des tombes de la vallée des Rois sont affamés. Ils décident de cesser le travail. Face à cette grève – la première connue des historien·nes –, les autorités rétabliront un approvisionnement régulier en blé. FAIRE UNE GRÈVE GÉNÉRALE. En théorie, une véritable grève générale provoquerait l’effondrement du capitalisme. Chiche ? FAIRE LA GRÈVE SUR LE TAS. [ Voir « occuper »] FAIRE LA GRÈVE DU ZÈLE. [ Voir « travailler trop »] FAIRE LA GRÈVE PROGRESSIVEMENT. À New York en 1914, lors d’une grève dans la confection, les ateliers s’arrêtent progressivement de travailler : celui des pantalons le premier jour, puis celui des gilets, ensuite celui des manteaux, etc. FAIRE LA GRÈVE DE LA FAIM [1]. En Irlande au Moyen Âge, la victime d’un délit peut venir jeûner sur le pas de la porte du présumé coupable, au risque de mourir de faim. Le code civil indique alors que l’accusé peut être tenu responsable de la mort du plaignant. FAIRE LA GRÈVE DE LA FAIM [2]. En 1878 à Saint-Pétersbourg, dans la forteresse Pierre-et-Paul, des révolutionnaires incarcérés entament une grève de la faim pour dénoncer leurs conditions de détention. Face à cette forme de lutte inédite, le directeur de la police déclare : « Qu’ils meurent, j’ai déjà commandé des cercueils pour eux tous. » Il périra poignardé dans la rue. FAIRE LA GRÈVE DU SEXE. Vers 1600, des femmes iroquoises se lancent dans la première rébellion féministe des futurs États-Unis : pour s’opposer aux guerres intempestives menées par les hommes, elles entament une grève du sexe et de la procréation, et demandent à décider elles-mêmes de faire la guerre ou non. Considérant qu’elles seules détiennent le secret de la reproduction, les hommes cèdent immédiatement à leurs revendications6. FAIRE UNE GRÈVE DES FEMMES7. Le 24 octobre 1975 en Islande, sachant que le salaire des femmes y est inférieur de 40 % à celui des hommes, le groupe féministe Redstockings appelle les Islandaises à cesser toute activité. Neuf sur dix se dispensent alors d’aller au travail, d’effectuer des tâches ménagères ou de s’occuper de leurs enfants. L’année suivante, une loi garantissant l’égalité des droits sera votée. Et, cinq ans plus tard, l’Islande sera le premier pays démocratique à être dirigé par une femme. FAIRE LA GRÈVE DU SOIN. En 1998, l’activiste et cinéaste sud-africain Zackie Achmat apprend qu’il est atteint du sida. Il refuse de prendre un traitement antirétroviral tant que tous les séropositifs de son pays n’y auront pas accès. Il acceptera finalement de se soigner en 2003, peu avant que le gouvernement n’annonce l’introduction de traitements anti-VIH dans les hôpitaux publics. FAIRE LA GRÈVE D’UNE MAIN. En 2011 en Australie, les ingénieur·es droitier·ères de la compagnie aérienne Qantas cessent d’utiliser leur main droite. Et déclarent ne pas compter la réemployer tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites.

FAIRE L’HOMME (OU LA FEMME) SANDWICH. Inventé à des fins publicitaires, le dispositif de l’homme – ou de la femme – sandwich sera utilisé en manifestation dès le XIXe siècle. Le 21 juillet 1908 à Hyde Park, lors du Women’s Sunday, la jeune Britannique Margaret Haig Thomas défilera ainsi, parmi 700 suffragettes et devant 300 000 personnes, en arborant une double pancarte.

FAIRE LÉVITER FAIRE LÉVITER LE PENTAGONE. Le 21 octobre 1967 à Washington, lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam, les activistes libertaires états-uniens Abbie Hoffman et Jerry Rubin entreprennent de faire léviter le Pentagone grâce à la force psychique de la foule. Mais, malgré les rites araméens et les chants tibétains, le siège du ministère de la Défense états-unien demeurera obstinément au sol8.

FAIRE PARLER FAIRE PARLER DES STATUES. Depuis le XVIe siècle à Rome, la statue antique dite de Pasquino (et dont le véritable sujet n’est pas bien établi) sert de support à des pamphlets satiriques. Chaque 25 avril, cette « statue parlante » exprime les doléances de la population, dénonce des injustices ou critique la mauvaise gouvernance des autorités.

FAIRE PARTICIPER [ Voir « faire faire »]

FAIRE SE PERCUTER FAIRE SE PERCUTER DEUX SYMBOLES. Le 4 juillet 1975, le groupe d’architectes états-uniens Ant Farm provoque la collision de deux emblèmes de l’Amérique triomphante : une Cadillac et un mur de télévisions (Media Burn). FAIRE SE PERCUTER DEUX AVIONS. En 1970, l’artiste belge Jacques Charlier organise une collision aérienne : quinze avions arrivant de la gauche en rencontrent quinze autres venant de la droite. Mais sans faire de victimes, car ce sont des images envoyées par la poste (Sans titre, Caravelle, no 10).

FAIRE RIRE FAIRE RIRE LES TURCS. En 1994, l’artiste danois Jens Haaning diffuse, à l’aide de haut-parleurs, des blagues turques dans les rues d’Oslo. Les blagues étant prononcées dans leur langue d’origine, seule la minorité turque peut les comprendre (Turkish Jokes). FAIRE RIRE DANS TOUTES LES LANGUES. Dans les années 2020, l’artiste d’origine marocaine Younes Baba-Ali récolte des blagues tournant en dérision la police auprès de nombreuses communautés d’origine étrangère présentes à Bruxelles. Après quoi un policier s’entraîne à les prononcer dans leur langue d’origine, puis circule dans la capitale avec son véhicule de fonction, en les déclamant à l’aide de son haut-parleur (Sirens)9. FAIRE RIRE D’UN CHEF DE GOUVERNEMENT. En Inde en 1992, Nanjunda Swamy, un ancien député et défenseur des petits exploitants agricoles de l’État du Karnataka, invite ces derniers à se rassembler devant le siège du pouvoir et à se raconter des blagues sur leur chef de gouvernement despotique : M. Bangarappa. À la suite d’une profusion de jeux de mots, la simple prononciation au mégaphone de ce patronyme fait s’esclaffer la foule10. Ne constatant aucun délit, la police – habituellement brutale – ne peut intervenir. Par la suite, le ridicule restera associé à l’image du gouvernant, qui quittera bientôt ses fonctions.

FAIRE SONNER FAIRE SONNER SON TÉLÉPHONE. Le 13 juillet 2011, alors que la Biélorussie subit un régime autoritaire depuis 1994 et que tout rassemblement contestataire y est interdit, plusieurs centaines de personnes se retrouvent à Minsk et font sonner leur téléphone à 20 heures, afin, disent-elles, d’inviter la population à un réveil démocratique. La police les sonnera. FAIRE SONNER DES TÉLÉPHONES. En septembre 2000 à Helsinki, l’artiste français Claude Closky tente de perturber les visiteurs et visiteuses d’un musée, en diffusant des sonneries de téléphone portable. Flop. Au pays de Nokia, les mélodies Ericsson sont inconnues (GSM). FAIRE SONNER LES ALARMES. En 2015, l’artiste français Stéphane Bérard réalise une « étoffe chantante », contenant des puces à circuits imprimés RFID. Toute personne vêtue de ce tissu fait ainsi sonner les alarmes en entrant ou en sortant d’un magasin (Singing Fabric).

FAIRE TAIRE UNE RENGAINE. À Noël, dans les centres commerciaux suédois, la chanson sirupeuse Last Christmas du groupe Wham! interprétée par George Michael est diffusée en boucle. Pour lutter contre ce fléau, les Suédois·es Hannah et Tomas Mazetti lancent en 2022 une souscription en vue d’en racheter les droits, d’enfouir l’enregistrement original parmi des déchets nucléaires et de libérer ainsi l’humanité de cette insupportable scie. Le couple ne réunira que 100 000 dollars sur les 15 millions requis.

FAIRE UN TIERS. De 2006 à 2009, l’artiste français Yann Vanderme fait 33 % de toutes sortes de choses : il fait couper 33 % de ses cheveux, voit 33 % d’un film, compose 33 % d’un numéro de téléphone, etc. (Faire les choses à 33 %).

FAIRE TÉLÉPHONER AU HASARD. En 2006, l’artiste néerlandais Martijn Engelbregt installe à l’entrée du Parlement des Pays-Bas un téléphone conçu pour appeler aléatoirement les citoyens du pays. Les parlementaires peuvent ainsi commodément les interroger sur toutes sortes de choses (Hotline to the People).

FAIRE TRAVAILLER FAIRE TRAVAILLER DES VISITEURS. En 2007, la Bulgarie rejoint l’Union européenne. Grâce à sa main-d’œuvre bon marché, elle peut produire du made in UE à moindre coût. Mais, peu à peu, ses travailleurs émigrent vers l’ouest. Pour y remédier, l’artiste zurichois Roland Roos profite d’une exposition qu’il présente en Suisse pour proposer à des visiteurs ou visiteuses de partir en vacances dans une usine textile bulgare. Cinq volontaires partiront y travailler gracieusement (Import/Export). FAIRE TRAVAILLER DES TOURISTES. En 2019, désireuse de rendre les touristes utiles, l’artiste tchèque Kateřina Šedá installe une caravane dans un site touristique norvégien et propose cet hébergement aux voyageurs en échange de services rendus : transport de meubles, aide aux personnes âgées, nettoyage de plages, etc. (Something for Something). [ Voir aussi « recruter »]

FAIRE VISITER FAIRE VISITER UN SITE CONTAMINÉ. Depuis l’installation d’une usine chimique au début des années 1950 par Royal Dutch Shell, les personnes résidant à Diamond en Louisiane sont exposées à des pollutions qui nuisent à leur santé. Luttant pour être relogées, elles organisent des actions en justice et des visites guidées. En 1993, un bus permet ainsi aux touristes de découvrir les quartiers contaminés.  FAIRE VISITER UNE EXPOSITION ABSENTE. En 2012, une exposition dans une ancienne coutellerie à Châtellerault est annulée faute de financements. L’artiste français Arnaud Cohen effectue alors une visite guidée des lieux, en présentant les œuvres absentes (Espaces augmentés)11. FAIRE VISITER UNE VILLE SURVEILLÉE. En 1999, l’artiste français Renaud Auguste-Dormeuil organise une visite guidée, en minibus, des caméras de vidéosurveillance parisiennes (Mabuse Paris Visit Tour). [ Voir aussi « enseigner l’évitement » et « orienter dans une ville surveillée »] FAIRE VISITER UNE VILLE DEPUIS UN CAMION. En 2006 à Avignon, le collectif théâtral allemand Rimini Protokoll invite des spectateurs et spectatrices à monter dans un camion et à s’assoir dans les gradins qui y sont installés. Alors que le camion démarre, des images de Sofia et de la Bulgarie leur sont projetées. L’écran se lève, pour découvrir une baie vitrée ouverte sur les lieux traversés. Guidé par la voix du conducteur, puis témoin de performances qui surgissent dans l’espace public, le public est ainsi immergé dans une ville-documentaire (Cargo Sofia-X).  FAIRE VISITER DES QUARTIERS NORMAUX. En 1968 à New York, l’East Village est souvent traversé par des cars de touristes venant, depuis leur banlieue, y observer les hippies. En réponse, l’artiste et activiste Joey Skaggs loue un car et invite une soixantaine d’amis chevelus et autres frangines libérées à venir observer des Américains normaux dans leur banlieue (Hippie Bus Tour to Queens). FAIRE VISITER DES LIEUX ORDINAIRES. De 1994 à 2021, le duo d’artistes français Dector & Dupuy propose des visites guidées de lieux non touristiques. Ils attirent l’attention de leur auditoire sur des particularités architecturales, des traces ou des détritus et exposent ce que ces détails révèlent : phénomènes sociaux, économiques, politiques ou intimes.

FALSIFIER FALSIFIER SON IDENTITÉ. En Europe, durant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de personnes juives tentent d’échapper aux persécutions nazies en vivant sous une fausse identité. Ainsi, la jeune Hongroise Eva Billiczer prend le nom de Maria Vince, apprend des prières chrétiennes et se mêle même à des conversations antisémites. Cette falsification lui permettra de survivre. FALSIFIER SA PHOTOGRAPHIE D’IDENTITÉ. En 2017, l’artiste français Raphaël Fabre fait refaire sa carte d’identité. Mais, au lieu de fournir une photo d’identité normale, il remet à l’administration un autoportrait réalisé à l’aide d’un logiciel de 3D. Face au réalisme de cette image, les agents n’y voient que du feu. L’artiste est donc, à la suite de cela, représenté par son avatar (CNI). [ Voir aussi « échanger des identités » et « faire un faux »]

FEINDRE FEINDRE LE POUVOIR. Durant la colonisation française, chez le peuple gabonais des Bapunu, le poste de chef de village reconnu par les autorités coloniales est confié à un homme de paille. Le véritable détenteur du pouvoir traditionnel s’occupe ainsi des affaires de la communauté en toute discrétion. FEINDRE LA CÉLÉBRITÉ. Le 19 novembre 1971, le célèbre couple formé par John Lennon et Yoko Ono arrive au Festival annuel d’Avant-garde de New York. La foule acclame pourtant la venue d’un autre couple, quasi inconnu : les artistes Charlotte Moorman et Joey Skaggs. L’enthousiasme de ces figurant·es, recruté·es pour l’occasion, suscite la perplexité des badauds. FEINDRE LA NOBLESSE. Le 7 janvier 1765 à Neuilly-sur-Seine, alors que le vagabondage est prohibé, Frédéric Mayer est suspecté d’être un clochard. Il déclare aux autorités s’être fait voler son argent, son chapeau brodé d’or, son habit gris à boutons blancs et sa veste écarlate boutonnée d’argent. Mais sa chemise, trop ordinaire, le trahira. FEINDRE DE GRAFFITER. En avril 2006, les autorités états-uniennes apprennent, effarées, que l’avion présidentiel a été tagué clandestinement. Sur une vidéo postée sur Internet par le graffeur et styliste Marc Ecko, on voit en effet une personne écrire « Still free » sur un réacteur de l’Air Force One. Mais l’Amérique sera bientôt rassurée : la vidéo est un faux, réalisé à l’aide d’un Boeing loué pour l’occasion12.  FEINDRE L’INAPTITUDE. En France en 1818, les soldats sont recrutés par tirage au sort. Pour y échapper, de nombreuses recrues feignent l’inaptitude : claudication, bégaiement, surdité, épilepsie, etc. Au risque d’être sanctionnés comme simulateurs13. Cet art de la comédie sera ensuite beaucoup pratiqué par les appelés au service militaire. FEINDRE LA FOLIE. Au XVIIe siècle en Europe, alors que les bouffons disparaissent des cours royales, certaines personnes expriment des idées contestataires et radicales en simulant la démence. Et, ainsi, ne sont pas poursuivies. FEINDRE LA LENTEUR. Dans les colonies françaises en Afrique, de nombreuses personnes soumises au travail forcé se montrent volontairement inefficaces. La discrétion de cette tactique, qui se coule dans le stéréotype colonial de l’indolence des racisé·es, la rend moins sanctionnable qu’un refus net de travailler14. FEINDRE LA VIE. En 1972 à Buenos Aires, un homme déjeune d’un repas simple dans un restaurant et s’en va sans payer. Au serveur qui le retient, il déclare : « J’avais faim. » Les autres personnes présentes débattent alors sur la légalité, la désobéissance, le coût de la vie, etc. Elles ignorent que l’affamé est un acteur qui jouait pour le premier « théâtre invisible », une forme de spectacle conçue par le metteur en scène brésilien Augusto Boal, consistant à glisser une représentation dans la vie, sans le dire, afin de susciter des débats. [ Voir aussi, dans « travailler » : « faire semblant de travailler »]

FÉMINISER FÉMINISER L’ARMÉE (PROPOSER DE). En juin 1791 à Paris, la révolutionnaire féministe Olympe de Gouges propose à l’Assemblée nationale, créée depuis peu, d’instituer une garde nationale féminine. En vain. FÉMINISER L’ISLAM. En 2009 à Casablanca, l’artiste marocaine Ghita Skali monte sur un toit et fait, à l’aide d’un haut-parleur, un appel à la prière.  FÉMINISER DES RUES. Le soir du 7 mars 2019 à Paris, alors que seules 2 % des rues françaises portent des noms de femmes, le collectif militant #NousToutes colle, sous des plaques de rue, 1 400 fausses plaques portant des noms de femmes célèbres ou victimes de féminicides. Certaines sont sans nom, en hommage aux victimes anonymes. FÉMINISER LE HARCÈLEMENT. [ Voir « harceler les hommes » et « pincer les fesses des hommes »]

FENDRE FENDRE UNE MAISON. Au printemps 1974 dans le New Jersey, l’artiste états-unien Gordon Matta-Clark découpe en deux une maison destinée à la destruction, puis incline de 5 degrés l’une des deux moitiés. La lumière qui s’introduit par la fente transforme le bâtiment en cadran solaire inversé (Splitting).

FÊTER FÊTER L’ANNIVERSAIRE D’UN TROU. Le 19 août 2019, les habitant·es du Kram, près de Tunis, fêtent l’anniversaire d’un grand trou obstruant la principale avenue de la ville. Au son d’une fanfare, les riverain·es se réjouissent ainsi ironiquement de la longévité de ce chantier que la municipalité semble avoir oublié. FÊTER LA FERMETURE DE SON COMPTE EN BANQUE. En 2012, après avoir versé 23 milliards d’euros à la banque Bankia pour la sauver de la faillite, le gouvernement espagnol retire 20 milliards d’euros aux budgets de la santé et de l’éducation. Des personnes furieuses se rendent alors chez Bankia pour y fermer leurs comptes. À Madrid, l’une d’elles a la surprise d’être joyeusement accueillie par un groupe d’activistes qui lui fêtent la fermeture de son compte par une nouba endiablée. [Voir aussi « faire la fête »]

FEUILLETONNER FEUILLETONNER UN CANULAR. Au début des années 1990, pendant la guerre du Golfe, des communiqués trompeurs sont adressés aux habitant·es d’Osnabrück en Allemagne : on leur annonce qu’ils doivent aller retirer leurs masques à gaz à la mairie, se porter volontaires pour des actions suicides en Irak ou prendre connaissance des travaux d’élargissement du cimetière. La mairie finit par démentir ces annonces et prier ses administrés de coopérer avec les enquêteurs chargés d’élucider l’affaire. Mais ce démenti est, lui aussi, un faux. [ Voir aussi « démentir » et « polluer une communication »]

FILIGRANER FILIGRANER LE MONDE [1]. Les banques d’images proposent une énorme quantité de photographies. Tant que l’on ne paye pas le droit de les utiliser, ces clichés demeurent marqués par un filigrane. En 2013, à Mons en Belgique, l’artiste français Mathieu Tremblin reproduit fidèlement, sur un mur, l’un de ces filigranes. Et suggère ainsi que le monde visible appartient déjà à l’entreprise concernée (Watermark).  FILIGRANER LE MONDE [2]. À partir de 2014, l’artiste d’origine mexicaine Geraldine Juárez adopte un procédé similaire : elle place ce même filigrane sur des miroirs. Et nous procure ainsi la désolante sensation de vivre dans une publicité (Getty Images).

FILMER FILMER LA POLICE. Dans les années 1980 aux États-Unis, les membres de l’association activiste Act Up surveillent la police à l’aide de caméras, afin de dénoncer ou de prévenir leurs comportements homophobes. [ Voir aussi « surveiller la police »] Par la suite, l’apparition des caméras numériques, puis celle des téléphones permettant de filmer faciliteront cette surveillance et l’enregistrement des bavures par des militant·es ou de simples témoins. Ainsi, en 2020 aux États-Unis, une vidéo prise par un téléphone portable montrera la mort par étouffement de l’Afro-Américain George Floyd et confirmera l’existence d’une violence policière et raciste. SE FAIRE FILMER PAR LA POLICE. En 2004, alors que Liverpool dispose du plus grand système de vidéosurveillance d’Angleterre, l’artiste états-unienne Jill Magid demande aux policiers qui pilotent les caméras de la filmer durant trente et un jours en suivant ses indications (Evidence Locker). FILMER DANS UN MAGASIN IKEA. Dans les magasins Ikea, les meubles sont disposés de manière à reconstituer des intérieurs. En 2001, le collectif français Bad Beuys Entertainment tourne discrètement, dans plusieurs de ces décors, une parodie de série télévisée. Seul indice pour les spectateurs et spectatrices vigilant·es : la présence des étiquettes des articles. FILMER LE COUCHER DU SOLEIL. En 1997 à Beyrouth, un officier des services de renseignement de l’armée libanaise est chargé de surveiller, à l’aide d’une caméra, la promenade de bord de mer. Mais, se lassant d’observer les personnes qui passent, il prend l’habitude de filmer le soleil se couchant sur les flots15. [ Voir aussi « montrer la réalité »]

FLEURIR FLEURIR DES TOMBES. En France, durant la Première Guerre mondiale, des centaines de soldats sont fusillés sans procès pour avoir désobéi, s’être mutilés ou avoir déserté. Il sera interdit de fleurir leurs tombes. De nombreuses personnes – compagnons d’armes ou pacifistes – braveront cependant cet interdit. FLEURIR UNE TOMBE. Le 26 août 1970 à Paris, le Mouvement de libération des femmes (MLF) effectue sa première action. Un groupe de neuf militantes se rend au pied de l’Arc de triomphe pour déposer une gerbe de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu, à l’intention de son épouse. La police empêchera cet hommage à cette femme « plus inconnue que le Soldat inconnu ». [ Voir aussi « porter une fleur »]

FONDER FONDER UNE RÉPUBLIQUE PIRATE. À la fin du XVIIe siècle sur l’île de Madagascar, des pirates fondent « Libertalia », une colonie multiculturelle et communautaire, dans laquelle l’argent est aboli. Mais on ignore si elle a bel et bien existé. FONDER UNE RÉPUBLIQUE DES ENFANTS. En 1895, l’homme d’affaires états-unien William Reuben George fonde, près de New York, une « Junior Republic », dans laquelle il recueille des adolescent·es ou enfants à la dérive. Ces filles ou garçons y élisent leurs représentant·es, frappent leur monnaie, édictent leurs lois et s’occupent de leurs tribunaux, journaux, radios ou commerces. Mais doivent se soumettre à la devise « Rien sans travail ». FONDER UNE VILLE LIBRE. Le 26 septembre 1971 à Copenhague, des activistes libertaires danois·es fondent, sur un terrain militaire désaffecté, la ville libre de Christiania. Cette micro-nation autogérée sera tolérée par les autorités jusqu’à sa normalisation complète, en 2013. FONDER UN VILLAGE DE FEMMES. Dans le nord du Kenya, des centaines de femmes, accusées d’apporter la honte sur leur communauté, car violées par des soldats britanniques de 1970 à 2003, sont répudiées par leurs maris et bannies de leur village. En 1990, plusieurs fondent Umoja, un village interdit aux hommes. Elles y prohibent l’excision et les mariages forcés. Et instaurent une démocratie participative.

FOUETTER FOUETTER DES EFFIGIES. Au début du XVIIIe siècle, lors d’un carnaval, des comparses du bandit parisien Cartouche promènent une charrette de mannequins représentant les forces de l’ordre, afin de permettre aux badauds de les fouetter à satiété.

FRANCHIR FRANCHIR LE RIDEAU DE FER. À partir de 1946, l’Europe de l’Est, communiste, est progressivement isolée du reste du continent. Malgré cela, des milliers de citoyen·nes parviennent, par toutes sortes de moyens, à franchir ce « rideau de fer ». Ainsi, le soir du 15 septembre 1979, les familles est-allemandes Strelzyk et Wetzel embarquent à bord d’une montgolfière de fortune, s’élèvent à 2 000 m et, grâce à un vent favorable, rejoignent l’Occident capitaliste. FRANCHIR UN MUR. Au XIXe siècle, à Ruremonde aux Pays-Bas, la catholique Josephina van Aefferden épouse le protestant Jacob van Gorcum, malgré la ségrégation confessionnelle. Pour autant, la loi leur interdit d’être enterré·es dans le même cimetière. Josephina fait donc placer leurs tombes de part et d’autre du mur séparant les deux cimetières, et fait surgir des sépultures deux mains sculptées qui se joignent au-dessus de la paroi.  FRANCHIR UNE AVENUE. En juin 1995, dans un quartier de Guangzhou en construction, l’artiste chinois Lin Yilin traverse une avenue en déplaçant devant lui, brique par brique, un mur qu’il a placé en travers de la circulation. Après quelques heures, il parvient de l’autre côté (Safely Maneuvering across Lin He Road). FRANCHIR UN GOUFFRE. Le matin du 7 août 1974 à New York, le funambule français Philippe Petit franchit, en marchant sur un câble qu’il a tendu clandestinement avec des complices, les 61 m qui séparent les sommets des deux tours du World Trade Center, hautes de 417 m. Après avoir fait, sans sécurité, quatre allées et venues, s’être allongé et avoir salué, il est arrêté par la police. Il sera inculpé pour « inconduite notoire », puis condamné à effectuer un spectacle pour enfants dans Central Park (Le Coup). [ Voir aussi « envoyer un homme au-dessus d’une frontière » et « multiplier les identités »]

FRATERNISER FRATERNISER AVEC L’ENNEMI. En août 1968 à Prague, alors que des chars soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie pour réprimer la libéralisation en cours, des citoyen·nes tchèques accueillent les soldats pacifiquement, discutent avec eux et les font douter de la légitimité de leur mission. Leurs supérieurs se voient obligés de les remplacer.

Freinage : voir « ralentir la production [1] et [2] »

FUIR FUIR L’ESCLAVAGE. Dès le XVIe siècle, des esclaves fuient leur asservissement pour se regrouper en communautés libres et clandestines. Ainsi, au Brésil, le Quilombo dos Palmares, fondé vers 1600, résistera pendant près d’un siècle aux expéditions militaires hollandaises et portugaises, et réunira plus de 30 000 membres. FUIR LE TRAVAIL FORCÉ. Au Sénégal, durant la colonisation française, des villages entiers se vident de leurs habitant·es, qui veulent échapper au travail imposé et, pour beaucoup, se rendre dans les colonies britanniques, où les conditions de travail sont réputées meilleures.

G

GASPILLER GASPILLER LA PRODUCTION. En usine, la pratique du « coulage » consiste à freiner la production par le gaspillage ou le vol. Dans les années 1940, dans les pays occupés par les nazis, le coulage est pratiqué dans les usines qu’ils contrôlent. Ainsi, en France, dans la manufacture d’armes de Tulle, l’excès de pièces mises au rebut par les ouvriers et ouvrières fait que seules 500 pièces de mitrailleuse seront livrées, sur les 4 000 commandées.

GIFLER GIFLER MICKEY. Le 4 juillet 1991, alors que les États-Unis ont attaqué l’Irak pour défendre le Koweït (et leurs intérêts pétroliers), l’artiste allemand Hans Winkler se rend à la fête de l’Indépendance à Anaheim en Californie et demande à une personne déguisée en Mickey de signer un document l’autorisant à la gifler. Après l’avoir fait, il s’enfuit au Mexique (p.t.t.red1 à Disneyland). GIFLER UNE STATUE [1]. Dans les années 1990 à Lattaquié en Syrie, Jamil Lala relève un défi : pour 500 livres syriennes, il brave la surveillance de la garde militaire et gifle une statue du dictateur Hafez el-Assad, qui dirige le pays, puis s’enfuit en courant. L’insolent combattra par la suite Bachar el-Assad, fils et successeur du tyran statufié, en devenant commandant dans l’Armée syrienne libre. GIFLER UNE STATUE [2]. Le 18 novembre 2018, à Minsk en Biélorussie, un adolescent gifle une statue du maire de la ville. À la suite de quoi il est arrêté par la police, qui lui demande de présenter des excuses au monument.

GLORIFIER GLORIFIER DES INCONNUS. À partir de 1971, alors que d’immenses portraits de Marx ou de Lénine sont affichés dans les villes des pays de l’Est, l’artiste yougoslave Braco Dimitrijević expose, sur des façades de bâtiments occidentaux, d’immenses portraits d’inconnus croisés dans la rue (série Casual Passerby). GLORIFIER DES VISITEURS. En juin 2009, lors du vernissage d’une exposition en Caroline du Nord, l’artiste états-unienne Nina Katchadourian recueille quelques informations auprès des personnes présentes, puis demande à un célèbre commentateur sportif d’annoncer leur présence à l’aide d’un haut-parleur. Elles ont alors la surprise de s’entendre présentées comme des célébrités (We Are Proud to Present). GLORIFIER UN TRAÎTRE. En 2013, Edward Snowden dévoile le système de surveillance généralisé mis en place par les États-Unis. À la suite de cette révélation, il est poursuivi pour haute trahison et doit se réfugier en Russie. Dans la nuit du 5 au 6 avril 2015, les artistes états-uniens Andrew Tider et Jeff Greenspan installent clandestinement un buste du lanceur d’alerte sur une stèle dans un parc new-yorkais. Dans les heures qui suivent, le buste est retiré par la police. Mais cet acte, consistant à faire de ce « traître » un héros, est largement relayé par la presse (Prison Ship Martyrs’ Monument 2.0)2. GLORIFIER UN ÂNE. Au Moyen Âge en Europe, lors de la « fête des fous », on n’honore pas le Christ mais l’âne qu’il est supposé avoir chevauché lors de son entrée à Jérusalem.

GONFLER GONFLER UN BALLON DANS LE MÉTRO. En 1979 à New York, l’artiste états-unienne Ann Messner emprunte un métro bondé et gonfle doucement un volumineux ballon, obligeant les personnes autour d’elle à libérer de l’espace pour l’air de ses poumons, comprimé dans cette baudruche malpolie (Balloon).

GREFFER GREFFER UNE MAIN. À la fin du XIXe siècle, alors que le roi Léopold II règne brutalement sur le Congo belge, de nombreux Congolais sont punis en ayant la main coupée. Le 22 décembre 2006 à Ostende, le collectif belge Manifestement intervient sur un monument à la gloire du funeste monarque, en greffant une main blanche sur le bras d’un personnage noir, précédemment amputé par d’autres activistes [ Voir « couper une main »]. Par ce geste, le collectif entend soutenir le projet de rattachement de la Belgique au Congo. [ Voir « demander le rattachement de la Belgique au Congo »] GREFFER DES ARBRES. Par souci de propreté et pour éviter les glissades, les arbres fruitiers qui ornent les rues des villes occidentales ne donnent généralement pas de fruits. Mais, depuis 2011, les Guerrilla Grafters greffent des branches fructifères aux pruniers, poiriers ou pommiers. Et rendent ainsi possible une petite cueillette quelques années plus tard. SE GREFFER UNE PLANTE. En 2000, l’artiste chinois Yang Zhichao se fait planter, sans anesthésie, deux petites touffes d’herbe dans le dos. Lequel rejettera le greffon (Planting Grass).

H

S’HABILLER S’HABILLER MUTUELLEMENT. Dans l’utopie saint-simonienne, la fraternité est une valeur cardinale. Vers 1830 à Paris, les personnes membres de cette communauté portent des gilets qui se boutonnent dans le dos. Ainsi, elles ne peuvent s’habiller sans se porter assistance. HABILLER DES STATUES. À partir de 2012, en Espagne, en Colombie ou aux États-Unis, l’artiste d’origine colombienne Iván Argote place clandestinement des ponchos sur des statues de conquérants. En dépit de leur responsabilité dans le décès de millions d’autochtones, Charles Quint, Christophe Colomb ou Isabelle la Catholique se voient ainsi affublés de chaleureux costumes traditionnels (Turistas). [ Voir aussi « être nu », « mettre un voile », « porter un vêtement » et « se travestir »]

HACKER [ Voir « pirater »]

HANTER HANTER COPENHAGUE. Parti d’Afrique, le dieu Moko a traversé l’Atlantique, juché sur ses échasses, pour veiller sur ses fidèles réduit·es en esclavage. Parvenu aux Caraïbes, il devient Moko Jumbie (Moko le Fantôme), une figure de carnaval. En 2022 à Copenhague, l’artiste danoise aux origines caribéennes Jeannette Ehlers fait rôder un Moko Jumbie entre des édifices construits avec l’argent de l’esclavage (Moko Is Future).

HARCELER HARCELER LES HOMMES. En 1970, l’écrivaine et universitaire états-unienne Karla Jay organise à Wall Street une manifestation durant laquelle les femmes renvoient aux hommes leur façon de s’adresser à elles : elles les interpellent, les flattent, les sifflent, etc. [ Voir aussi « pincer les fesses des hommes » et « suivre les hommes »]

HÉBERGER. Au XVIIIe siècle en France s’amorce le contrôle des étrangers. En juin 1772 à Bordeaux, le portefaix Pierre Bernon, dit l’Espérance, héberge, sans les déclarer, des migrant·es venu·es de Touraine, de Saintonge ou du Languedoc. Son sens de l’hospitalité lui vaudra une amende.

HISSER HISSER UN DRAPEAU ROUGE. Jusqu’au XVIIIe siècle en Europe, hisser un drapeau rouge signifie que l’on ne fera pas de quartier. Le 16 avril 1797, révoltés par leurs mauvais traitements et salaires, des marins britanniques se mutinent dans le Spithead (embouchure de la Tamise). Ils hissent alors des drapeaux rouges sur leurs navires. Et préfigurent ainsi l’emblème du mouvement ouvrier1. HISSER UN DRAPEAU TRANSPARENT. En 2008, l’artiste belge Edith Dekyndt fait flotter dans le ciel de New York un drapeau apatride, car parfaitement transparent (One Second of Silence (Part 01, New York)). [ Voir aussi « brandir »]

I

Imposture : voir « corriger un livre » et « usurper »

INAUGURER INAUGURER UN TUNNEL. En 1993 à Berlin, le Bureau des mesures exceptionnelles pose la première pierre d’un tunnel Berlin-Timișoara. Selon ce collectif d’activistes, cette liaison directe (et improbable) entre la Roumanie et l’Allemagne permettra de faciliter le respect du droit d’asile. INAUGURER UN FAUX CENTRE SPORTIF. En 2016, la ville tunisienne de Sfax annonce qu’un grand centre sportif va y être construit. Quelques années plus tard, l’équipement n’a toujours pas vu le jour. Des associations organisent alors l’inauguration d’un faux centre sportif : dans un vaste terrain vide, quelques objets suggèrent l’existence de terrains de foot, de salles de boxe ou de piscines. INAUGURER DES POINTS DE VUE. À partir de 1998, l’artiste d’origine suisse Jean-Daniel Berclaz organise des « vernissages de points de vue ». Il invite des personnes à se placer devant un paysage, pour le contempler et échanger leurs points de vue. [ Voir aussi « inviter à regarder »]

INCLINER INCLINER UN DRAPEAU. Aux yeux de l’artiste israélien Itay Zalait, la démocratie de l’État hébreu menace de s’effondrer. En 2018, il hisse donc clandestinement, sur l’emblématique place Yitzhak Rabin, un drapeau israélien en haut d’un mât. Incliné. Ce qui déplaira aux autorités (Flagpole). INCLINER UNE STATUE. En 2022, la ville de Vienne lance un appel à projet pour la « contextualisation » du monument à la gloire de Karl Lueger, ancien maire et antisémite notoire. L’artiste autrichien Klemens Wihlidal propose alors une intervention minimale : incliner le monument de 3,5 degrés, afin d’en saboter discrètement la dignité. Le projet sera retenu (Schieflage (Karl Lueger 3,5°)).

INFILTRER INFILTRER POUR ENQUÊTER. À partir des années 1960, le journaliste allemand Günter Wallraff adopte de nombreuses identités pour enquêter en immersion : il se fait passer pour un étudiant à la recherche d’un logement, pour un alcoolique interné dans un hôpital psychiatrique, pour un ouvrier turc travaillant dans l’industrie ou dans la restauration ou pour un fournisseur de napalm proposant ses produits à l’armée américaine. [ Voir aussi « se travestir en soldat »] INFILTRER DISNEYLAND [1]. Dans les années 1990, un inconnu se rend à Disneyland, va aux toilettes et s’y déguise en schtroumpf. Une fois ressorti, il est rapidement appréhendé et expulsé par des agents de sécurité qui lui déclarent : « Nous ne voulons pas de schtroumpf ici. » INFILTRER DISNEYLAND [2]. En 2009, l’artiste finlandaise Pilvi Takala se rend à Disneyland déguisée en Blanche-Neige. En dépit du succès qu’elle rencontre auprès des enfants, les services de sécurité lui en interdisent l’entrée. Ils arguent qu’elle pourrait être confondue avec la « vraie » Blanche-Neige qui travaille dans le parc (Real Snow White).  INFILTRER UNE ARMÉE DE TERRE CUITE. Le 16 septembre 2006, l’artiste allemand Pablo Wendel se rend en Chine sur le site de « L’armée de terre cuite », cet ensemble de plus de huit mille soldats d’argile datant du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Après s’être costumé et maquillé pour ressembler à ces statues, il se place, immobile, entre deux d’entre elles. Bien que faisant parfaitement illusion, il est repéré par des visiteurs qui alertent les gardiens1. Lorsque ceux-ci s’emparent de lui pour l’interroger, il demeure muet et rigide. Il est alors exfiltré hors du site, sans se départir de sa posture statufiée. N’ayant rien abîmé, l’artiste sera libéré après une leçon de morale (Terracotta Warrior). INFILTRER DES COMPÉTITIONS CYCLISTES. En 2003, alors qu’il a 38 ans, l’écrivain et critique d’art français Jean-Charles Massera se réconcilie avec sa passion d’adolescent : la course cycliste. Il intègre un club, ne gagne aucune compétition, mais réussit à se faire sponsoriser comme coureur artiste. INFILTRER DES IMAGES D’ACTUALITÉ. En 2000, un individu inconnu apparaît dans de nombreuses photos illustrant des articles du quotidien local suisse Neue Luzerner Zeitung. Des lecteurs mécontents appellent leur journal pour dénoncer ce parasitage de leurs informations de proximité. L’artiste suisse Gianni Motti cesse alors ses apparitions – réalisées avec l’aide d’un photographe complice – pour aller infiltrer d’autres journaux (Review). INFILTRER IKEA. En novembre 2018, deux Lituaniens facétieux (Erikas Mališauskas et Guintaré Petchkité) se rendent dans un magasin Ikea et s’amusent à retirer toutes les photographies présentes dans les cadres, pour y placer des photographies personnelles. INFILTRER DES SOUVENIRS. De 2014 à 2016, les artistes français·es Émilie Brout & Maxime Marion s’attardent régulièrement sur des sites touristiques, dans l’espoir d’apparaître sur les photos des touristes. Les deux artistes font ensuite des recherches en ligne et parviennent, grâce aux métadonnées de date et de localisation, à retrouver plusieurs de ces images. Ces trouvailles confirment que leur but est atteint : elle et lui se sont glissé·es dans les souvenirs des autres (Ghosts of Your Souvenir). INFILTRER UNE SÉRIE TÉLÉVISÉE. En 2015, la saison 5 de la série américaine Homeland est tournée à Berlin. Pour les décors, des graffitis en arabe sont requis. Trois graffeurs sont donc recrutés : l’artiste égyptien Heba Y. Amin, le graphiste et chercheur d’origine égyptienne Caram Kapp et le graffeur, auteur et éditeur allemand Don Karl. Ils réalisent alors des graffitis exprimant leur désaccord avec l’idéologie de la série, à l’insu de la production, incapable de lire l’arabe. Une fois la série diffusée, les spectateurs et spectatrices peuvent apercevoir des inscriptions qui déclarent : « Homeland est raciste » ou « Il n’y a pas de homeland ». Le trio se fera appeler The Arabian Street Artists. INFILTRER LA SEMAINE DE LA MODE. En 2005, le collectif italien Chainworkers introduit le défilé d’une styliste fictive dans le programme de la Semaine de la mode à Milan. Le 26 février sont ainsi présentés des vêtements qui ne sont pas à vendre mais qui racontent la précarité des travailleurs et travailleuses de la mode : salopette réversible qui se transforme en pyjama pour pouvoir dormir sur son lieu de travail, costume multifonctions pour celles et ceux qui cumulent un emploi dans un centre d’appels et dans un fast-food, corset qui permet aux femmes de cacher leur grossesse aux employeurs, etc. INFILTRER L’ÉCONOMIE. [ Voir « écrire sur des billets » et « écrire sur des pièces de monnaie »]

INQUIÉTER. Un matin de 2007, dans des quartiers résidentiels de Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler perfore des panneaux de signalisation à l’aide d’un outil de sa fabrication. Et suggère ainsi que d’insoupçonnées fusillades ont brisé la quiétude viennoise (Perforation cal. 10 mm).

Insolence : voir « répondre ».

INSTAURER UN RITUEL. En 2003, l’artiste français Pierre Huyghe organise un événement dans un lotissement neuf près de New York. Ce Streamside Day, qui comprend une parade d’enfants déguisés, un concert et des discours, est censé inaugurer une coutume propre à ce lieu sans passé.

INSULTER INSULTER SES MAÎTRES. Certaines traditions permettent que des griefs refoulés soient adressés aux dominants. Ainsi, les chants entonnés lors de la récolte chez les Dogons, les fêtes propitiatoires dans le sud de l’Inde ou les carnavals européens peuvent être l’occasion d’insultes cathartiques. En Inde, dépasser les bornes peut cependant valoir à un locuteur d’avoir la langue coupée. INSULTER GRÂCE À DES CHIENS. En Birmanie, comparer une personne à un chien errant est une grave insulte. En 2007, des militants anonymes attachent, au collier de chiens vagabonds, des photos de généraux au pouvoir. Furieuses, les autorités tenteront aussitôt d’attraper les irrespectueux canidés. [ Voir aussi « recruter des chats »]

INTERVERTIR INTERVERTIR DES LETTRES. En 1968, les ouvriers et ouvrières qui occupent l’usine Berliet à Vénissieux modifient son enseigne, en intervertissant les lettres. BERLIET devient ainsi LIBERTE. INTERVERTIR DES NOMS DE RUE. En 2011, l’artiste allemand Christian Jankowski échange les plaques de deux rues de Francfort. La populaire Ahornstraße (rue de l’Érable) devient ainsi la cossue Annastraße (rue Anna). Et inversement (Verzogen/Moved). INTERVERTIR DES VŒUX. En décembre 1986, un·e anonyme intervertit les vœux enregistrés par Helmut Kohl pour la télévision allemande. Le soir du 31 décembre 1986, sur la chaîne ARD, le chancelier souhaite ainsi à ses compatriotes, avec un an de retard, « une paisible et heureuse année 1986 ». INTERVERTIR DES VOIX. Peu avant Noël 1993, le collectif Barbie Liberation Organization2 achète trois cents poupées Barbie et G.I. Joe pour les modifier et les remettre en magasin. La modification consiste à intervertir les voix, si bien que, une fois les jouets achetés, les enfants ont la surprise d’entendre le viril G.I. Joe s’exclamer, d’une voix légère, « J’adore faire du shopping avec toi ! » et la gracile poupée répéter inlassablement, d’une voix rugueuse, « I want to kill you ! ». INTERVERTIR LES GENRES. En 2016, l’artiste italienne Daniela Comani présente, dans une vitrine à Rome, des livres dont les titres ont subi des permutations de genre : Monsieur Bovary, La Femme sans qualités, L’Idiote, etc. (A New Bookstore) [ Voir aussi « échanger »]

INTRONISER INTRONISER UN FOU. En Europe, dans le carnaval médiéval, la coutume veut qu’un bouffon soit intronisé roi. Il moque alors le pouvoir, tout en sachant qu’il sera ensuite désintronisé et copieusement battu.

INVERSER INVERSER LES HIÉRARCHIES. Dans la Rome antique, durant les saturnales, les maîtres servent les esclaves. Mais ça ne dure que le temps de la fête. INVERSER LES GENRES. Le 9 février 1893, la suffragette canadienne Amelia Yeomans organise à Winnipeg un faux Parlement, dans lequel les rôles sont inversés : les femmes siègent et détiennent le droit de vote, tandis que les hommes cherchent, en vain, à l’obtenir. INVERSER LA PRODUCTION. En février 2001, l’artiste britannique Michael Landy fait subir à la totalité de ses biens un processus industriel inversé : dans un ancien magasin, ses 7 227 objets circulent sur des tapis roulants afin que des ouvriers s’en emparent et les détruisent méthodiquement (Break Down). [ Voir aussi « détruire »] INVERSER UNE INSTRUCTION. En 1967, les autorités allemandes déclarent qu’il doit y avoir un policier pour surveiller cinquante manifestant·es. Le 13 juin, lors d’une manifestation à Berlin, les étudiant·es inversent cette consigne : cinquante personnes en suivent une, de manière à bien la surveiller.

INVESTIR DES CANDIDAT·ES INVESTIR UNE RHINOCÉROS. En octobre 1959, lors des élections municipales de São Paulo, le candidat ayant reçu le plus de voix est une femelle rhinocéros. Environ 100 000 personnes, mécontentes de l’offre électorale, ont en effet inscrit sur leur bulletin le nom de Cacareco, une pensionnaire du zoo de la ville. La périssodactyle décédera trois ans plus tard d’une néphrite aiguë, sans avoir eu l’occasion de siéger3. INVESTIR UN COCHON. Le 23 août 1968, le Youth International Party (composé notamment des activistes libertaires Dennis Dalrymple, Abbie Hoffman et Jerry Rubin) propose comme candidat démocrate à la présidence des États-Unis le cochon Pigasus. Ils demandent que, comme tout candidat légitime, il soit protégé par les services secrets américains et suive des séances d’information sur la politique étrangère de la Maison-Blanche. Peu après, Pigasus sera confisqué par la police de Chicago. S’INVESTIR SOI-MÊME. En France, les femmes ne pourront voter ou être candidates qu’à partir de 1944. La socialiste et féministe Jeanne Deroin se présentera pourtant aux élections législatives de 1849. Cette initiative symbolique lui vaudra d’être moquée dans la presse et déconsidérée par sa propre famille politique. INVESTIR TOUT LE MONDE. Affligé par les candidats aux élections états-uniennes de 2000, l’artiste californien Lowell Darling invite toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à se porter candidat·es et met pour cela à leur disposition des formulaires à remplir. Huit ans plus tard, il recommencera, en invitant les Européen·nes à tenter leur chance aux élections états-uniennes, car, selon lui, « la politique américaine est trop importante pour être laissée aux seuls Américains ». N’INVESTIR PERSONNE. En 1976 aux États-Unis, lors des élections présidentielles, l’activiste excentrique Wavy Gravy lance la campagne « Nobody for President ». Selon lui, cette candidature de « Personne » est idéale, puisque « Personne ne devrait avoir trop de pouvoir » (« Nobody should have too much power ») et que « Personne n’est parfait » (« Nobody’s perfect »).

INVITER INVITER DES ARISTOCRATES. En 1993, en pleine social season (la saison des bals et rencontres aristocratiques), l’artiste anglais Jeremy Deller adresse d’élégantes invitations à de jeunes sangs-bleus, pour les convier chez les Chelsea Smilers, un groupe de supporters de foot. INVITER À UN ENTERREMENT. En 1999, le journaliste et réalisateur états-unien Michael Moore invite une mutuelle américaine à l’enterrement de l’une de ses assuré·es, décédée car elle n’a pas voulu payer la transplantation de son pancréas. À la suite de cette action (médiatisée dans une émission télévisée), la compagnie d’assurance décidera de couvrir toutes les greffes de pancréas de ses client·es. INVITER À REGARDER. En mai 2009, l’artiste thaïlandais Rirkrit Tiravanija adresse des cartes postales attirant l’attention sur des disques orange présents dans les rues d’Auckland. Les destinataires sont ainsi invité·es à considérer comme des œuvres d’art ces éléments de signalisation habituels (Untitled (Pay Attention)). [ Voir aussi « inaugurer des points de vue »] INVITER À DES EXPOSITIONS QUI N’EXISTENT PAS. De 1998 à 1999 en France, de nombreuses personnes reçoivent des cartons d’invitation à des expositions imaginaires. Très plausibles, ces invitations sont envoyées à l’insu des galeries ou institutions concernées et sont parfois accompagnées d’un courrier présentant comme fallacieuses les véritables expositions. Huit ans plus tard, le collectif d’artistes français Ultralab™ déclarera être l’auteur de cette imposture parodique. [ Voir aussi, dans « montrer » : « ne rien montrer »]  S’INVITER. À partir de 1970, l’artiste roumain André Cadere se promène avec ses œuvres, intitulées Barres de bois rond. Et les dépose dans des expositions auxquelles il n’est pas invité. [ Voir aussi « usurper sa présence dans une exposition [1] et [2] »]

INVALIDER INVALIDER DES BILLETS. Dans les années 1990, le duo d’activistes RTMark (futurs Yes Men) suggère de payer à des machines automatiques avec des billets de banque sur lesquels est tamponnée la mention « spécimen non valide ». [ Voir aussi « écrire sur des billets »]

ISOLER ISOLER UN HOMME. Chez les Kom, dans le nord-ouest du Cameroun, les femmes punissent les hommes fautifs (de viol, d’inceste ou d’offense envers les femmes) en pratiquant l’anlu : elles les isolent et leur font honte par différents moyens (propos grossiers, accoutrement en homme, nudité, etc.)4. L’humiliation ne prend fin que lorsque le coupable promet de ne pas récidiver et paye une amende. À partir de 1958, de nombreuses Camerounaises pratiqueront un anlu collectif, perturbant les tribunaux, écoles ou marchés, jusqu’au départ du parti patriarcal au pouvoir. [ Voir aussi « suivre les hommes »]

J

JETER JETER DES SOUTIENS-GORGE. Le 7 septembre 1968 à Atlantic City, pour protester contre l’élection de Miss America, qu’elles jugent misogyne, des féministes jettent dans une « poubelle de la liberté » des accessoires de beauté : fers à friser, gaines, soutiens-gorge, etc. JETER DE L’ARGENT DANS LA MER. [ Voir, dans « dépenser » : « tout dépenser »] JETER DE L’ARGENT DEPUIS UN HÉLICOPTÈRE (PROPOSER DE). La politique économique consistant à verser de l’argent directement aux citoyen·nes, notamment pour lutter contre la récession, est appelée « monnaie hélicoptère ». En 2000 en Italie, invité à créer une œuvre pour une exposition à Pescara, l’artiste français Matthieu Laurette propose de jeter, depuis un hélicoptère, le budget qui lui est confié. Refus (The Helicopter Project/The Money Rush). JETER DE L’ARGENT PAR LES FENÊTRES. En 1999 à Berlin, le metteur en scène, réalisateur et performeur allemand Christoph Schlingensief est invité à faire une action lors d’une soirée réunissant au Reichstag des donateur·rices de la fondation culturelle de la Deutsche Bank. L’action qu’il propose consiste à récolter auprès d’elles et eux 100 000 marks pour financer un projet de théâtre à destination de la jeunesse en Yougoslavie (alors ravagée par la guerre). Il précise que, si la somme n’est pas réunie, l’argent collecté sera jeté depuis le balcon. L’action, intitulée Sauvez le capitalisme – Jetez l’argent par les fenêtres, est finalement annulée à la demande de la directrice de la fondation. JETER SES PAPIERS. [ Voir « détruire ses papiers »] TOUT JETER PAR LES FENÊTRES. Afin de se tourner vers l’avenir, les Napolitain·es avaient la coutume, lors du nouvel an, de jeter leurs objets hors d’usage par la fenêtre. JETER DIEU. En 1962 à Nice, l’artiste franco-suisse Ben, considérant que Dieu est partout, y compris dans une boîte en carton, jette Dieu dans la mer, avec sa boîte (Jeter Dieu à la mer). [ Voir aussi « lancer »]

JETER UN SORT JETER UN SORT À WALL STREET. En 1968, le jour d’Halloween, le groupe féministe WITCH (Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell) se rend à Wall Street pour y jeter un sort. Le lendemain, le Dow Jones connaît une forte baisse. JETER UN SORT À DONALD TRUMP. Le 24 février 2017, un appel est adressé à toutes les « sorcières » des États-Unis. Des milliers de féministes se réclamant de la « résistance magique » lancent alors un sort au président Donald Trump, pour qu’il ne fasse aucun mal… ou échoue complètement.

JEÛNER [ Voir « faire la grève de la faim [1] et [2] »]

JOUER JOUER DANS UN MAGASIN NIKE. Le groupe d’« anarchi-tectes » The Space Hijackers propose sur son site, entre autres actions, de jouer au Nike British Bulldog, un jeu qui se pratique aux heures d’affluence dans un magasin Nike. Pour y jouer, il faut former deux équipes, chacune placée d’un côté du magasin. Au signal, chacune doit rejoindre l’équipe adverse. Au milieu, un « Bulldog » attrape le plus grand nombre de joueurs possible. Chaque coureur intercepté par ce chasseur change de camp et se met à son tour à pourchasser les autres. C’est alors que le service de sécurité s’efforce d’intercepter les perturbateurs, et se joint involontairement au jeu. JOUER AUX ÉCHECS AVEC UN VIGILE. En 2012 à Londres, un membre du collectif d’artistes suisses !Mediengruppe Bitnik pirate le signal d’une caméra de vidéosurveillance. À l’image filmée se substituent un plateau d’échecs et le numéro de téléphone de l’artiste. La personne qui surveille l’écran est ainsi invitée à l’appeler pour commencer à jouer (Surveillance Chess). JOUER AU FOOT SANS BALLON. De 2014 à 2017, l’État islamique occupe la ville de Mossoul en Irak et y interdit la pratique du football. Les enfants mossouliotes contournent alors l’interdit des djihadistes, en y jouant quand même, mais sans ballon. [ Voir aussi « reconstituer un match »] CALMER LE JEU. En 2006, l’artiste états-unien Steve Lambert crée Simmer Down Sprinter, un jeu d’arcade qui, grâce à des capteurs, mesure le niveau de stress des joueur·ses. Dans ce « jeu de relaxation compétitif », qui consiste à faire courir un sprinter le plus vite possible, c’est la personne la plus détendue qui gagne. JOUER POUR PERDRE. En 2011, le collectif d’artistes français RYBN lance son propre algorithme de boursicotage sur les marchés financiers. Pourvu d’un capital initial de 12 000 euros, le programme est conçu pour spéculer jusqu’à ce qu’il fasse banqueroute. En 2023, il estimait avoir encore vingt-quatre ans à vivre (ADM8). JOUER SA VIE. En 1997, le journaliste anglais Ben Marshall entreprend, pour un article, de jouer sa vie aux dés durant trois mois1. Il proposera à sa fiancée de devenir strip-teaseuse, développera une addiction à la drogue et perdra son emploi. [ Voir aussi « reconstituer un match »]

JOUER DE LA MUSIQUE JOUER DU TAMBOUR. En octobre 1956 au Japon, des prêtres bouddhistes participent à des manifestations contre un projet d’aéroport à Tachikawa en frappant sur leurs tambours. Leur vacarme, qui rivalise avec celui des avions, deviendra un emblème du mouvement. Le projet d’aéroport, quant à lui, sera annulé. JOUER DE LA TROMPETTE AVEC UNE MOTO. En 2003, l’île de Vieques au sud de Porto Rico cesse d’être un terrain militaire états-unien. Pour célébrer cette libération, un activiste portoricain prénommé Homar parcourt l’île à moto, au son d’une trompette greffée à son pot d’échappement (Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla, Returning a Sound). JOUER EN SILENCE. En 1977, le pianiste argentin Miguel Ángel Estrella est arrêté et torturé pour son opposition à la dictature. Il résiste alors mentalement à l’incarcération en continuant à jouer : d’abord sur une table en pierre, puis sur un piano muet, obtenu grâce à des soutiens diplomatiques. Libéré en 1980, il s’exilera en France. Un disque intitulé La Musique en prison fera découvrir au public la Partita no 2 en do mineur de Bach ou La Tempête de Beethoven, interprétées par Estrella sur un piano sans cordes. JOUER LIBREMENT. En 1968, le groupe de rock psychédélique allemand Amon Düül applique ses idées libertaires à sa musique : pas de leader, pas de compositeur, et joue qui veut. Face à cette musique improvisée et sans style (ses interprètes changent constamment), certains musiciens font scission et forment le groupe Amon Düül II, avec la conviction, rétrograde, qu’il faut des compétences pour faire de la musique. [ Voir aussi « chanter »]

JOUER UN SPECTACLE JOUER POUR INFORMER. À partir de 1919 en URSS, des spectacles intitulés « journaux vivants » sont interprétés dans des clubs, des cafétérias ou des usines et s’adressent aux analphabètes de manière satirique, pour leur transmettre des nouvelles. Et de la propagande. JOUER POUR LES VOYAGEURS. En 1970 en Angleterre, les artistes britanniques Roland Miller et Shirley Cameron se placent, avec des étudiants, en bordure d’une voie ferrée et interprètent un spectacle destiné aux passagers des trains (Lookout). JOUER MALGRÉ TOUT. Dans les années 1940, dans de nombreuses villes d’Europe, les personnes juives sont enfermées dans des ghettos par les nazis. Avoir une vie intellectuelle intense est alors une forme de résistance à cette humiliation. Elles créent ainsi clandestinement des bibliothèques, des théâtres et même, à Theresienstadt, un opéra. [ Voir aussi « feindre la vie », « juger une effigie », « transformer un abribus en théâtre » et « transformer une HLM en palace »]

JUGER JUGER UNE EFFIGIE. Le 1er février 2011, place Tahrir au Caire, des révolutionnaires, souhaitant que le président Hosni Moubarak soit arrêté et jugé pour ses crimes, fabriquent des pantins à son image et les soumettent à des simulacres de procès. Après quoi deux Moubarak sont pendus, et le troisième déchiqueté. [ Voir aussi « brûler une effigie » et « pendre un portrait »] JUGER DES POLLUEURS. Le 25 septembre 2021, dans une exposition de l’artiste néerlandais Jonas Staal à Amsterdam, Unilever, ING, Airbus et l’État néerlandais sont jugés pour crimes climatiques. Le tribunal est composé de magistrat·es, de visiteur·ses, d’espèces disparues ou de fossiles d’ammonites (Court for Intergenerational Climate Crimes).  JUGER LA BIBLE. En 1924, dans une usine textile moscovite, la Bible tente de se défendre face aux accusations d’incohérence et d’invraisemblance qui lui sont faites. Mais, accablée par ses procureurs soviétiques, elle échouera et fera son autocritique. Éduquant ainsi le public de ce spectacle d’agitprop2.  JUGER L’EUROPE. Le 2 juin 2018 à Amsterdam, la curatrice néerlandaise Lara Staal et l’artiste d’origine somalienne Yoonis Osman Nuur organisent un procès dans lequel l’Europe comparaît pour avoir violé les droits humains en maltraitant les réfugié·es. Le public, bien qu’à la fois accusé et jury, la jugera coupable (Europe on Trial). JUGER LA FICTION. Le 7 octobre 2017 à Paris, le collectif curatorial Le Peuple qui manque organise un « procès de la fiction », où doit être jugée la coupable porosité entre les faits et l’imaginaire. À l’issue de sept heures de débat entre des dizaines d’écrivain·es, philosophes ou scientifiques, la fiction est déclarée « responsable mais pas coupable ».  JUGER LA MORT. Le 14 juillet 2017, les metteur·euses en scène néerlandais·es Eva Knibbe et Bart van de Woestijne organisent, dans le palais de justice d’Amsterdam, le procès de la mort. La grande faucheuse se voit reprocher son opacité, son insouciance ou sa propension à harceler les vivants. Le tribunal se déclarera incompétent (Rechtszaak tegen de dood). [ Voir aussi « acquitter », « attaquer en justice », « défendre » et « plaider l’hospitalité du droit d’auteur »]

K

KLAXONNER KLAXONNER PENDANT CINQ MINUTES. En Ouganda en 2011, les manifestations contre la hausse des prix sont brutalement réprimées. Le groupe Activists for Change invite donc la population à une forme d’action moins exposée : klaxonner ou siffler tous les soirs à 17 heures pendant cinq minutes. Le vacarme se fait ainsi entendre quotidiennement, notamment grâce aux personnes qui s’époumonent avec un sifflet depuis chez elles. FAIRE KLAXONNER DES OISEAUX. En 2001 dans une forêt tropicale, l’artiste états-unienne Nina Katchadourian entend un chant d’oiseau qu’elle prend pour un klaxon. En 2002 à New York, elle fait klaxonner des voitures avec des mélodies de sirènes typiques de la ville, mais faites de cris d’oiseaux (Natural Car Alarms).

L

LAISSER SA PLACE. À partir du 7 juin 1942 à Paris, les autorités allemandes imposent aux personnes juives et aux « nègres » de ne voyager que dans le dernier wagon des métros et laissent les autres libres de s’installer où bon leur semble. Cette année-là, Louise Lubliner, âgée de 15 ans, monte dans le wagon concerné, en portant son étoile jaune. À sa grande surprise, un vieil homme sans signe distinctif se lève pour lui laisser sa place.

LAISSER TOMBER LAISSER TOMBER LA TERRE. Le 2 juin 1969, l’artiste franco-suisse Ben coupe le fil qui relie la Terre à un ballon gonflé à l’hélium. Et prétend être entraîné dans sa chute (Couper le fil qui retient la Terre au ballon).

LANCER LANCER DES NAVETS. En 63 après Jésus-Christ à Hadrumetum1, Vespasien, alors gouverneur d’Afrique, est la victime du premier jet de nourriture attesté par les historien·es : la foule, mécontente, lui jette des navets. LANCER DES ŒUFS. Dans les années 1770, les prédicateurs venus prêcher le méthodisme dans l’île de Man sont accueillis, eux, par les premiers jets d’œufs pourris dont on ait connaissance. LANCER DES TOMATES. Au début du XVIIe siècle à Londres, dans le théâtre du Globe, les personnes désapprouvant les pièces de Shakespeare jettent, dit-on, des tomates sur les comédien·nes. Sauf que, vérification faite, les tomates ne seront cultivées en Angleterre que cinquante ans plus tard. Mais alors, que jetait-on ? Mystère. LANCER DES PAVÉS. Le 3 mai 1968, boulevard Saint-Michel à Paris, un premier pavé est lancé par un manifestant sur un brigadier. De nombreux autres suivront. Mais lors des révolutions parisiennes du XIXe siècle, les insurgé·es utilisaient les pavés pour édifier des barricades et préféraient envoyer, sur les forces de l’ordre, les balles de leurs fusils. LANCER DES PAVÉS GONFLABLES. Le 1er mai 2012 à Berlin, les manifestant·es envoient de volumineux pavés gonflables sur les forces de l’ordre. Les policiers doivent alors jongler de façon burlesque avec ces baudruches avant de parvenir à les dégonfler. LANCER SES CHAUSSURES. Le 14 décembre 2008, lors d’une conférence de presse à Bagdad, le journaliste irakien Mountazer al-Zaïdi lance ses chaussures sur George W. Bush, alors président des États-Unis, et déclare : « C’est pour les veuves et les orphelins et tous ceux tués en Irak ! » Aucune chaussure n’atteint le président, mais ce geste, profondément insultant dans la culture arabe, vaudra au lanceur d’être longuement torturé, puis condamné à trois ans de prison. Après avoir purgé sa peine, il s’exilera au Liban. [ Voir aussi « entarter »]

LANCER UNE RUMEUR LANCER UNE RUMEUR AU MEXIQUE. En 1997, avec l’aide de trois complices mexicains, l’artiste d’origine belge Francis Alÿs fait circuler dans une ville du sud de Mexico l’histoire d’une « personne qui aurait quitté l’hôtel la veille pour aller marcher mais ne serait pas revenue ». Grâce à l’imagination populaire, l’anecdote s’étoffe rapidement, si bien que le personnage fictif acquiert une physionomie, un sexe et un âge. Au bout de trois jours, la police diffuse une affiche de la personne disparue (The Rumour). LANCER UNE RUMEUR NEW-YORKAISE. Le 24 mars 1992, la presse états-unienne apprend que, tous les cinq ans, le gagnant d’une loterie donnera son nom au pont de Brooklyn et que la vente des billets financera l’entretien du monument. La nouvelle fait scandale, la presse mondiale s’en fait l’écho et un journal italien propose d’en faire autant avec le Ponte Vecchio à Florence. Il s’agit pourtant d’un canular, lancé par l’artiste et activiste états-unien Joey Skaggs. LANCER UNE RUMEUR PRINCIÈRE. En 1966 aux Pays-Bas, à l’occasion du mariage de la princesse Beatrix, le groupe libertaire des Provos lance plusieurs rumeurs : des substances hallucinogènes seraient mises dans l’eau potable d’Amsterdam, les chevaux des carrosses royaux recevraient des morceaux de sucre avec du LSD, etc. [ Voir aussi « enfumer un mariage royal »] LANCER UNE RUMEUR MÉDIATIQUE. Entre décembre 1995 et avril 1996, à Viterbe en Italie, le collectif anonyme Luther Blissett dépose de nombreux indices (graffitis, objets divers, puis enregistrement vidéo) suggérant l’existence de messes noires. Sur la base de ces maigres éléments, la presse locale puis nationale s’alarme de ces pratiques satanistes. Le collectif dévoilera la supercherie, visant à démontrer la crédulité médiatique. LANCER UNE RUMEUR SUR SOI-MÊME. En mars 1981 à Amsterdam, l’artiste mexicain Ulises Carrión lance, avec l’aide de complices, une rumeur au sujet de lui-même. Trois mois plus tard, il révèle, lors d’une conférence, qu’il ne faut pas écouter ces ragots (Gossip, Scandal and Good Manners).

LEURRER LEURRER LA POLICE. En 2000, la Serbie est dirigée par un pouvoir autoritaire et nationaliste. Des membres du mouvement étudiant Otpor, sachant que leurs conversations téléphoniques sont écoutées, évoquent alors, par téléphone, le lieu et la date d’une livraison de publications contestataires. Le jour venu, la police surgit. Et saisit, faute de mieux, des colis vides. LEURRER (MALGRÉ SOI) UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE. Le 23 novembre 2018, la femme d’affaires chinoise Dong Mingzhu leurre involontairement le système de reconnaissance faciale présent dans la ville de Ningbo. Celui-ci, ayant repéré son visage sur une publicité affichée sur un bus en circulation, lui dressera une amende pour avoir traversé la rue en dehors d’un passage piéton. LEURRER LES MOTEURS DE RECHERCHE. À partir des années 2000, les moteurs de recherche en savent beaucoup sur les internautes grâce à l’observation de leurs requêtes en ligne. En 2006, les chercheur et chercheuse états-uniens Daniel Howe et Helen Nissenbaum mettent au point « TrackMeNot », un outil permettant de perturber cette surveillance par l’ajout de nombreuses recherches fictives. Ainsi, si une personne s’intéresse aux problèmes d’érection, ses recherches seront noyées parmi d’autres, portant sur l’éducation des chihuahuas, la physique quantique ou le débouchage des éviers. [ Voir aussi « se cacher derrière un nom », « embouteiller Berlin », « faire un faux »]

LEVER LE POING LEVER UN POING ANTIFASCISTE. Dans les années 1920, en réponse au salut fasciste, l’organisation communiste allemande Roter Frontkämpferbund (Union des combattants du Front rouge) invente le symbole du poing levé, signe de révolte, de force et de solidarité. Il sera mondialement repris. LEVER UN POING GANTÉ DE NOIR. Le 16 octobre 1968 à Mexico, lors des jeux Olympiques d’été, les sprinters afro-américains Tommie Smith et John Carlos remportent respectivement les médailles d’or et de bronze à l’épreuve du 200-mètres. Une fois sur le podium, alors que retentit l’hymne national états-unien, ils dressent chacun un poing ganté de noir, en signe de protestation contre la condition des Noirs aux États-Unis. Ce non-respect du caractère apolitique de l’événement leur vaudra d’être exclus à vie des jeux Olympiques. LEVER UN POING GANTÉ DE BLANC. À la fin du XIXe siècle, tandis que le roi Léopold II impose son règne brutal au Congo belge, de nombreux Congolais sont punis en ayant la main coupée. Le 17 décembre 2015, après que la ville de Bruxelles a renoncé à commémorer les cent cinquante ans de l’intronisation de l’impitoyable monarque, des manifestant·es se rassemblent au pied de sa statue et rendent hommage à ses victimes, en brandissant leurs poings gantés de blanc.

SE LEVER TÔT. En 2007, durant la campagne présidentielle française, le candidat Nicolas Sarkozy déclare représenter « la France qui se lève tôt ». Un collectif, se faisant appeler « La France qui se lève tôt », organise alors des manifestations bruyantes à Paris vers 6 h 30 du matin. Elles seront largement relayées par les médias, intrigués par cet horaire insolite.

LIBÉRER LIBÉRER DES OURS. Depuis Shakespeare2, l’ours symbolise la Russie. Le 1er mai 1982, alors que la Pologne subit l’emprise de la Russie soviétique, des activistes du mouvement Alternative Orange se rendent dans un zoo, entonnent joyeusement des airs communistes et réclament la libération des ours. La police les enfermera. LIBÉRER DES NAINS DE JARDIN. En France, de 1996 à 2009, le Front de libération des nains de jardin procède à l’enlèvement de nombreux gnomes décoratifs. Ceux-ci sont ensuite libérés en forêt, laquelle est, selon les ravisseurs, leur milieu naturel. LIBÉRER UN CRABE. Le 29 octobre 2022, des membres du mouvement artistique perturbationiste se rendent dans le rayon « poissonnerie » d’un supermarché près de Nancy et retirent un crabe vivant de son vivier. Après l’avoir prénommé Michelle, ils le conduisent en Bretagne et le plongent, encore vivant, dans l’océan. LIBÉRER UN MENDIANT. Dans une ville ayant posé un arrêté anti-mendicité, l’artiste français Laurent Lacotte dépose par terre, à côté de quelques pièces, une pancarte en carton semblant avoir été confectionnée par un sans-abri. On peut y lire : « Je suis absent. Appelez le 06 21 85 97 72 si besoin. » (Office). LIBÉRER UN BANC. En 2017 à Prague, un banc public a pour dossier un panneau publicitaire. L’artiste français Mathieu Tremblin le place à l’écart, sur une paire de poteaux. Et rend ainsi au banc sa fonction exclusive de banc (Separation).

LIRE. Les gardiens de musée n’ont pas le droit de lire. L’artiste français Laurent Marissal parviendra pourtant, de mars 1997 à août 1998, alors qu’il est gardien au musée Gustave-Moreau à Paris, à lire soixante-deux livres, dont Le Capital de Karl Marx, La Fin du travail de Jeremy Rifkin ou Le Droit à la paresse de Paul Lafargue. Il se tiendra pour cela dans un angle mort des caméras de surveillance.

LIVRER LIVRER DU SABLE. Le 9 avril 2015 à Tokyo, Yasuo Yamamoto, un militant antinucléaire japonais, place du sable ramassé à Fukushima dans une petite bouteille qu’il accroche à un drone. Il pilote ensuite l’engin, chargé du sable supposément radioactif, pour le faire atterrir devant les bureaux du Premier ministre japonais, Shinzo Abe. Il sera condamné à deux ans de prison.

LOUER LOUER SA PARTICIPATION À UNE BIENNALE. En 1993, l’artiste italien Maurizio Cattelan est invité à participer à la Biennale d’art de Venise. Il indique que son œuvre sera composée d’un panneau de 2,7 x 5,8 m, puis le loue comme espace publicitaire (Lavorare è un brutto mestiere). SE LOUER. Dans les années 1990, l’artiste français Éric Madeleine, dit made in eric, se loue en tant qu’objet fonctionnel. Il devient alors chaise, table basse ou garage à vélo. Invariablement nu.

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MANGER MANGER DE LA SOUPE. Durant la colonisation française d’Haïti, la soupe joumou est réservée aux propriétaires des plantations. Mais, grâce au soulèvement des esclaves, le pays gagne son indépendance le 1er janvier 1804. Depuis, à chaque nouvel an, les Haitien·nes célèbrent cette victoire en buvant de la « soupe joumou ». MANGER DE LA TÊTE DE VEAU. En France, tous les 21 janvier, des milliers de républicain·es célèbrent l’anniversaire de la décapitation de Louis XVI en mangeant de la tête de veau1. À Saint-Denis notamment, le plat est dégusté aux abords de la basilique, pendant que les nostalgiques de la monarchie y assistent à une messe en hommage au souverain raccourci. MANGER GRAS. Le 10 avril 1868 à Paris, l’écrivain français Charles-Augustin Sainte-Beuve invite Gustave Flaubert, Ernest Renan et quelques autres à venir manger « gras » chez lui. Cette consommation de viande un Vendredi saint (jour supposé de la mort du Christ) fera scandale dans les milieux catholiques. Par la suite, une tradition de « banquets gras » anticléricaux s’instituera chez les libres-penseurs. MANGER AU RESTAURANT. Le 27 février 1960, à Nashville aux États-Unis, des étudiant·es noir·es s’habillent avec soin et vont s’installer dans des restaurants réservés aux personnes blanches. Les intrus·es se laissent alors molester et arrêter par la police. Aussitôt après, d’autres étudiant·es prennent la relève. Trois mois plus tard, face à la persistance de cette lutte pacifique, le maire abolira la ségrégation dans les restaurants. MANGER DANS LA RUE. En 1966 à Nice, l’artiste franco-suisse Ben s’attable au milieu d’une avenue, s’y fait servir un repas et le consomme malgré la circulation (Manger autrement). MANGER DU SANG HUMAIN. Le 6 novembre 1969, l’artiste français Michel Journiac se travestit en prêtre et célèbre, dans une galerie parisienne, une messe en latin. Lors de la communion, le public et lui-même consomment, en guise d’hosties, des boudins que l’artiste a cuisinés avec son propre sang (Messe pour un corps). MANGER LA LOI. En 1539 à Gand, les habitant·es se révoltent contre les impôts exigés par leur roi. Le 3 septembre, le parchemin fixant cette exigence est déchiré et ingurgité. MANGER DES EXCRÉMENTS. En 2017, dans l’État indien du Tamil Nadu, des paysans victimes d’une violente sécheresse dénoncent une aide insuffisante du gouvernement central et signifient leur état de dénuement en mangeant de la viande de rat, de la chair de serpent et des excréments humains. En vain. MANGER N’IMPORTE QUOI. Il arrive, en prison, que certains détenus avalent délibérément des objets ou des fragments d’objets afin de se faire entendre de l’administration. Un chirurgien de l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, en banlieue parisienne, a raconté avoir fait de nombreuses découvertes en radiographiant les abdomens de ces « avaleurs ». Dans l’estomac le plus lourd (3,8 kg), il a trouvé des boulons, des fragments de boîtes de bière et des lames de rasoir. [ Voir aussi « cuisiner » et « proposer modestement »]

MANIFESTER. MANIFESTER PACIFIQUEMENT. En Europe au XIXe siècle, la pratique des marches protestataires pacifiques se développe. Ainsi, dans les années 1840 en Irlande, l’indépendantiste Daniel O’Connell, constatant l’impasse de la lutte armée contre la puissance britannique, organise des rassemblements non violents. Des centaines de milliers de personnes participent à ces monsters meetings2. MANIFESTER LENTEMENT. [ Voir « ralentir une manifestation »] MANIFESTER VITE. De 1983 à 1990, sous la dictature militaire au Chili, le mouvement Sebastián Acevedo3 organise des manifestations éclair. Ces rassemblements, qui visent à dénoncer les détentions illégales, ne durent que cinq à sept minutes, leurs participant·es se dispersant systématiquement avant l’arrivée de la police. MANIFESTER EN SILENCE. Le 28 juillet 1917 à New York, après que des dizaines de personnes noires ont été tuées lors de lynchages, environ 10 000 Afro-Américain·es défilent silencieusement sur la Cinquième Avenue. Mais en vain : la législation anti-lynchage, promise par le président Wilson lors de sa campagne électorale, ne verra pas le jour. Et la discrimination raciale s’aggravera aux États-Unis. MANIFESTER EN NOIR. Le 16 août 1819 à St Peter’s Field à Manchester, la cavalerie anglaise charge une manifestation pacifique et tue dix-huit personnes. Le mois suivant, les personnes défilant pour commémorer ce « massacre de Peterloo » seront en tenues de deuil. MANIFESTER DANS LE CANIVEAU. À Londres, au début du XXe siècle, les suffragettes qui défilent ou distribuent des tracts sur les trottoirs sont régulièrement arrêtées par la police pour obstruction de la voie publique. Afin d’échapper à cette répression, elles se tiennent ou manifestent alors dans le caniveau. MANIFESTER DE TOUTES SORTES DE FAÇONS. En août 1789, de nombreux cortèges expriment leur adhésion à la révolution : parades de milices marchant au pas, processions de paroissiennes armées de pain bénit, cohortes d’aides-boulangers qui demandent du travail ou défilés de domestiques réclamant des droits de citoyens. [ Voir aussi « brandir »]

MARCHER MARCHER À CONTRE-SENS. En 1931, l’artiste et architecte brésilien Flavio de Carvalho remonte à contre-courant une procession du Corpus Christi à São Paulo. Scandalisée par cet outrage, la foule des croyant·es s’apprête à le lyncher. Le performeur est finalement sauvé par la police.  MARCHER VERS SON TRAVAIL. En avril 2011 en Ouganda, le groupe Activists for Change appelle la population à se rendre au travail à pied plutôt qu’en voiture, afin de protester contre la forte hausse des prix, dont ceux des carburants. La répression de ces manifestations walk to work sera brutale : neuf morts et de nombreux blessés. Le mouvement se tournera vers d’autres formes d’actions. [ Voir aussi « klaxonner pendant cinq minutes »]

SE MARIER SE MARIER ENTRE FEMMES. Née en Irlande vers 1830, Ellen Tremayne passe la majeure partie de sa vie sous une identité masculine. Sous le nom d’Edward De Lacy Evans, elle sera charretier, mineur, forgeron et laboureur, et épousera successivement trois femmes. VIVRE MARITALEMENT. En Europe et aux États-Unis, autour de 1800, la vie conjugale de deux femmes est tolérée sous le nom d’« amitié romantique » ou de « couple bostonien ». Ainsi, au pays de Galles, Eleanor Butler et Sarah Ponsonby vivront ensemble durant cinquante et un ans, partageant une relation qualifiée alors de « plus tendre encore que l’amitié ». Mais, à la fin du XIXe siècle, cette parenthèse prendra fin. La science qualifiera ces femmes d’« inverties » ou de « perverses ». MARIER DEUX HOMMES. Le 5 juin 2004, Noël Mamère, maire de Bègles près de Bordeaux, brave la loi française en mariant deux hommes. L’édile sera suspendu de ses fonctions durant un mois, et le mariage annulé. Neuf ans plus tard, la loi française autorisant le mariage entre deux personnes de même sexe sera votée. SE MARIER AVEC TROIS HOMMES. En 2010 en Turquie, dans un village du sud de l’Anatolie, l’artiste turque Şükran Moral reproduit, en miroir, ce qui s’y pratique couramment : un mariage polygame. Dans cette performance filmée, elle se marie ainsi avec trois jeunes hommes de 18 ans (Married with Three Men). SE MARIER TOUS LES ANS. À partir de 2005, alors que le mariage homosexuel est interdit dans leur pays, les artistes états-uniennes Annie Sprinkle et Elizabeth Stephens défient la loi en célébrant chaque année une nouvelle noce. Par la même occasion, elles s’unissent aux éléments naturels : la terre, la mer, le charbon… SE MARIER SELON LA TRADITION. En 2013 à Johannesbourg, deux hommes, Thoba Calvin Sithole et Tshepo Cameron Modisane, célèbrent leur union selon la coutume zouloue : danse avec lance et bouclier, sacrifice rituel d’un taureau, etc. Tandis que, en Afrique du Sud, le mariage homosexuel est légal depuis 2006, cette noce traditionnelle contrariera le roi des Zoulous. SE MARIER POUR ÉVITER LA GUERRE. En 1793, pour défendre la jeune République française, un recrutement massif de soldats est décidé. Certains citoyens, peu enclins à l’héroïsme révolutionnaire, se marient aussitôt pour en être dispensés.

MASSER MASSER DES SCULPTURES. En 2017 à Yokohama, l’artiste allemand Christian Jankowski demande à des masseuses japonaises de diagnostiquer les maux des sculptures publiques et de les masser afin d’améliorer leur chi. La Méditation de Rodin bénéficie ainsi d’un massage des pieds (Massage Masters).

SE MASTURBER (DONNER L’IMPRESSION DE). Le 10 mai 1979 à Zagreb, alors que le président Tito effectue une visite officielle, l’artiste d’origine yougoslave Sanja Iveković se tient sur un balcon dominant le passage du cortège. Assise un livre à la main, elle fait de discrets gestes suggérant qu’elle se masturbe. Bien qu’invisible du public, cet acte intime est jugé inacceptable par les autorités. Un policier se présente donc chez elle et lui demande de quitter son balcon (Triangle).

MAUDIRE MAUDIRE LA GUERRE. Après la Première Guerre mondiale, des dizaines de milliers de monuments sont érigés à la mémoire des combattants décédés. En France, ils glorifient l’héroïsme et le patriotisme des soldats. Hormis quelques-uns. Ainsi, en 1922, à Gentioux-Pigerolle, le conseil municipal retient une proposition pacifiste : devant un enfant sculpté qui brandit le poing, il est écrit : « Maudite soit la guerre »4.

MESURER MESURER AVEC SON CORPS. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, le philosophe grec Protagoras professe que « l’homme est la mesure de toute chose ». En 1968, l’artiste française Orlan déclare que la femme peut l’être tout autant. Et s’allonge dans les rues ou au pied de bâtiments afin d’en relever les dimensions (MesurAges).

METTRE UN VOILE. En septembre 2022, la mort de l’étudiante iranienne d’origine kurde Mahsa Amini, battue par la police pour port incorrect du voile, entraîne un large mouvement de protestation en Iran. Par solidarité, de jeunes hommes se rendent à leur université affublés d’un voile, au risque d’être renvoyés ou arrêtés. [ Voir aussi « retirer son voile » et, dans « être poilu·e (ou non) » : « montrer ses cheveux », « raser ses cheveux » et « se couper des mèches »].

MODIFIER MODIFIER UNE LISTE. En 1943 en Belgique, Eva Fastag, juive polonaise, est prisonnière à la caserne Dossin, où elle travaille à rédiger des listes de personnes déportées par les nazis. Alors qu’un convoi doit conduire, le 19 avril, 1 631 personnes juives à Auschwitz, elle s’arrange pour réunir des résistant·es dans un même wagon. Grâce à son intervention, lorsque le train sera attaqué par la résistance belge, au moins six d’entre elles et eux réussiront à s’évader. MODIFIER LA SIGNALÉTIQUE ROUTIÈRE. En 1979, l’artiste chilienne Lotty Rosenfeld trace dans les rues de Santiago des lignes blanches perpendiculaires aux lignes discontinues qui délimitent les files automobiles. Elle dessine ainsi des croix qui perturbent la circulation et défient le régime dictatorial d’Augusto Pinochet (Una milla de cruces sobre el pavimento). MODIFIER DES INFORMATIONS. En 2011, les ingénieurs activistes, d’origines néo-zélandaise et russe, Julian Oliver et Danja Vasiliev créent « Newstweek », un boîtier qui permet de modifier le contenu de journaux en ligne. Les personnes situées à proximité de ce boîtier peuvent voir, sur leurs écrans, Le Monde ou le New York Times afficher des titres incongrus, et mesurer ainsi la vulnérabilité des sites d’information. MODIFIER UNE VOITURE. En 2005, l’artiste québécois Michel de Broin transforme une Buick en voiture à pédales collective. Deux ans plus tard à Toronto, la police verbalise les propriétaires du véhicule, qu’elle juge non conforme. L’avocat plaidera qu’il s’agit au contraire d’un vélo atypique. Et obtiendra l’acquittement (Shared Propulsion Car).

MONTRER MONTRER SES FESSES. En 1524, lors de la conférence de Badajoz-Elvas, le Portugal et l’Espagne discutent de l’emplacement du méridien séparant leurs hémisphères respectifs. Voyant qu’ils veulent se diviser le monde, un jeune garçon leur montre ses fesses, afin de leur suggérer une longitude. [ Voir aussi « répondre par une image »] MONTRER SON SEXE. En 1968, l’artiste autrichienne Valie Export se rend dans un cinéma de Munich vêtue d’un pantalon laissant ses parties génitales apparentes et se promène dans le public, munie d’une mitraillette (Genital Panic). NE PAS MONTRER SON SEXE. En 1996 à San Francisco, les danseuses du club de strip-tease Lusty Lady décident de faire un No Pink Day pour dénoncer l’arbitraire de leurs conditions de travail. Durant cette journée, elles ne décroisent pas leurs jambes. MONTRER SES MENSTRUATIONS. Le 1er février 2019, l’activiste d’origine espagnole Irene García Galán (« Irene ») effectue une action pour demander le remboursement par la collectivité des serviettes et tampons hygiéniques : alors qu’elle a ses règles, elle circule dans Paris sans protection et vêtue d’un caleçon moulant clair. Une large tache rouge apparaît bientôt à son entrejambe.  MONTRER SON COL DE L’UTÉRUS. En 1990, à l’Harmony Theater de New York, l’artiste états-unienne et ancienne actrice pornographique Annie Sprinkle invite le public à venir contempler son col de l’utérus. Munis d’une lampe de poche, les spectateurs et spectatrices peuvent scruter son vagin, maintenu ouvert par un spéculum, et être rassuré·es par l’absence de dentition5 (Public Cervix Announcement). [ Voir aussi, dans « faire faire » : « faire entrer dans un sexe féminin »] MONTRER UNE MISE À MORT. Le samedi 20 septembre 1969, dans un village près de Nice, l’artiste français Pierre Pinoncelli s’apprête à tuer un porc en public. Mais l’abattage des animaux hors abattoir étant interdit, il est arrêté par la police. Au grand soulagement du public. Et du cochon (Meurtre rituel). MONTRER LA MORT. En 2008, considérant qu’en Occident la fin de vie est souvent occultée, l’artiste allemand Gregor Schneider a l’idée d’exposer une agonie dans un musée. Il annonce donc chercher une personne acceptant de mourir en public. Le projet fera scandale et ne sera pas réalisé.  MONTRER LA RÉALITÉ. À partir du 25 janvier 1932, le réalisateur russe Alexandre Medvedkine traverse l’Union soviétique avec son « ciné-train », afin de filmer les prolétaires des villes et des champs. Dès le lendemain des tournages, il montre aux personnes filmées le film déjà développé et monté, puis débat avec elles et eux de leurs conditions de vie et des mondes possibles. MONTRER UN VIDE. D’août à octobre 1993, l’artiste britannique Rachel Whiteread fait remplir de béton une maison londonienne vouée à la démolition, puis en fait retirer les murs, de manière à en matérialiser le volume intérieur. En dépit d’une pétition demandant sa conservation, cette représentation de l’espace domestique, réputé féminin, sera détruite trois mois plus tard (House). TOUT MONTRER. De 1996 à 2003, l’artiste états-unienne Jennifer Ringley diffuse en direct sur Internet, au moyen de webcams, tous les instants de sa vie chez elle. [ Voir aussi « saturer la CIA »] NE RIEN MONTRER. En 1969, l’artiste états-unien Robert Barry envoie des invitations pour des expositions à Los Angeles, Amsterdam et Turin, tout en précisant que les galeries concernées seront fermées (Closed Gallery Piece). [ Voir aussi « inviter à des expositions qui n’existent pas »]

MULTIPLIER MULTIPLIER LES IDENTITÉS. Au Sahel, l’apparition de frontières et la désertification ont causé le déclin du mode de vie nomade et pastoral des Touaregs. Mais, au début du XXIe siècle, certain·es de leurs descendant·es se sont adapté·es : en multipliant leurs identités et nationalités, ils et elles se jouent des frontières, troquant ainsi nomadisme contre ubiquité. Et chèvres contre denrées illicites.

MURER MURER UN MARCHÉ FINANCIER. Le 18 juin 1999 à Londres, à l’occasion d’un carnaval anticapitaliste, le collectif activiste Reclaim the Streets mure l’entrée du Liffe, le marché à terme britannique. La spéculation financière est alors bloquée. Au moins symboliquement. MURER UN CENTRE DES IMPÔTS. Dans la nuit du 28 au 29 novembre 2018 à Montargis, neuf hommes membres du mouvement protestataire des Gilets jaunes, chagrinés par l’injustice fiscale et égayés par quelques bières, dressent un mur de parpaings devant l’entrée du centre des impôts. Prison avec sursis. [ Voir aussi « supprimer un mur » et « réglementer l’accès à une exposition [1] »]

MYSTIFIER MYSTIFIER L’OCCUPANT. De 1940 à 1944 à Jersey, durant l’occupation nazie, les artistes françaises Claude Cahun et Marcel Moore réalisent des tracts qu’elles glissent dans les voitures, les magazines, les sacs ou les poches des soldats allemands. Ces messages, qui les invitent à la rébellion, sont formulés en allemand et semblent donc émaner de leurs rangs. Longtemps insoupçonnées, les deux dames d’apparence respectable seront finalement arrêtées sur dénonciation en 1944 et condamnées à mort. Mais elles survivront. [ Voir aussi « faire un faux »]

N

NAVIGUER NAVIGUER SUR DES SACS DE CHIPS. Le 28 septembre 2014 à Séoul, quatre étudiants coréens, jugeant que les paquets de chips contiennent trop d’air et pas assez de chips, confectionnent un radeau à partir de cent soixante de ces emballages, puis le chevauchent pour traverser le fleuve Han. Après cet exploit, Orion, le principal fabricant de chips sud-coréen, s’engagera à revoir ses proportions.

NETTOYER NETTOYER EN DANSANT. En 1925 au Nigéria, pour chasser symboliquement les désordres moraux et sociaux apportés par les colonisateurs et les missionnaires, des femmes igbo inventent la « nwaobiala », une danse rituelle consistant à balayer longuement l’espace public. NETTOYER LA VILLE [1]. En 1964, la ville de Tokyo procède à des embellissements en prévision des jeux Olympiques. Le collectif d’artistes japonais Hi-Red Center veut alors dénoncer ce maquillage et sa conséquence : l’éviction de personnes indésirables. Pour cela, le 16 octobre, ils endossent des blouses blanches et nettoient un quartier chic de la capitale japonaise à l’aide d’accessoires chirurgicaux et de brosses à dents (Cleaning Event). NETTOYER LA VILLE [2]. Durant les révolutions arabes, le nettoyage des rues est un geste politique récurrent. Ainsi, en février 2011 au Caire, après la démission d’Hosni Moubarak, des personnes armées de balais déclarent : « Nous nettoyons les rues avant de nettoyer le régime. » NETTOYER DES PAREBRISES. En 2006, les artistes allemands Matthias Wermke et Mischa Leinkauf nettoient gracieusement les parebrises d’un métro et d’une voiture de police. Qui n’ont rien demandé (Trotzdem Danke). NETTOYER AVEC UNE BROSSE À DENTS. Le 21 mars 2007, l’artiste performeur d’origine sud-africaine Steven Cohen nettoie une rue de Vienne à l’aide d’une brosse à dents géante. Il rend ainsi hommage aux personnes juives autrichiennes que les nazis ont contraints, pour les humilier, à nettoyer le sol avec des brosses à dents (Cleaning Time). NETTOYER EN TANT QU’ARTISTE. En 1969, l’artiste états-unienne Mierle Laderman Ukeles, prenant acte de l’injustice qui veut que les tâches domestiques et familiales soient réservées aux femmes, déclare que, désormais, ses activités de nettoyage et d’entretien constitueront son travail artistique. NETTOYER UN DRAPEAU. À partir de mai 2000 au Pérou, alors que le président corrompu Alberto Fujimori gouverne avec brutalité son pays, des milliers de personnes se rassemblent toutes les semaines sur la principale place de la capitale pour y laver leur drapeau national, qu’elles jugent gravement sali. Cinq mois plus tard, Fujimori démissionnera et sera condamné à vingt-cinq ans de prison. NE PAS NETTOYER (PROPOSER DE). Le 17 juin 2020, dans son éditorial du magazine satirique Charlie Hebdo, le dessinateur français Riss propose une solution pour les statues à la gloire des négriers : laisser la fiente des pigeons s’accumuler sur elles.

NOMMER NOMMER CONTRE SON GRÉ [1]. En 1996, à Coblence, des squatters donnent ironiquement au bâtiment qu’ils occupent le nom de l’ancien maire de la ville, Willi Hörter, un démocrate-chrétien particulièrement réactionnaire. NOMMER CONTRE SON GRÉ [2]. Au cours de l’été 2022, des militants écologistes proposent de baptiser les événements climatiques extrêmes du nom des entreprises qui contribuent au dérèglement climatique : la canicule Total, l’incendie Aramco, le raz-de-marée Gazprom, etc. NOMMER DIRECTEUR. De 1995 à 1996, Guadalupe Echevarría, directrice de l’école des Beaux-Arts de Bordeaux, présente l’un de ses étudiants comme étant le directeur de l’école. Olivier Bardin assume alors consciencieusement sa tâche fictive : il consulte les dossiers, participe aux réunions pédagogiques et se rend aux rencontres professionnelles. SE NOMMER AVEC DES INSULTES. Dans les années 1970, des groupes féministes s’approprient fièrement les insultes qu’elles subissent. Elles deviennent ainsi les « Gouines rouges » à Paris, le Weiberrat (« Conseil des commères ») à Francfort ou le WITCH (« sorcière » – Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell) à New York. [ Voir aussi « renommer »]

NOYER NOYER UNE STATUE ÉQUESTRE. En août 1792 à Blois, des révolutionnaires jettent dans la Loire une statue équestre de Louis XII, noyant ainsi symboliquement et théâtralement le monarque.

O

OBÉIR OBÉIR AUX PUBLICITÉS. Dans les années 2000, des personnes membres du collectif d’artistes états-unien Institute for Infinitely Small Things se placent devant des magasins et obéissent aux injonctions des slogans publicitaires. Si le slogan est « Simplify your finances » (« Simplifiez vos finances »), elles réorganisent les portefeuilles des passant·es ; si c’est « Rollover » (« Renversez les choses »), elles s’allongent côte à côte sur le trottoir, puis roulent pour laisser passer les piétons, et si c’est « Say it with flowers » (« Dites-le avec des fleurs »), elles lisent It de Stephen King avec des fleurs dans la bouche, etc. (Corporate Commands) [ Voir aussi « travailler trop bien »]

Objection de conscience : voir « refuser de se battre ».

OCCUPER OCCUPER DES TERRES. En Angleterre en 1649, un groupe de True Levellers1 occupent des terres désaffectées et les cultivent collectivement. Et inaugurent ainsi la pratique du squat. OCCUPER UNE USINE. Le 10 décembre 1906 aux États-Unis, à la suite de licenciements jugés abusifs, les ouvriers et ouvrières de l’usine électrique de Schenectady inaugurent une nouvelle forme de grève en cessant de travailler, en demeurant sur leur lieu de travail et en empêchant ainsi la production. Ce type d’action sera appelé « grève sur le tas ». [ Voir aussi « faire la grève »] OCCUPER UN AÉROPORT. En 2009, la Chine veut se débarrasser de l’un de ses citoyen·nes : le militant des droits de l’homme Feng Zhenghu. Parti au Japon pour raisons médicales, il se voit interdire son retour en Chine. Il décide alors de rester dans l’aéroport de Tokyo tant qu’il ne pourra pas rentrer chez lui. Vivant de la charité des voyageurs et du personnel, il y restera quatre-vingt-douze jours. La Chine le laissera finalement revenir, mais il sera assigné à résidence et placé sous surveillance. [ Voir aussi, dans « partir » : « ne pas partir »]  OCCUPER MOMENTANÉMENT. À la fin des années 1990 à New York, l’artiste d’origine brésilienne Alex Villar franchit acrobatiquement des grilles pour s’introduire dans des interstices vacants. Et repart aussitôt (Temporary Occupations). [ Voir aussi « acheter des terrains inutiles »]

OFFRIR OFFRIR DES FLEURS. En 1965, le poète états-unien Allen Ginsberg suggère aux manifestant·es d’offrir des fleurs à la police venue les affronter. Largement repris, ce geste deviendra le symbole du pacifisme du mouvement hippie et de son slogan « Flower power ». OFFRIR DES ROSES. En Géorgie en 1995, les manifestants offrent des roses aux soldats venus les combattre. Leur générosité donnera son nom à cette « révolution des roses ». OFFRIR DISCRÈTEMENT DES FLEURS. En 2000, l’artiste canadienne Diane Borsato se rend dans des magasins de vêtements à Montréal et, une fois dans la cabine d’essayage, coud de discrètes petites fleurs sur les habits qu’elle est censée essayer. Elle repart ensuite sans les acheter (The Embroidery Bandit). OFFRIR DES BONBONS. Les Piles, de l’artiste états-unien d’origine cubaine Félix González-Torres, consistent en des tas de bonbons que les visiteurs sont invités à prendre, faisant peu à peu disparaître l’œuvre. L’une de ces piles, « Sans titre » (Portrait de Ross à LA), fait référence à son compagnon, mort du sida. L’artiste déclare : « Chaque spectateur, en prenant, provoque la dégradation de la sculpture, mais en même temps il la “sauve” en se l’appropriant et en la dispersant indéfiniment. » OFFRIR DES CALCULATRICES. Le 27 février 2008, l’organisation Casino Free, opposée à l’ouverture de casinos à Philadelphie, envoie des calculatrices à la commission de contrôle des jeux de Pennsylvanie afin qu’elle puisse calculer les coûts cachés de ses projets. OFFRIR UNE TRONÇONNEUSE EN OR. En 2005, le magnat de l’agriculture brésilien Blairo Maggi est primé par l’association écologiste Greenpeace pour sa contribution décisive à la déforestation de l’Amazonie. Il refusera néanmoins de prendre son trophée : une tronçonneuse dorée. OFFRIR UNE MUSELIÈRE. En 1926, la suffragette française Marthe Bray envoie une muselière au journaliste antiféministe (et antisémite) Clément Vautel. OFFRIR DU PAPIER HYGIÉNIQUE. La Pologne communiste des années 1980 connaît de nombreuses pénuries. Pour y remédier – et embarrasser le gouvernement –, les activistes du mouvement clandestin Alternative Orange distribuent gratuitement, à l’automne 1987, du papier toilette. OFFRIR DE LA NEIGE À DES SINGES. En 2016, l’artiste japonais Shimabuku constate que des macaques du nord du Japon (des snow monkeys) sont depuis 1972 dans un zoo texan, loin de leur habitat naturel. Il leur offre alors un tas de neige et regarde s’ils se remémorent ou non leur passé montagnard (Do Snow Monkeys Remember Snow Mountains ?). OFFRIR DES RATS. Au début des années 1970, le comité d’un quartier noir de Chicago, désireux de souligner l’insalubrité de ses logements, dépose plusieurs milliers de rats devant l’hôtel de ville.  OFFRIR DE L’ARGENT. Le 24 août 1967, Abbie Hoffman, Jerry Rubin et quelques autres hippies se rendent à la Bourse de New York et se mêlent aux visiteurs. Une fois dans la galerie surplombant la salle des changes, les activistes jettent des billets de banque (de faible valeur) sur la foule des traders et des courtiers. Ceux-ci s’empressent de les ramasser2, délaissant leur travail et suspendant ainsi l’espace de quelques instants l’activité boursière mondiale [ Voir aussi « ralentir »]. À la suite de cette action, une vitre blindée sera installée entre la balustrade et la salle des courtiers. OFFRIR LE CAPITAL. À partir du 31 mai 2009, l’artiste allemande Christin Lahr verse chaque jour 1 centime d’euro au ministère des Finances allemand, afin de l’aider à résorber son endettement. L’intitulé de chaque virement est un bref extrait du Capital de Marx. Ainsi, au bout de quarante-trois ans, l’ouvrage sera intégralement placé sur le compte de l’État fédéral (Macht Geschenke – Geben ist seliger denn nehmen).  OFFRIR SON CORPS À LA PALPATION. En 1968, l’artiste autrichienne Valie Export se présente dans la rue, le torse dissimulé dans une caisse pourvue d’un rideau (Tapp und Tastkino/Tap and Touch Cinema). Les passant·es peuvent glisser leurs mains sous le rideau pour lui toucher les seins. Ou s’en abstenir. OFFRIR DES VACANCES. Le 3 septembre 2012, l’artiste tchèque Kateřina Šedá offre un jour de congés payés aux personnes vivant dans le village de Bedřichovice. Payées au salaire minimum, elles peuvent ne rien faire ou faire n’importe quoi (Give Me a Holiday !).  OFFRIR UN VOYAGE. De janvier à avril 2012, l’artiste états-unienne Sal Randolph offre à celles et ceux qui le souhaitent des voyages en train d’une journée, dont l’itinéraire n’est pas précisé. Pour en profiter, il faut se rendre à son « Bureau des destinations inconnues ».  OFFRIR SA MUSIQUE. En 2000 aux États-Unis, une trentaine d’artistes, adeptes du collage sonore et opposé·es aux lois sur le copyright, rassemblent leurs musiques pirates sur un CD audio, puis le glissent dans des bacs de disquaires. Et pratiquent ainsi un vol à l’étalage inversé3. OFFRIR UNE PARTICIPATION À UNE BIENNALE. En 2002, après avoir acheté à un artiste, sur eBay, sa participation à la biennale Manifesta 4 [ Voir « vendre sa participation à une biennale »], l’artiste états-unienne Sal Randolph la partage gracieusement avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent. Deux cent vingt-cinq artistes et collectifs accepteront d’exposer dans cette Free Manifesta4.  OFFRIR TOUT LE MAGASIN [1]. Dans les années 1960, le collectif anglais anarchiste King Mob fait imprimer des affiches proclamant « Free shopping day » et le placarde à l’entrée de grands magasins. Les affiches précisent que les client·es peuvent emporter, sans payer, un plein chariot de marchandises. Une autre fois, déguisés en pères Noël, ils dévalisent les rayons d’un supermarché de Londres et offrent les articles aux enfants.  OFFRIR TOUT LE MAGASIN [2]. En 2003, le collectif d’artistes danois Superflex met en place la gratuité dans un magasin de Tokyo (Free Shop). Aucune annonce ni explication ne sont fournies. La durée de l’opération n’est pas divulguée. Lorsque les client·es arrivent à la caisse, le total de leurs achats s’élève à zéro. OFFRIR TOUT LE MAGASIN [3]. À Toulouse, les employé·es d’un supermarché font grève et laissent les client·es tout emporter. OFFRIR AU MAGASIN. En 1995, l’artiste français Pierre Huyghe entre dans un supermarché, se dirige vers le rayon des livres, sort furtivement un volume de sa poche, le dépose sur la pile, puis s’enfuit. L’œuvre, susceptible de fausser l’inventaire du commerçant, s’intitule Dévoler. NE RIEN OFFRIR. En 2018, l’artiste français Nicolas Heredia fait l’apologie de l’oisiveté. Sa « Fondation du rien » propose des spectacles et activités. Tout en vous garantissant qu’ils seront annulés. [ Voir aussi « rendre gratuit » et « voler »]

ORGANISER UN ÉVÉNEMENT ORGANISER DE FAUSSES ÉLECTIONS. Dans l’État du Mississippi en 1963 et 1964, alors que des restrictions à l’accès aux listes électorales empêchent la plupart des Noir·es de voter, le mouvement des droits civiques invite toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à s’inscrire sur des listes alternatives. 83 000 personnes s’inscrivent et participent à une élection pirate qui désignera (fictivement) un candidat démocrate. ORGANISER UN CONTRE-SOMMET APATRIDE. En mai 2012, l’artiste néerlandais Jonas Staal organise à Berlin un « Sommet du nouveau monde », dans lequel sont représentés des États apatrides et des organisations indépendantistes, souvent classées comme terroristes. ORGANISER UN CONTRE-SOMMET ÉCOLOGIQUE. Les 29, 30 et 31 mai 2015, six mois avant une conférence internationale sur le climat, le philosophe Bruno Latour et les metteur et metteuse en scène Frédérique Aït-Touati et Philippe Quesne organisent à Nanterre un « Théâtre des négociations », dans lequel des étudiant·es venu·es du monde entier représentent des États, des multinationales, des villes ou des entités non humaines : océans, forêts ou espèces en danger. Un consensus pour sauver la planète sera difficile à trouver. [ Voir aussi « proposer un Parlement des choses »]

ORIENTER ORIENTER VERS DES POINTS D’EAU. En 2007, le collectif artistique californien Electronic Disturbance Theater met au point une application pour smartphone permettant aux migrant·es venu·es du Mexique de trouver des caches d’eau dans le désert, tout en écoutant de la poésie. La crainte des narcotrafiquants aura raison du projet.  ORIENTER DANS UNE VILLE SURVEILLÉE. En 2001, le collectif activiste anonyme Institute for Applied Autonomy lance « i-see », une application Web proposant des itinéraires à New York qui évitent savamment les caméras de vidéosurveillance. [ Voir aussi « enseigner l’évitement » et « faire visiter une ville surveillée »]

OUBLIER OUBLIER UN SAC. En 2005, l’artiste franco-suisse Jérôme Leuba dépose des sacs de voyage dans un musée de Zurich. Ils ont l’air d’avoir été oubliés là ou d’être des ready-mades. Le titre de l’œuvre renvoie, lui, à une consigne de sécurité anti-attentat : « Si vous voyez quelque chose, dites quelque chose » (Battlefield #19/If You See Something, Say Something).

P

PARAÎTRE PARAÎTRE EN BONNE SANTÉ. Dans les camps de concentration nazis, se tenir droit·e, paraître propre et bien portant·e peuvent retarder le jour où l’on sera sélectionné·e pour être exécuté·e. Et même si l’issue tragique est certaine, préserver cette dignité, c’est résister.

PARASITER PARASITER DES CHAUFFAGES. En 1998, l’artiste états-unien Michael Rakowitz met au point un abri gonflable pour personnes sans domicile. Pourvu d’un tuyau, le refuge-baudruche se branche sur les bouches d’aération des bâtiments et offre ainsi un peu de chaleur aux déshérités (paraSITE). PARASITER UN LOGEMENT. En 2007 à Fukuoka, une femme japonaise dénommée Tatsuko Horikawa décide, faute de logement, de se cacher dans une maison à l’insu de son occupant. Celui-ci, constatant la disparition de ses provisions, finit par installer une caméra de vidéosurveillance et la découvrir blottie dans un placard. Elle y sera restée un an.  PARASITER UNE ÉCOLE. En 2004 à Vienne, l’étudiant en art Leopold Kessler tire un câble électrique de 1,5 km entre son école et son domicile. Après quoi il s’éclaire, fait son café ou lave son linge aux frais de l’institution (Diplom/Academycable).  PARASITER DES VOITURES. En 2004, l’artiste français Julien Berthier réalise un véhicule monoplace qui se déplace en se fixant à d’autres véhicules. Doté d’une rallonge électrique, il peut également se brancher chez les commerçants ou riverains et avancer ainsi, de branchement en branchement (Para Site). PARASITER UN BUS. En 2007 à New York, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler se fixe, à l’aide de ventouses, à l’arrière d’un car touristique. Puis visite Manhattan, tel un gecko (Touristbus Surfing). PARASITER DES ROCHERS. En 2003, dans une forêt près de New York, l’artiste états-unienne Nina Katchadourian réalise une œuvre intitulée Parasite, en plaçant des prises d’escalade sur des rochers, pas plus hauts que des tabourets. PARASITER LE MARKETING. De 1991 à 2001, l’artiste français Matthieu Laurette n’achète que des produits portant la mention « Satisfait ou remboursé ». Étant toujours insatisfait, il demande à chaque fois le remboursement des produits qu’il a achetés. Et parvient ainsi à ne quasiment plus rien dépenser (Produits remboursés). PARASITER UN DÉBAT POLITIQUE. Le 5 juin 2012, lors d’une réunion de la Chambre des députés tchèque, les 223 député·es reçoivent sur leur téléphone, simultanément, des messages qui semblent envoyés par l’un·e de leurs collègues. Ces messages appellent à une réforme morale de la politique tchèque, à une communication amicale entre hommes et femmes politiques de tous bords et à la quête d’un avenir meilleur. Réalisé par le collectif d’artistes tchèques Ztohoven, ce piratage provoquera une grande confusion, mais aussi de multiples échanges de messages conciliants entre les parlementaires (Réforme morale). [ Voir aussi « envahir une piscine »]

PARLER À UNE CAMÉRA PARLER À UNE CAMÉRA DE TÉLÉVISION. Le 25 avril 1988, lors d’une interview à la télévision chilienne, le leader démocrate Ricardo Lagos s’adresse soudain à la caméra pour interpeller le président Augusto Pinochet et l’accuser de torture, d’assassinat et de violation des droits de l’homme. Six mois plus tard, le dictateur perdra le référendum visant à le maintenir au pouvoir. Puis les élections. PARLER À UNE CAMÉRA DE VIDÉOSURVEILLANCE [1]. En 1996 à Sydney, l’artiste australien Denis Beaubois s’adresse à une caméra de vidéosurveillance. À l’aide de pancartes, il lui demande s’il peut récupérer les enregistrements de ce qu’elle a filmé et lui suggère de répondre par un mouvement vertical pour acquiescer ou horizontal pour refuser. La caméra opte alors pour le second mouvement (In the Event of Amnesia the City Will Recall). PARLER À UNE CAMÉRA DE VIDÉOSURVEILLANCE [2]. Le 4 mai 2002 à New York, le publicitaire états-unien Bill Brown, membre du collectif des Surveillance Camera Players, reprend la méthode de Denis Beaubois (voir ci-dessus). Considérant que le système de surveillance en sait beaucoup, il déclare à une caméra qu’il est amnésique et qu’il voudrait bien qu’on lui dise qui il est. [ Voir aussi « regarder une caméra »]

PARODIER PARODIER DES MESSES. Aux XIIe et XIIIe siècles en Europe, des clercs itinérants, appelés Goliards ou clercs vagants, dénoncent les abus de l’Église en organisant des messes parodiques : messes de buveurs, messes de joueurs, sermons bachiques, etc. PARODIER LA GUERRE. En 1837, alors que la ville de Mayence est occupée tour à tour par les armées prussienne et autrichienne, la population pastiche les exercices militaires lors de parades burlesques. Et invente ainsi son carnaval. PARODIER DES CONCOURS. Dans les années 1940 à Paris, les étudiants de l’École normale supérieure organisent des concours fantaisistes : vrais candidats devant de faux jurys, faux candidats devant de vrais jurys, voire faux candidats devant de faux jurys, à l’insu des deux parties. [ Voir aussi « investir des candidat·es », « récompenser », « soutenir les autorités » et « soutenir la droite »]

PARTAGER PARTAGER TOUT. Les membres de la communauté chrétienne primitive (c’est-à-dire Jésus et ses apôtres) partagent tout. Mais entre hommes. PARTAGER LE BUTIN. Au XVIIIe siècle, les pirates pratiquent généralement un partage égalitaire du butin, tout en accordant une prime au capitaine.  PARTAGER DES CODES D’IMMEUBLE. En 2008 en France, alors que les digicodes se multiplient à l’entrée des immeubles, l’artiste français Julien Prévieux a l’idée de simplifier la vie des citadins en créant sur Internet une plateforme de partage des codes d’accès. Celle-ci est vite un succès, mais elle est bientôt piratée par un robot générateur de codes. L’artiste se voit alors obligé de sécuriser son dispositif anti-sécuritaire (Wikidigicode). PARTAGER DES CARTES DE FIDÉLITÉ. Les cartes de fidélité des magasins permettent aux enseignes de collecter de nombreuses informations sur leurs client·es, d’en faire usage et, possiblement, de les revendre. Aux États-Unis au début des années 2000, des personnes inquiètes de ces pratiques créent des réseaux de partage et de falsification de leurs cartes de fidélité. Grâce à ces échanges, les marchands peuvent constater le don d’ubiquité de leurs client·es.

Participation du public : voir « faire faire »

PARTIR PARTIR AU HASARD. En 2005, James Broad visite Londres en tirant à pile ou face : face, il va à gauche ; pile, il va à droite. Grâce à cette soumission au destin, il va là où il n’aurait jamais eu l’idée d’aller. PARTIR EN BROUETTE. En 1889, trois Autrichiens voyagent de Vienne à Paris, en poussant une brouette qui transporte leurs bagages et eux-mêmes, à tour de rôle. Trente jours. PARTIR PARTOUT. En 2000, l’artiste roumain Mircea Cantor fait de l’auto-stop à Nantes, en présentant aux véhicules une pancarte blanche. (All the Directions). PARTIR SANS PARTIR. En juin 2011, les Français Joël et Maïa Henry, adeptes du tourisme expérimental, partent pour un tour de France en train régional. Le couple s’arrête dans chaque gare et dort tous les soirs dans un hôtel de la même chaîne, de manière à se croire toujours au même endroit.  NE PAS PARTIR. En février 2003, Joël Henry, cofondateur du Laboratoire de tourisme expérimental (Latourex), séjourne durant vingt-quatre heures dans l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle. Grâce à ce choix de voyage immobile, il observe la diversité des ambiances et le relâchement nocturne des voyageurs en transit. [ Voir aussi « occuper un aéroport »]

PEINDRE PEINDRE DES PASSAGES PIÉTONS. En 1979 à New York, l’artiste états-unienne Ann Messner peint, à titre expérimental, un passage piéton à l’intersection de deux rues (Crosswalk). Ce procédé deviendra une tactique anti-voitures aux États-Unis dans les années 2000, sous le nom guerrilla crosswalks. PEINDRE DES PISTES CYCLABLES. En 1991 à Londres, le collectif activiste Reclaim the Streets manifeste son opposition au règne de l’automobile en peignant, sans autorisation, des voies pour vélos. PEINDRE DES TROTTOIRS. À Alexandrie en Égypte, sous la présidence d’Hosni Moubarak, la rénovation des trottoirs et des réverbères indique qu’une visite du raïs est imminente. En février 2011, après sa démission, des personnes repeignent, elles aussi, les bornes des trottoirs, mais pour célébrer son départ. PEINDRE DES CADENAS. Depuis les années 2000 en Europe, des couples immortalisent leur amour en fixant des cadenas sur des grilles ou des ponts. En 2019 à Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler peint en gris les antivols fixés sur le pont de Floridsdorf. Après cela, il peut observer la fréquence d’apparition de ces passions verrouillées (Ral 9006).

PENDRE PENDRE UN PORTRAIT. En 1892 aux États-Unis, le patron de l’aciérie Homestead décide de réduire les salaires. Ses ouvriers et ouvrières protestent alors par un geste symbolique, en pendant son effigie. En réponse, le dirigeant fera bâtir un mur autour de l’usine et licenciera tous ses employé·es. [ Voir aussi « brûler une effigie » et « juger une effigie »]

PERFORER PERFORER UN BÂTIMENT. En 1975 à Paris, l’artiste états-unien Gordon Matta-Clark intervient sur un bâtiment voué à la démolition. Il sculpte, en creux, un cône de vision par lequel les passant·es peuvent apercevoir le Centre Pompidou, qui vient d’être construit (Conical Intersect).

PERRUQUER. Perruquer consiste à utiliser clandestinement le matériel de l’entreprise pour laquelle on travaille, pour fabriquer ses propres objets ou les réparer (on dit également « travailler en perruque » ou « faire la perruque »). Au XVIIe siècle, les ouvriers des arsenaux de la Marine royale française construisent ainsi clandestinement des embarcations pour leur propre usage.  PERRUQUER EN TEMPS DE GUERRE. Durant l’Occupation, les ouvriers et ouvrières pratiquent la « perruque patriotique » dans les usines contrôlées par les nazis. Certains y bricolent des armes, d’autres considèrent que, de toute façon, voler l’entreprise, c’est voler les Allemands. [ Voir aussi « fabriquer des objets de grève »]

PÉTITIONNER. Dans l’Égypte ancienne, les esclaves qui construisent les pyramides demandent de meilleures conditions de travail. Et, pour cela, signent les premières pétitions dont les historien·nes aient connaissance. PÉTITIONNER POUR ÊTRE AFFRANCHI·E. Au début du XVIIe siècle, certain·es esclaves adressent, dans l’espoir d’être affranchi·es, des pétitions aux sociétés qui les exploitent. En 1644, sur la côte est des futurs États-Unis, un groupe d’esclaves obtient ainsi, de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, d’être libéré et d’avoir des terres, moyennant une taxe annuelle. Mais leurs enfants resteront esclaves. PÉTITIONNER DANS UN ROND. À partir du XVIIe siècle, les marins anglais soumettent leurs revendications sous la forme de round-robin, des pétitions dans lesquelles les signatures sont disposées comme des rayons dans un cercle. Elles sont ainsi égalitaires et rendent impossible d’identifier les premiers signataires, pour les punir ou les exécuter.

PINCER PINCER LES FESSES DES HOMMES. Dans les années 1970 aux Pays-Bas, les membres du groupe féministe des Dolle Mina rendent la pareille aux hommes : elles les sifflent dans la rue, leur pincent les fesses, etc. [ Voir aussi « harceler les hommes »]

PIQUENIQUER PIQUENIQUER SUR UNE TOMBE. En 2010, l’artiste franco-italien Wolfgang Natlacen achète une double concession dans le cimetière de Mons-en-Montois et y place une pierre tombale, formant une table et deux bancs. Ainsi, les visiteurs peuvent casser la croûte sur la future sépulture de sa mère (MomTomb).

PIRATER PIRATER LA TÉLÉVISION. Le soir du 20 juin 2003, durant le bulletin météo de la chaîne de télévision néo-zélandaise TV3, apparaît soudain un bandeau sur lequel est écrit : « Bush professional fascist » (George W. Bush est alors président des États-Unis). La chaîne présentera ses excuses, sans révéler qui a accompli ce piratage. PIRATER LA MÉTÉO. Le 17 juin 2007, le collectif d’artistes tchèques Ztohoven pirate une webcam qui diffuse en direct un paysage montagneux dans le bulletin météorologique de la chaîne de télévision nationale. Les téléspectateurs et téléspectatrices voient alors un champignon atomique s’élever dans leurs paisibles collines (Media Reality).  PIRATER UN JOURNAL. Le 10 octobre 2007, le journal birman New Lights of Myanmar, contrôlé par la junte militaire au pouvoir, publie la photographie d’une manifestation londonienne, accompagnée d’une légende indiquant qu’elle dénonce la guerre en Irak. Mais, en regardant l’image, les lecteurs peuvent constater que ce rassemblement est en réalité en soutien au mouvement démocratique birman, cette photo ayant été glissée là à l’insu de la direction du journal. PIRATER DES CONCERTS. En mai 2007, le collectif d’artistes suisses !Mediengruppe Bitnik dissimule des micros dans l’Opéra de Zurich, puis retransmet gratuitement des concerts par téléphone auprès de milliers de Zurichois choisis au hasard (Opera Calling). PIRATER N’IMPORTE QUI. En 2010, les artistes Julian Oliver et Danja Vasiliev, d’origines respectivement néo-zélandaise et russe, se promènent à Berlin ou à Helsinki, avec des mallettes enregistrant, affichant et prononçant avec une voix de synthèse tout ce qui s’écrit sur les ordinateurs ou téléphones qu’ils croisent. Selon les artistes, cette divulgation impolie n’est que le reflet de l’espionnage généralisé des internautes1 (Men in Grey). [ Voir aussi « diffuser des images de vidéosurveillance », « infiltrer », « renommer un ministère »]

PLAIDER PLAIDER L’HOSPITALITÉ DU DROIT D’AUTEUR. En 2007, les artistes français Olive Martin et Patrick Bernier demandent à des avocat·es spécialisé·es dans le droit d’auteur de défendre la cause d’un étranger menacé d’expulsion. Lors de leur plaidoirie, les défenseur·es font valoir que l’étranger en question est le coauteur, le dépositaire et l’interprète d’une œuvre immatérielle que les artistes lui ont confiée. Et plaident donc que la loi concernant la circulation des personnes ne saurait entraver le droit à la libre circulation des œuvres (Plaidoyer pour une jurisprudence). [ Voir aussi « acquitter », « défendre », et « juger »]

PLANTER PLANTER DES ARBRES SUR UNE AUTOROUTE. Le 13 juillet 1996, le collectif activiste anglais Reclaim the Streets bloque une autoroute à l’ouest de Londres pour y organiser une rave party. Le son de la techno fait danser près de 6 000 personnes, tout en couvrant le bruit des marteaux-piqueurs. Cachés sous la jupe à crinoline d’une joueuse de cornemuse géante, les activistes percent en effet le bitume, afin de planter des arbres. PLANTER DES POMMIERS SUR UN TARMAC. L’aéroport parisien du Bourget est le premier aéroport d’affaires d’Europe. Le 22 septembre 2023, une trentaine d’activistes des associations Attac et Extinction Rebellion, désirant remplacer les polluants jets privés par un bien plus écologique verger, y pénètrent et y plantent trois petits pommiers. Puis partent en garde à vue. PLANTER DES PENSÉES. En anglais, pansy est à la fois le nom d’une fleur (la pensée) et une insulte adressée aux homosexuels. À partir de 2005, l’artiste britannique Paul Harfleet plante des pensées là où lui ou d’autres ont subi des insultes ou des actes homophobes. Ces discrètes plantations ont pour noms Fucking Lesbian Bitch !, Queer Fucker !, Faggot !, etc. (The Pansy Project). [ Voir aussi, dans « greffer » : « se greffer une plante » et « semer »]

POINTER POINTER CHEZ SOI. En 1980 à New York, l’artiste d’origine taïwanaise Tehching Hsieh installe dans son atelier une pointeuse, puis, à la manière d’un ouvrier, revient pointer toutes les heures durant un an (One Year Performance 1980-1981 (Time Clock Piece)).

POLIR UN PIED. Les statues en bronze, lorsqu’elles sont vénérées, ont souvent un pied usé par la répétition des contacts ou baisers2. En 2008 à Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler polit le bout du pied de celle de Carl Michael Ziehrer. Et suggère ainsi que cet illustre musicien est sorti de l’oubli (Invented Tradition).

POLLUER POLLUER UNE COMMUNICATION. À Amsterdam, de 1984 à 1986, les comités NOlympiques s’opposent à l’organisation de jeux Olympiques, dont ils jugent les projets d’infrastructures dispendieux et destructeurs. Ils entreprennent alors de ternir l’image de leur ville afin d’en polluer la candidature : ils envoient de la marijuana aux membres du Comité olympique de la part du maire, leur lancent des œufs ou des tomates pourries lors de leur visite ou envoient un groupe punk-rock perturber une réunion décisive. Cette stratégie du « ver dans le fruit » sera couronnée de succès : Amsterdam ne sera pas choisie. [ Voir aussi « feuilletonner »]

PORTER PORTER DES VALISES. En France, durant la guerre d’Algérie, des centaines de personnes solidaires de la lutte des Algériens pour l’indépendance acheminent clandestinement, de 1954 à 1959, de l’argent ou des faux papiers pour le compte du Front de libération nationale (FLN). Elles sont surnommées les « porteur·euses de valises ». PORTER UN BÉBÉ. Le 25 mars 1922 à Tokyo, la féministe japonaise Oku Mumeo se rend à la Diète (le Parlement japonais), en portant son bébé sur son dos, et y participe à une réunion. Grâce à cette démonstration de la compatibilité entre féminité et politique, la loi restreignant les droits des femmes est révisée.

PORTER UN CHAPEAU. Le couvre-chef peut être un signe politique et faire, à ce titre, l’objet d’une interdiction. Le bonnet blanc du leader indien Gandhi, improvisé en 1919 pour résoudre un problème de protocole, deviendra le symbole de la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Et sa prohibition par les autorités coloniales britanniques favorisera son succès.  FAIRE PORTER UN TURBAN. Dans de nombreuses régions de l’Inde médiévale, le turban est l’apanage des classes supérieures. En 1855, Kanoo Manjhee, meneur de la révolte anticoloniale des Santals, transgresse la bienséance : il coiffe d’un turban un simple chef de village. La rébellion échouera peu après. PORTER UN BONNET DE CHATTE. En 2005, le futur président des États-Unis Donald Trump déclare : « Quand vous êtes une star, [les femmes] vous laissent faire. Vous pouvez tout faire… les attraper par la chatte. » En souvenir de cette affirmation, des milliers de femmes célèbrent en 2017 sa prise de pouvoir coiffées d’un bonnet de chatte : un modèle rose, pourvu d’oreilles félines et tricoté par leurs soins d’après un modèle conçu par la scénariste Krista Suh et l’architecte Jayna Zweiman. Problème : ce « Pussyhat » moqueur sera jugé raciste et transphobe, car toutes les vulves ne sont pas roses et toutes les femmes n’en ont pas. RETOURNER SON CHAPEAU. En Pologne en 1983, de nombreux opposants boycottent la propagande du journal télévisé en allant se promener. Ils se reconnaissent grâce à un signe distinctif : la casquette portée à l’envers. NE PAS PORTER DE CHAPEAU. Durant la guerre d’Espagne, les républicains, considérant le chapeau comme un accessoire bourgeois, ne le portent pas. [ Voir aussi « se cacher dans la foule » et « tester la police des frontières »]

PORTER UNE ÉTOILE JAUNE. À partir de 1941, les nazis imposent aux personnes juives de porter une étoile jaune. En France, cette mesure antisémite est instaurée le 7 juin 1942. Le lendemain à Paris, Simon Weinstein, âgé de 15 ans, arrive à l’école et porte, comme cinq de ses camarades, ce signe discriminatoire. À la fin de la journée, il découvre avec surprise la solidarité de ses camarades : tous les autres élèves de sa classe arborent en effet une étoile jaune, bricolée par leurs soins3. [ Voir aussi « dédoubler une étoile jaune », « écrire sur une étoile jaune » et « porter un œillet jaune »]

PORTER UNE FLEUR PORTER UN CAMÉLIA BLANC. À la fin du XIXe siècle, le Portugais José de Seixas Magalhães cache des esclaves en fuite dans sa ferme près de Rio de Janeiro et leur fait cultiver des camélias blancs. La fleur sera adoptée comme signe de reconnaissance par les abolitionnistes. PORTER UN ŒILLET JAUNE. En 1942, par solidarité avec son amie, contrainte comme toutes les personnes juives à porter une étoile jaune, Suzanne Mathieu-Guimbretière, âgée de 18 ans, arbore un œillet jaune dans les rues et métros de Paris. [ Voir aussi « dédoubler une étoile jaune », « écrire sur une étoile jaune » et « porter une étoile jaune »] PORTER DES ŒILLETS ROUGES. Le 25 avril 1974 à Lisbonne, alors que des militaires tentent de renverser la dictature salazariste, une restauratrice, Celeste Caeiro, offre des œillets rouges à des soldats mutinés. Cette fleur, portée au bout du fusil ou à la boutonnière, deviendra le symbole de cette « révolution des œillets », qui aboutira au retour de la démocratie au Portugal. [ Voir aussi « fleurir »]

PORTER UN VÊTEMENT PORTER DES CHAUSSURES. Traditionnellement, dans la région indienne du Tamil Nadu, les membres de castes inférieures ne doivent pas porter de chaussures devant des membres de castes supérieures. Le 25 décembre 1968, des protestataires transgressent cet interdit en manifestant chaussé·es. La répression de ce mouvement insolent aboutira au massacre de quarante-quatre vieillards, femmes et enfants. PORTER UN JEAN. Le 6 novembre 1998, la justice italienne annule une condamnation pour viol, au prétexte que le jean que portait la victime était trop moulant pour être retiré sans son consentement. Le lendemain, en signe de protestation, des députées italiennes se présenteront au Parlement vêtues d’un jean4. PORTER UNE JUPE. En 2017, malgré la canicule, les chauffeurs de bus et tram nantais n’ont pas droit au short. Qu’à cela ne tienne, le 20 juin, six d’entre eux viennent travailler en jupe. Et gagnent ainsi le droit au bermuda. PORTER UN COL ROND. Le 16 mai 1966, le Parti communiste chinois émet une circulaire proscrivant les vêtements « bourgeois », « féodalistes » ou « révisionnistes » (c’est-à-dire occidentaux, traditionnels ou russes). La population se soumettra à cette « révolution culturelle », mais certaines personnes s’y opposeront discrètement, en se cousant un pantalon étroit, une fermeture éclair ou un col rond. Au risque d’être punies pour leur extravagance.  PORTER SES VÊTEMENTS DE TRAVAIL. À partir de 2009 en Indonésie, les employé·es de maison défendent leurs droits en manifestant avec leurs tabliers et leurs torchons noués sur la tête. Et font ainsi remarquer qu’on ne les remarque pas. GARDER SES GANTS. Au XVIe siècle en Allemagne, la bienséance exige que les personnes d’extraction modeste retirent leurs gants lorsqu’elles côtoient des aristocrates. En 1525, lors des révoltes paysannes, certains comtes se voient pourtant contraints de retirer les leurs par des paysan·nes qui n’en font pas autant. PORTER UN BURNOUS À L’ASSEMBLÉE. Après s’être converti à l’islam en 1894, le député français Philippe Grenier défendra la cause des colonisé·es, des musulman·es de France et des nécessiteux·ses. Et alertera ses collègues sur le risque de graves troubles en Algérie, en dépit des moqueries que lui vaudra son habitude de porter un burnous dans l’hémicycle.  PORTER UN GILET JAUNE. À partir de 2008 en France, tout véhicule en circulation doit être muni d’un gilet de haute visibilité. Dix ans plus tard, le mouvement des Gilets jaunes fera de cet accessoire, salvateur et banal, l’emblème de sa lutte contre la hausse du prix des carburants, l’injustice fiscale ou le manque de démocratie. PORTER UN GILET JAUNE À L’ASSEMBLÉE. Le 21 novembre 2018, sur les bancs de l’Assemblée nationale française, le député Jean Lassalle endosse un gilet jaune fluorescent. Ce vêtement, symbole de la contestation en cours (voir ci-dessus), tranche de manière éclatante avec l’harmonie chromatique neutre et boisée qui prévaut dans ce lieu de pouvoir et à laquelle est habituée l’élite politique. Cette transgression du code vestimentaire officiel entraînera une suspension de séance. [ Voir aussi « allaiter au Parlement »] PORTER UN MESSAGE. Au début des années 1990, alors que se développe en Chine une mode des tee-shirts à message, certains semblent subversifs (« J’en ai marre », « S’enrichir, c’est tout ce qu’il y a à faire », « espion », etc.). L’interdiction d’une liste de trente-quatre textes étant vite contournée par l’apparition de nouveaux, les autorités changent de stratégie. Elles encouragent leurs agents (armée, université, médias, etc.) à porter leurs propres messages. Et diluent ainsi la contestation dans la masse. PORTER UNE ARMURE GENRÉE. En 2015, l’artiste afghane Kubra Khademi parcourt des rues très fréquentées de Kaboul, vêtue d’un hijab et de protections de métal qui recouvrent ses seins, son ventre et ses fesses tout en amplifiant ses formes. Subissant les moqueries et les insultes que lui adressent les hommes, elle doit rapidement abréger sa performance. Elle sera ensuite menacée par une fatwa et devra quitter son pays (Armor). PORTER SA PROPRE NUDITÉ. En 1977, l’artiste française Orlan se promène dans un jardin au Portugal vêtue d’une toile reproduisant une photographie de son corps nu. Elle est alors arrêtée pour exhibitionnisme (S’habiller de sa propre nudité). [ Voir aussi « être nu », « s’habiller », « mettre un voile » et « se travestir »]

PORTER UN NŒUD COULANT. En 2017, dans l’État indien du Tamil Nadu, des paysans victimes d’une violente sécheresse dénoncent une aide insuffisante du gouvernement central en manifestant avec une corde autour du cou, en référence aux centaines de personnes que la crise a poussées au suicide. Ils n’obtiendront que l’annulation de leurs dettes.

PRÉLEVER PRÉLEVER DU MÉTAL. En 2009 à Cologne, l’artiste français Julien Berthier prélève, sur le mobilier urbain, des portions de tubes métalliques qu’il juge superflues. Après quoi il les soude ensemble, afin de reconstituer un profilé dont la longueur correspond aux standards du négoce, puis le met en vente. Sans succès (Matière première). [ Voir aussi « taxer des billets »]

PRENDRE EN OTAGE PRENDRE DES CHAISES EN OTAGE. Le 12 février 2015, des militant·es de l’association altermondialiste basque Bizi! se rendent dans l’agence HSBC de Bayonne et en ressortent avec huit chaises. Les activistes déclarent que ces assises ne seront restituées à la banque que lorsqu’elle remboursera les milliards d’euros que ses client·es ont, selon eux, cachés dans des paradis fiscaux grâce à elle. Cible de nombreuses critiques, l’établissement cédera, en 2024, ses agences françaises à un fonds états-unien.

PRÊTER PRÊTER DES LIVRES DANS UN GHETTO. En 1940, dans le ghetto de Varsovie, où un demi-million de personnes juives sont enfermées par les nazis, les bibliothèques sont interdites. Basia Berman y crée alors une bibliothèque pour enfants clandestine, d’abord itinérante dans un sac de voyage, puis dissimulée dans un bâtiment. Elle racontera que les livres étaient pour les petit·es une ressource vitale. Beaucoup ne seront pas rendus, car emportés par les enfants dans les camps de la mort. PRÊTER DES LIVRES DANS LA RUE. En 1989 dans le New Jersey, l’artiste d’origine irlandaise Michael Clegg et l’artiste d’origine israélienne Martin Guttmann installent dans la rue une bibliothèque permettant aux passant·es d’emprunter librement des livres et d’en déposer d’autres. Ce principe de bibliothèque partagée sera ensuite repris dans de nombreuses villes à travers le monde (Die Offene Bibliothek).  PRÊTER SON VISAGE. À partir de 2014, l’artiste états-unien Leo Selvaggio propose une solution pour échapper aux caméras de vidéosurveillance : porter des masques reproduisant son visage. Les systèmes de reconnaissance faciale seront égarés face à cette multiplication de Leo Selvaggio (URME Surveillance). [ Voir aussi « camoufler »]

PRIVATISER PRIVATISER DES LAMPADAIRES. En 2003 à Paris, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler modifie clandestinement des éclairages publics pour en télécommander l’allumage, puis se propose de le refaire pour qui veut. Ainsi, depuis 2006 à Brest, un acquéreur allume ou éteint à loisir le lampadaire présent sous ses fenêtres (Privatised).

PROMENER PROMENER UNE PIEUVRE. En 2000, l’artiste japonais Shimabuku emmène à Tokyo une pieuvre qui vient d’être pêchée. L’animal, encore vivant, voyage avec lui en train, prend un taxi, visite un site touristique ou contemple ses congénères sur un marché. À l’issue de cette balade, l’artiste raccompagne le céphalopode au bord de la mer et l’y replonge (Then, I Decided to Give a Tour of Tokyo to the Octopus from Akashi).  PROMENER UN SQUELETTE DE GIRAFE. Le 8 janvier 1959 à Paris, jour où le général de Gaulle prend ses fonctions présidentielles, un groupe d’étudiants de l’École normale supérieure conduisent à l’Élysée une caricature de l’homme d’État : un squelette de girafe affublé d’un képi et d’une écharpe tricolore. La fine équipe de normaliens potaches sera détournée vers un commissariat. PROMENER UNE BIBLIOTHÈQUE. À partir de 2012, les artistes Valentina Curandi et Nathaniel Katz, respectivement italienne et états-unien, se promènent dans les rues de New York avec des bibliothèques sur leur dos. Grâce à ces étagères portatives, qui ne contiennent que des livres pacifistes, les deux artistes discutent avec les passant·es des façons non violentes de changer radicalement le monde (The Pacifist Library). PROMENER UNE PISTE CYCLABLE. En 2009, les états-uniens Evan Grant et Alex Tee, respectivement designer et mécanicien, créent un appareil à lasers permettant de tracer, derrière les cyclistes, les contours d’une piste cyclable. Et d’indiquer ainsi aux automobilistes une limite à ne pas franchir (LightLane). PROMENER SA TÉLÉVISION. En Pologne en 1982, les autorités communistes répriment la contestation menée par le syndicat Solidarność et contrôlent les informations diffusées à la télévision. En réponse, de nombreuses personnes boycottent ostensiblement le journal télévisé en sortant se promener chaque soir à l’heure du bulletin d’information ou en baladant leur téléviseur dans une brouette. PROMENER DES SCULPTURES. En 1997 en Allemagne, l’artiste turque Ayşe Erkmen veut faire une intervention artistique sur la façade de la cathédrale de Münster, mais tous ses projets sont refusés par les chanoines, sans explication. Considérant le ciel comme un espace de liberté, elle décide alors de promener treize sculptures anciennes, suspendues à un hélicoptère, au-dessus du monument, puis de les déposer sur le toit d’un musée voisin. Le chapitre diocésain portera plainte, pour trouble à l’ordre public (Happening). PROMENER DES PRODUITS. En 2016, Joël Henry, cofondateur du Laboratoire de tourisme expérimental (Latourex), se rend dans un hypermarché strasbourgeois et s’y promène en remplissant son chariot d’articles bleus. Pour les reposer ensuite.

PROMETTRE PROMETTRE DE PROLONGER UN BOULEVARD. De 1946 à 1958, le poète et philosophe excentrique français Ferdinand Lop se déclare candidat lors de toutes les élections présidentielles françaises. Et fait des propositions pour Paris : prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer, octroyer une pension à la femme du Soldat inconnu ou supprimer le wagon de queue du métro. PROMETTRE MOINS DE POLLUTION. En 1978, l’artiste états-unien Lowell Darling, candidat à l’investiture démocrate en Californie, promet de remplacer les moteurs à explosion par des moteurs psychiques (moins polluants) et les parcmètres par des machines à sous (censées donner envie de se garer). Il s’engage également à insérer une caméra dans le front du président des États-Unis, afin d’offrir, en permanence, un accès télévisuel à son point de vue. PROMETTRE DE BAISSER LE CHÔMAGE. Créé en 1979, le parti britannique Fancy Dress Party5 déclare qu’il réduira les chiffres du chômage. En les imprimant avec des caractères plus petits. PROMETTRE UNE HONGRIE PLUS PETITE. Même si leur « Grande Hongrie » n’a jamais existé, les nationalistes hongrois·es aimeraient en rétablir les frontières. De son côté, le Parti hongrois du chien à deux queues propose une plus petite Hongrie. PROMETTRE DE DÉCEVOIR. Créé en 1963, The Rhinoceros Party du Canada6 est honnête : il s’engage à ne tenir aucune de ses promesses.

PROPOSER PROPOSER MODESTEMENT. En 1729, l’écrivain d’origine irlandaise Jonathan Swift publie un bref ouvrage intitulé Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public. Il y présente une solution simple pour résoudre le problème de la famine en Irlande : manger les bébés des miséreux. PROPOSER UN PARLEMENT DES CHOSES. En 1994, le philosophe français Bruno Latour propose de créer, en complément des Parlements existants, une chambre où siégeraient non seulement les humains, mais aussi les représentants des éléments naturels : les dauphins, les forêts, les rivières et les mers, voire le pétrole et les énergies fossiles. [ Voir aussi « organiser un contre-sommet écologique »] PROPOSER UN PONT PLUS LONG. En août 1996, invité à concourir pour la conception d’une passerelle piétonne au-dessus de la Tamise, l’artiste britannique Richard Wentworth propose un éloge de la lenteur : un tracé sinusoïdal, propice à la flânerie. Mais c’est un projet rectiligne qui sera retenu (Passage). PROPOSER UN ÉCHANGE DE MONUMENTS. En 1970, l’artiste franco-américain Robert Filliou propose que les pays européens s’étant autrefois combattus procèdent à des échanges de monuments aux morts. Il rêve de les voir franchir les frontières, suspendus à des hélicoptères (Commemor). PROPOSER DE TRANSFORMER UNE STATUE EN PIOCHES. Le 26 avril 2023, le déboulonnage de la statue de l’esclavagiste Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais qui, depuis 1856, orne un square de Saint-Denis de La Réunion, est officiellement annoncé. Le militant Yvrin Rosalie avait proposé, lui, que le monument soit fondu pour en faire des pioches, symbole du travail de ses ancêtres. PROPOSER DE TRANSFORMER DES OUBLIÉ·ES EN DIAMANTS. L’hôpital psychiatrique d’État de Salem, dans l’Oregon, dispose des cendres, non réclamées, de 3 489 personnes qui y ont été hospitalisées jusqu’aux années 1970. En 2006, l’artiste états-unienne Jill Magid propose de transformer ces cendres en autant de diamants (The Salem Diamonds).  PROPOSER AUX PAUVRES DE VENDRE LEUR PAUVRETÉ. En 2008, l’artiste néerlandais Renzo Martens parcourt les régions les plus pauvres du Congo pour suggérer aux photographes du pays de tirer profit de leur misère en fournissant aux médias occidentaux les images émouvantes qu’ils désirent. Les photographes congolais·es se mettent au travail. Mais, sans droit à une carte de presse, ce sera en vain. L’artiste racontera cet échec dans un documentaire intitulé Enjoy Poverty. PROPOSER DES RAFFINEMENTS. À l’époque coloniale, alors qu’ils rôtissent sur un bûcher jésuite, des Amérindiens suggèrent à leurs tortionnaires de nouvelles méthodes de torture (c’est du moins ce qu’affirme Henry David Thoreau dans son livre Walden). [ Voir aussi d’autres propositions : « blanchir Paris », « commémorer un déboulonnage », « déplacer une statue de femme », « exposer des bombes », « exposer une épave », « jeter de l’argent depuis un hélicoptère », dans « nettoyer » : « ne pas nettoyer (proposer de) », « punir la propriété », « recouvrir une statue », « rendre utiles les policiers », « retourner une statue » et « supprimer un défilé militaire »]

PROTÉGER PROTÉGER AVEC UN PRÉSERVATIF. Le 1er décembre 1993 à Paris, afin d’alerter les médias sur la propagation du sida et de souligner le rôle crucial des préservatifs, l’association Act Up recouvre, sans autorisation, l’obélisque érigé place de la Concorde. Il sera, deux heures plus tard, décalotté par la police. PROTÉGER LA RUSSIE AVEC UNE CRAIE. Le 6 mai 2007, alors que Vladimir Poutine règne sans partage au Kremlin, le collectif d’artistes russes Bombily trace une ligne de craie au sol autour du centre de Moscou. Se référant à un rituel décrit par Nicolas Gogol dans sa nouvelle Vij, les artistes déclarent que, grâce à cette ligne, la Russie sera désormais protégée du mal qui se tapit dans la capitale (Ligne blanche). SE PROTÉGER AVEC UN PARAPLUIE. En 2014 à Hong Kong, de nombreux·ses citoyen·nes manifestent pour défendre leur démocratie et se protègent des lacrymogènes à l’aide de parapluies. La multitude de ces accessoires recouvrant les cortèges donnera son nom au mouvement : la « révolution des parapluies ». SE PROTÉGER AVEC UN LIVRE. Lorsqu’elle traverse les quartiers interlopes de Vancouver, l’artiste canadienne Kathleen Ritter sait qu’elle peut être importunée, quelle que soit sa tenue ou son attitude. Seule solution : se munir d’un signe dissuasif. Un livre.  NOUS PROTÉGER DE NOUS-MÊME. En 2009, l’artiste états-unien Steve Lambert propose une application permettant de se déconnecter d’Internet pendant un temps déterminé. Une fois la minuterie lancée, le processus ne peut être entravé et nous met ainsi à l’abri de la tentation (Self Control).

PUNIR PUNIR LA PROPRIÉTÉ (PROPOSER DE). En 1652, dans son livre La Loi de liberté, le réformiste anglais Gerrard Winstanley propose de condamner à mort toute personne ayant vendu ou acheté des terres.

R

RACCOMMODER [ Voir « réparer ses vêtements »]

RALENTIR RALENTIR LA PRODUCTION [1]. On appelle « freinage » le fait de travailler délibérément plus lentement, pour ralentir la production. En Écosse à la fin du XIXe siècle, les dockers en grève se crient entre eux : « Go canny ! » (« Marche plus lentement ! »). RALENTIR LA PRODUCTION [2]. En Italie, dans les années 1970, des ouvriers en lutte ralentissent leur travail. Ils nomment cette lenteur « autoréduction des cadences », en référence aux autoréductions portant sur les loyers ou les factures. [ Voir aussi « rendre gratuit »] RALENTIR DES TRANSACTIONS. En juin 1964, afin de protester contre la discrimination raciale à l’embauche pratiquée par la Bank of America à San Diego, des membres du Rassemblement pour l’égalité des races se rendent aux guichets de la banque et passent une demi-heure à effectuer des transactions qui ne prennent habituellement que quelques minutes.  RALENTIR L’INFORMATION. En 2001 à Hiroshima, l’artiste français Olivier Bardin propose à la présentatrice d’un journal télévisé de ralentir le défilement du texte de son prompteur. Le débit de sa voix et le rythme de son image s’affranchissent ainsi momentanément des normes médiatiques (Breaking News). RALENTIR UNE MANIFESTATION. En 2007, l’artiste cubain Raychel Carrión Jaime participe au défilé du 1er Mai à La Havane en marchant au ralenti. Cette discrète perturbation passe d’abord inaperçue, puis menace d’empêcher le passage d’une large banderole. Le performeur est exfiltré par les services de sécurité, sans se départir de son étrange lenteur (Fallas de origen). RALENTIR LES VOITURES. En 2016, des inconnu·es modifient clandestinement des panneaux de signalisation à Minneapolis. Et réduisent ainsi, à 30 km/h, la vitesse autorisée. RALENTIR LES NAZIS. Le 14 octobre 1943, à la suite de la révolte des prisonniers et prisonnières du camp d’extermination de Sobibor, les Allemands demandent des renforts pour poursuivre les évadé·es. La demande est envoyée par un message télégraphique, mais, dans la station de télécommunication, la jeune télégraphiste chargée de transmettre le message retarde son envoi de quatre heures, au péril de sa vie. [ Voir aussi « travailler lentement »]

RAMASSER RAMASSER DU SEL. Dans l’Inde sous domination britannique, la population ne peut se fournir en sel qu’en l’achetant au gouvernement. Le 6 avril 1930, le Mahatma Gandhi s’avance dans un marais salant et ramasse une poignée de sel. Cet acte illégal sera ensuite massivement imité dans le pays, entraînant plus de 100 000 arrestations. RAMASSER DES DÉTRITUS. En 1994 à Kobe, l’artiste japonais Shimabuku se rend sur un terrain vague longé par une voie ferrée. Sous les yeux des voyageurs, il ramasse des détritus, déguisé en père Noël (Noël dans l’hémisphère sud).

RAMPER RAMPER SUR LES MARCHES DU CAPITOLE. Le 12 mars 1990 à Washington, lors d’une manifestation en faveur de personnes porteuses de handicap, une soixantaine d’entre elles tentent de gravir, comme elles peuvent, l’immense escalier conduisant au Capitole. Quatre mois plus tard, le président des États-Unis signera une loi exigeant que les édifices publics soient accessibles aux handicapé·es.

RAPETISSER RAPETISSER UNE MONTAGNE. Le 6 octobre 1989, le duo d’artistes allemands p.t.t.red se rend sur la plus haute montagne germanique et en découpe le sommet. Une fois redescendues, les roches prélevées sur la Zugspitze sont broyées. Et l’Allemagne diminuée (Der Berg und die Maschine).

RAYER D’UNE LISTE. En 1944, le jeune Hongrois et futur écrivain Imre Kertész est déporté à Auschwitz puis à Buchenwald. En 1945, lors de la liquidation du camp par les nazis, il échappe à la mort car son nom a été rayé d’une liste de personnes juives. Il s’en apercevra lors d’une visite du camp en 1990. Et ne saura jamais qui lui a ainsi sauvé la vie.

RECOUVRIR RECOUVRIR UN MONUMENT. En 1978, le maire d’Alger demande au sculpteur algérien M’hamed Issiakhem de créer une œuvre en remplacement d’un monument existant : Le Pavois, de Paul Landowski, édifié en 1928 à la gloire des Algérois morts pendant la Première Guerre mondiale. Mais, plutôt que de détruire cet héritage de la colonisation française, l’artiste décide de le laisser intact en le dissimulant sous un nouveau monument, rendant hommage à l’indépendance (Mémorial de la Libération). RECOUVRIR UNE STATUE (PROPOSER DE). En 2022, la ville de Vienne lance un appel à projet pour la « contextualisation » du monument à la gloire de Karl Lueger, ancien maire et antisémite notoire. L’artiste autrichien Jakob Glasner suggère alors d’ensevelir l’encombrant notable sous un tas de boue. La proposition, d’apparence scatologique, ne sera pas retenue (Braune Erde).  RECOUVRIR DES PUBLICITÉS. En 1990 à New York, dans le quartier d’Harlem, le révérend Calvin Butts, qui a constaté les effets désastreux des publicités pour les cigarettes et l’alcool sur sa communauté, envoie ses paroissiens les repeindre en blanc. À la suite de cette action, l’un des principaux afficheurs décidera de retirer de la ville ce type de publicités, si elles sont à proximité des églises, écoles ou aires de jeux. [ Voir aussi « cacher » et « enfouir »]

RECENSER RECENSER LES IMMIGRÉ·ES CLANDESTIN·ES. En 2003, l’artiste néerlandais Martijn Engelbregt adresse un formulaire provocateur aux habitant·es d’Amsterdam : il leur est demandé d’indiquer s’ils ou elles sont des immigrant·es illégaux·ales, s’ils ou elles en connaissent ou s’ils ou elles sont prêt·es à en signaler. La démarche, qui rappelle les heures sombres de l’occupation nazie, suscite de nombreuses protestations tout en attirant l’attention sur le durcissement des lois sur l’immigration aux Pays-Bas (Regoned). [ Voir aussi « sonder »]

RÉCITER RÉCITER UN LIVRE. À partir de 2010, la chorégraphe d’origine norvégienne Mette Edvardsen introduit dans des bibliothèques des « livres vivants » : des personnes ayant appris un livre par cœur proposent à celles et ceux qui le souhaitent de le leur réciter dans le lieu de leur choix (Time Has Fallen Asleep in the Afternoon Sunshine).

RÉCOMPENSER RÉCOMPENSER LES INDISCRETS. Créés au Royaume-Uni en 1998 par l’ONG Privacy International, les Big Brother Awards1 récompensent chaque année les États, entreprises ou décideurs qui menacent le mieux la vie privée. Ainsi, lors de la cérémonie française des Big Brother Awards en 2007, Google sera remercié pour l’ensemble de son œuvre.  RÉCOMPENSER DES POLLUEURS. Créé en Afrique du Sud en 2005 par l’ONG Groundwork, le prix Corpse récompense les pires atteintes à l’environnement. La première lauréate sera la multinationale Mondi Paper Company, pour sa contribution décisive à la pollution de l’air et de l’eau.  RÉCOMPENSER UN BÛCHERON. [ Voir « offrir une tronçonneuse en or »]

RECONSTITUER RECONSTITUER DES FAÇADES. En 1976 à Montréal, lors d’une exposition organisée à l’occasion des jeux Olympiques, l’artiste architecte et théoricien canadien Melvin Charney reconstitue les façades de maisons anciennes récemment détruites. L’œuvre dénonce les choix urbanistiques de la municipalité en place, qui a accepté des opérations immobilières causant la disparition des maisons. Deux jours avant l’inauguration de l’événement, ces maisons-décors sont détruites sur ordre du maire. Mais la brièveté de leur existence ne les fait pas si facilement oublier : cette démolition sera largement médiatisée et débattue. Et demeurera comme un cas exemplaire de censure institutionnelle (Les Maisons de la rue Sherbrooke).  RECONSTITUER DES MAISONS. Les personnes en fin de vie regrettent généralement de devoir quitter leur maison. En 2021 en Autriche, dans le jardin d’un hébergement pour personnes âgées, l’artiste tchèque Kateřina Šedá installe des reproductions de leurs maisons, sous forme de nichoirs pour oiseaux (Herzlich Willkommen !/Welcome !).  RECONSTITUER UNE BATAILLE. En 2001, l’artiste anglais Jeremy Deller organise un reenactment : il fait reconstituer la bataille d’Orgreave. Cet affrontement emblématique du thatchérisme a opposé, le 18 juin 1984, des mineurs refusant la fermeture de leur mine et des policiers. Pour faire cette reconstitution, l’artiste recrute, entre autres, de véritables acteurs des événements : des personnes qui étaient alors policiers ou mineurs. Il leur demande de rejouer leur histoire sur les lieux où elle s’est déroulée. Les participants interprètent ainsi leur propre vie ou celle de leurs anciens ennemis (The Battle of Orgreave).  RECONSTITUER UN MATCH. En 2002, dans le stade de la Pontaise à Lausanne, l’artiste suisse Massimo Furlan reconstitue la finale de la Coupe du monde de football de 1982. Dans la tribune de presse, un célèbre journaliste sportif commente le match en direct pour la télévision. Sur le terrain, l’artiste rejoue le match, seul. Et sans ballon (Furlan/Numero23)2.

RECRUTER RECRUTER DES FOOTBALLEURS. En 1991, alors que le football italien n’accueille que des sportifs à la peau blanche, l’artiste italien Maurizio Cattelan forme une équipe de football composée de travailleurs sénégalais vivant en Italie : l’« A.C. Forniture Sud ». Il la fait participer à des tournois régionaux. Sur leur maillot est imprimé le nom d’un sponsor imaginaire, emprunté à un slogan nazi : « Rauss ! » (« Sortez ! »).  RECRUTER DES TRAVAILLEURS. À partir de 1999, l’artiste espagnol Santiago Sierra recrute des travailleurs et travailleuses pauvres pour leur faire accomplir des tâches inutiles : rester assis·es dans des boîtes en carton (8 Persons Paid to Remain inside Cardborad), rester debout pendant trois heures (465 Paid People), se faire tatouer une ligne sur le dos (160 cm Line Tattooed on 4 People), etc. À chaque fois, il leur propose la rémunération la plus basse pratiquée dans le pays où l’événement a lieu. Ces performances dérangeantes, qui importent dans le contexte de l’art les conditions ordinaires de l’exploitation, seront régulièrement censurées. RECRUTER UN FIGURANT. En 2015 à Paris, l’artiste française Florence Jung emploie un figurant pour lui faire jouer le rôle de visiteur d’une exposition. Il entre, visite, sort et recommence, sans que rien le distingue des autres visiteurs (Jung40). RECRUTER DES CONJOINTS. En 1997, se référant à l’embauche de jeunes hôtesses par les hommes aisés désireux d’agrémenter leurs soirées ou de paraître bien accompagnés, l’artiste canadienne Judy Radul recrute cinq hommes et fait, chaque jour, une promenade amoureuse avec un homme différent (The Specialists). RECRUTER UN·E HOMONYME. En 1994, lors des élections municipales à Zurich, des activistes investissent un candidat portant le même nom que le candidat de la coalition de droite : Andreas Müller. Mais ni ce dernier ni la « Mülleralternative » ne remportent les élections3. [ Voir aussi, dans « renommer » : « se renommer »] RECRUTER DES CHATS. Dans les années 2010 au Sahara occidental, des militants du Front Polisario attachent des drapeaux de la République arabe sahraouie démocratique à des chats sauvages. La police anti-émeute marocaine devra pourchasser ces félins, pour leur retirer ces emblèmes. [ Voir aussi « insulter grâce à des chiens »]  ÉCHOUER À RECRUTER. En 2022 en banlieue parisienne, l’artiste d’origine allemande Thomas Geiger place devant un centre d’art des chaises de bureau accompagnées d’offres d’emploi : il propose aux personnes de passage d’être, pendant au moins une heure, directrices du centre d’art, assistantes ou commissaires d’exposition. Il précise qu’il leur suffit de rester assises là pour toucher le salaire correspondant. Personne ne se montrera intéressé (Les Chaises). [ Voir aussi « faire travailler »]

REFROIDIR REFROIDIR DES CLOCHES. En 2017 en Allemagne, l’artiste britannique Cerith Wyn Evans installe un système de refroidissement dans le clocher d’une église de Münster. Une fois rafraîchies, les cloches sonnent de manière plus aiguë. La scansion temporelle de la ville s’en trouve ainsi discrètement modifiée (A Modified Threshold… (for Münster)). SE REFROIDIR. Au XVIIIe siècle, les personnes souffrant de troubles mentaux sont enfermées dans des établissements dépourvus de chauffage. En 1794, dans l’hospice de Bicêtre près de Paris, un aliéné, légèrement vêtu par – 16 °C, dédaigne ses couvertures et prend plaisir à se faire fondre de la neige sur le corps. Les médecins sont d’autant plus déconcertés que cette provocation n’en est pas une. Sa folie fait office de rébellion.

REFUSER REFUSER DE SE BATTRE. En 295 en Numidie (actuelle Algérie), le jeune Berbère chrétien Maximilien refuse de servir dans les légions romaines car, dit-il, ses convictions religieuses le lui interdisent. Ce premier objecteur de conscience sera décapité. Puis canonisé. [ Voir aussi « déserter », « feindre l’inaptitude » et « s’abstenir totalement »] REFUSER DE TIRER. En 1917, durant la révolution russe, les soldats du tsar ne veulent plus tirer sur la population. Cette défection contribuera de manière décisive à l’insurrection bolchévique. REFUSER DES MÉDAILLES. Né en 1966, le mathématicien russe Grigori Iakovlevitch Perelman se voit décerner les plus prestigieuses récompenses de son domaine, mais les refuse toutes. Trop peu intéressé, dit-il, par l’argent ou la célébrité. REFUSER DE PAYER. En 1846, le philosophe états-unien Henry David Thoreau refuse de payer un impôt à l’État fédéral, afin de protester contre l’esclavagisme. Il ne passera qu’une nuit en prison car, à son grand dam, sa tante paiera la caution. À la suite de cet épisode, il forgera le concept de « désobéissance civile » et y consacrera un livre éponyme. REFUSER DE POSSÉDER. En Angleterre au XVIIe siècle, les Ranters s’opposent à toute propriété privée et proposent de tout redistribuer ou de tout refuser. REFUSER DES EMPLOIS. De 2000 à 2007, l’artiste français Julien Prévieux répond à d’innombrables offres d’emploi pour, à chaque fois, refuser le poste proposé. Dans cet exercice de style épistolaire, ses arguments sont tour à tour politiques, potaches ou absurdes. En réponse, il reçoit des lettres types et, parfois (rarement), des contre-arguments (Lettres de non-motivation). REFUSER DE TRAVAILLER. Au XIIIe siècle en Europe apparaissent des groupes religieux refusant le travail et la propriété. Ces « ordres mendiants », inspirés par la vie de Jésus et de ses apôtres, vivent de la charité et ne se consacrent qu’à la prière et à la contemplation. TOUT REFUSER. Dans les hôpitaux psychiatriques, certaines personnes refusent avec obstination. Elles ne veulent pas se servir de cuillères, mettre des chaussures, parler normalement, etc. Cette indiscipline en fait des asociales. Et des artistes hors du commun. [ Voir aussi « s’abstenir »]

REGARDER REGARDER EN L’AIR. En 1969 à New York, l’artiste états-unienne Lucy Lippard regarde le sommet des buildings jusqu’à ce que d’autres personnes en fassent autant4. REGARDER DES PASSANT·ES [1]. La même année, Lucy Lippard effectue une autre microperformance : elle fixe droit dans les yeux, aussi longtemps que possible, une personne croisée dans la rue (Contact Piece). REGARDER DES PASSANT·ES [2]. Dans les années 1970, alors que la liberté d’expression est inexistante dans son pays, l’artiste tchèque Jiří Kovanda effectue de discrètes performances. Ainsi, le 3 septembre 1977, il se retourne dans un escalator et regarde la personne derrière lui. REGARDER UNE CAMÉRA. En 2016, l’artiste chinois Ge Yulu se place, à l’aide d’un échafaudage, devant une caméra de vidéosurveillance. Il reste durant des heures à la regarder les yeux dans les yeux (Eye Contact). [ Voir aussi « parler à une caméra de vidéosurveillance [1] et [2] »] REGARDER UN CENTRE D’ART. À Genève en 2015, à la demande de l’artiste franco-suisse Jérôme Leuba, un homme passe trois journées debout à regarder un centre d’art. Si, depuis l’intérieur, des visiteurs le remarquent, il les observe (Battlefield #111/Sightseeing). REGARDER UNE ŒUVRE ABSENTE. En 2008, dans une foire d’art contemporain à Cologne, un groupe de personnes semblent regarder une œuvre qu’elles masquent. Mais il n’y a aucune œuvre. Et si une nouvelle personne se joint à elles, cherchant à voir l’œuvre fictive, elle ne fera que compléter cette sculpture vivante, conçue par l’artiste franco-suisse Jérôme Leuba (Battlefield #37/Focus). REGARDER DE L’AUTRE CÔTÉ DU RIDEAU DE FER. En 1970, l’artiste tchèque Miloslav Sonny Halas invite un groupe d’ami·es à se munir de chaises, à se rendre en train au pied de collines bordant la frontière autrichienne, à gravir la plus haute d’entre elles et à s’assoir sur leurs chaises pour contempler le paysage. Aussitôt après, il leur ordonne de redescendre. Une fois en bas, il leur annonce qu’il s’agissait d’une performance intitulée Pohled do svobodné země (« Un regard sur le pays de la liberté »). REGARDER LE MONDE. En 1970 à San Franciso, l’artiste états-unienne Bonnie Sherk place un fauteuil dans différents lieux (le quartier des affaires, le Golden Gate Bridge, etc.), puis s’assoit pour contempler l’agitation humaine (Sitting Still).

RÉGLEMENTER L’ACCÈS RÉGLEMENTER L’ACCÈS À UNE PISCINE. En 2000, l’artiste danois Jens Haaning fait modifier la tarification des entrées de la piscine de Biel, en Suisse : l’entrée devient gratuite pour les étrangers (Foreigners Free – Biel Swimming Pool). RÉGLEMENTER L’ACCÈS À UNE EXPOSITION [1]. En 2003, l’artiste espagnol Santiago Sierra représente son pays à la Biennale d’art de Venise. Il fait dresser un mur devant l’entrée du pavillon ibérique et interdit l’accès à l’exposition à tous les Non-Espagnols (Wall Enclosing a Space). RÉGLEMENTER L’ACCÈS À UNE EXPOSITION [2]. En 2012, l’artiste cubaine Tania Bruguera restreint l’accès à une partie de la Tate Modern à Londres. Les personnes autorisées à visiter ces espaces d’exposition sont choisies de manière aléatoire. D’autres sont soumises au détecteur de mensonges, tandis qu’elles sont interrogées sur leurs voyages (Surplus Value).

SE RÉJOUIR SE RÉJOUIR DE POUVOIR MANIFESTER. En 1976 à Genève, l’artiste hongrois Endre Tót savoure la démocratie en brandissant une pancarte sur laquelle est inscrit « Je suis heureux de pouvoir brandir cela » (TÓTalJOYS). [ Voir aussi « brandir »]

RELOCALISER RELOCALISER UN CENTRE D’APPELS. En 2017, l’artiste suisse Roland Roos fait venir à Zurich huit personnes employées dans un centre d’appel kosovar, pour qu’elles poursuivent leur tâche, le temps d’une exposition, dans un bureau prestigieux avec vue sur le lac5. Exceptionnellement, les Suisses peuvent ainsi parler à des téléopérateur·rices travaillant en Suisse (0800 226 113).

REMBOURSER REMBOURSER SA VICTIME. En 1902 à Rochefort, lorsque l’anarchiste français Marius Jacob cambriole la maison d’un officier de marine, il découvre que celui-ci est l’écrivain Pierre Loti. Il renonce alors à son larcin et laisse 10 francs à l’orientaliste, pour qu’il répare son volet brisé. REMBOURSER DES CLANDESTINS. En 1993, près de la frontière mexicaine, les artistes états-unien·nes Elizabeth Sisco, Louis Hock et David Avalos remboursent, à hauteur de 10 dollars chacun·e, les personnes ayant immigré clandestinement aux États-Unis. Les trois artistes considèrent en effet que ces personnes contribuent, par leur travail et leurs achats, à l’économie et aux finances publiques. L’agence culturelle fédérale sera d’un avis différent. Et leur retirera sa subvention. (Art Rebate/Arte Reembolso). NE PAS REMBOURSER. Au temps des colonies, endetter les autochtones permet de les contraindre à travailler. Sauf à Samoa où, depuis le XIXe siècle, les habitant·es ont pour coutume de ne pas honorer leurs dettes. Dans ces îles, l’honneur exige de payer son dû, mais pas aux étrangers6.

REMÉMORER REMÉMORER LE PASSÉ. À Zagreb, durant la période socialiste, une usine textile portait le nom de Nada Dimić, une résistante communiste morte en camp de concentration. Dans les années 1990, l’usine est privatisée, change de nom, puis fait faillite. En 2000, l’artiste croate Sanja Iveković fait restaurer l’ancienne enseigne en néon, afin que le nom de Nada Dimić se dessine de nouveau dans la nuit et que les passant·es se remémorent leur propre histoire (SOS Nada Dimić).

REMERCIER REMERCIER UN TRAVAILLEUR. En art contemporain, les noms des artistes sont associés aux œuvres, alors que celles et ceux qui ont contribué à leur réalisation ne sont généralement pas mentionné·es. En 2009, l’« artiste collective » française Claire Fontaine renverse les choses : elle fait réaliser par un artisan une œuvre consistant en un texte en néon. Et ce texte ne dit rien d’autre que le nom de l’artisan et le montant de sa rémunération (This Neon Sign Is Made By…). REMERCIER DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES. De 1977 à 1980, l’artiste états-unienne Mierle Laderman Ukeles salue et remercie, un·e par un·e, les travailleurs et travailleuses qui assurent le nettoyage de New York, soit plus de 8 500 personnes (Touch Sanitation). REMERCIER UNE VILLE. En 2020, l’artiste français Julien Berthier, auquel la Ville de Paris a accordé un atelier, décide de la remercier en installant un lampadaire dans la rue, alimenté depuis ledit atelier. Quelques jours plus tard, un policier lui demande gentiment de libérer l’espace public (Le Contre-don). REMERCIER UNE RÉGION. En 1995, l’artiste français Raphaël Boccanfuso reçoit une aide à la création de la région Île-de-France. Avec cette somme, il achète une voiture. Puis, considérant que les artistes sont des compétiteurs, il recouvre le véhicule d’adhésifs mentionnant le soutien de la région, comme cela se pratique pour le sponsoring des voitures de sport (Savoir présenter ses remerciements de face, de trois quarts et de profil). REMERCIER DES SUPERMARCHÉS. En 2001, l’artiste français Francesco Finizio adresse des courriers à des supermarchés sous des identités fictives. Les personnes qu’il invente remercient les enseignes pour les nombreux prospectus publicitaires qu’elles reçoivent. Ravies par ces imprimés qui stimulent la créativité de leurs enfants et leur suscitent des vocations, elles formulent des suggestions et demandent de l’aide ou des conseils pour que leur descendance s’insère dans la vie active. Mais n’obtiennent aucune réponse (Dialogues avec la grande distribution).

REMPLACER REMPLACER UNE VOITURE. En 1977, l’artiste tchèque Vladimír Ambroz, considérant l’envahissement des villes par les parkings, décide de se substituer à une voiture : il se couche dans un emplacement vacant, le corps en croix, les mains et les pieds dans des pneus (Car). REMPLACER UN GARDIEN DE MUSÉE (SE PROPOSER DE). En 2002, l’artiste français François Durif se propose de remplacer des gardiens de la Maison de Balzac et de leur offrir ainsi une journée de congé. La proposition est refusée par le directeur du musée, qui craint que celle-ci ne déstabilise ses agents de surveillance spécialisés7. REMPLACER DU FUMIER. En 2007 en Allemagne, la pollution du lac artificiel d’Aasee par les phosphates, due à l’abondant épandage de lisier dans les champs, menace la santé des personnes qui s’y baignent et oblige les autorités à l’assainir en y introduisant du chlorure de fer. L’artiste danois Tue Greenfort décide alors de rendre visible ce combat contre la souillure agro-industrielle, en plaçant au bord de l’eau – le temps d’une exposition – une citerne d’épandage, qui, au lieu de déverser son fumier habituel, projette dans le lac un généreux jet d’eau chargée de chlorure de fer (Diffuse Entries). REMPLACER UNE PUBLICITÉ. En 1994, l’artiste français Pierre Huyghe réalise clandestinement une photo dans un chantier situé sur un carrefour parisien. La photo, qui montre des ouvriers au travail (des complices déguisés), est ensuite imprimée en grand format et collée tout aussi clandestinement sur un panneau publicitaire qui borde le chantier. Les passant·es sont ainsi invité·es à regarder, au lieu d’une publicité, l’image d’ouvriers travaillant dans un chantier présent sous leurs yeux (Chantier Barbès Rochechouart). [ Voir aussi « détourner des espaces publicitaires [1], [2] et [3] »] REMPLACER DES PUBLICITÉS PAR DES ŒUVRES [1]. En 1977, l’artiste états-unienne Ann Messner remplace, dans un métro new-yorkais, les publicités par des photographies prises dans ce même métro. Les voyageurs et voyageuses contemplent ainsi des images de leur propre situation (Subway Story Ad Dis-placement). REMPLACER DES PUBLICITÉS PAR DES ŒUVRES [2]. En 2008, l’artiste états-unien Steve Lambert crée une extension de navigateur Web permettant de remplacer automatiquement les publicités par des œuvres (Add-Art). [ Voir aussi « bloquer les publicités [1] et [2] »] REMPLACER UNE MONNAIE PAR UNE AUTRE [1]. En 1932, alors que la crise économique mondiale fait exploser le chômage et l’inflation en Autriche, Michael Unterguggenberger, maire de la commune de Wörgl, introduit une monnaie parallèle, la Wörgler Schwundgeld. Constituée de bons, remis en échange de travaux communaux, elle permet à l’emploi et aux finances locales de se redresser. Ce « miracle de Wörgl » sera cependant abrégé en 1933 sur ordre de la Chancellerie. Dans une vallée voisine, un pont portera longtemps l’inscription « Construit avec de l’argent gratuit ». REMPLACER UNE MONNAIE PAR UNE AUTRE [2]. Les systèmes d’échanges locaux (SEL), nés au Canada dans les années 1980, permettent d’échanger localement des services, au sein d’un groupe qui définit sa propre unité de mesure, généralement fondée sur le temps passé. Le système permet l’entraide et sauve certaines personnes de la précarité, mais peut être accusé de contournement du fisc.  REMPLACER DES HOMMES PAR DES VULVES. En 1992, dans les galeries de peinture classique de la Neue Galerie de Cassel (Allemagne), l’artiste états-unienne Zoe Leonard retire les tableaux figurant des personnages masculins – souvent des hommes de pouvoir – pour les remplacer par les photos des sexes de ses amantes ou amies. Celles-ci alternent ainsi crûment avec des peintures de femmes idéalisées (Untitled). REMPLACER UNE MITRAILLEUSE PAR UNE CAMÉRA. Durant la guerre d’Espagne, l’écrivain français André Malraux combat aux côtés des républicains. En août 1938, il remplace, au péril de sa vie et de celle de ses compagnons, la mitrailleuse d’un avion par une caméra, afin de filmer le conflit et de réaliser son film L’Espoir. REMPLACER UN CONDAMNÉ. En juillet 1941, dans le camp de concentration d’Auschwitz, à la suite de l’évasion d’un prisonnier, dix autres sont condamnés. Le prêtre polonais Maximilien Kolbe, déporté pour ses actes et positions anti-nazis, demande alors à prendre la place de l’un d’entre eux, un père de famille. Privé d’eau et de nourriture, le religieux tiendra trois semaines, avant d’être exécuté. Le père de famille vivra, lui, jusqu’en 1995.

RENDRE FICTIF RENDRE LE MONDE FICTIF [1]. Du 27 mai au 8 juin 1968 à Rosario en Argentine, l’artiste argentin Norberto Puzzolo installe, dans une boutique vide, des chaises tournées vers la vitrine, suggérant ainsi que la rue est un spectacle (Las Sillas). RENDRE LE MONDE FICTIF [2]. À partir de 2010, le collectif artistique français Les Gens d’Uterpan installe des rangées de chaises dans la rue, invitant le public à s’y installer et à regarder le monde (Audience).

RENDRE GRATUIT RENDRE LES VÉLOS GRATUITS. Dans les années 1960 aux Pays-Bas, le groupe activiste des Provos propose aux habitant·es d’Amsterdam de peindre leurs vélos en blanc et de les laisser à la libre disposition de tous. L’expérience est de courte durée car les vélos sont appropriés, jetés dans les canaux ou saisis par la police qui les juge illégaux car dépourvus d’antivols8. RENDRE LES LOGEMENTS, L’ÉLECTRICITÉ OU LES TRANSPORTS GRATUITS. À partir de 1969 en Italie, des comités de quartier révoltés par la misère ouvrière pratiquent l’« autoréduction ». Ils refusent de payer les loyers, l’électricité, le gaz ou les transports et réquisitionnent des logements vacants. Certains ouvriers pratiqueront aussi l’« appropriation collective » en s’emparant d’articles dans les magasins et en déclarant : « Les biens que nous avons pris sont à nous, comme est nôtre tout ce qui existe parce que nous l’avons produit. » RENDRE UNE AUTOROUTE GRATUITE. Le 20 mai 1968, alors que, à la suite de la révolte étudiante, une grève générale se déploie en France, les employé·es des péages de l’autoroute Paris-Lille cessent de faire payer les automobilistes. RENDRE DES LIVRES GRATUITS. En 2001, l’artiste et programmeur allemand Sebastian Lütgert transgresse les règles du copyright en lançant textz.com, un site sur lequel on peut télécharger gratuitement de nombreux livres. Bien que les textes qu’il a choisis partagent, selon lui, son opposition à la propriété intellectuelle, il sera contraint d’en retirer certains. [ Voir aussi « offrir » et « saturer les ayants droit »]

RENDRE MIXTE RENDRE UNE ÉCOLE MIXTE. En France en 1880, alors que filles et garçons sont séparé·es dans les écoles, le pédagogue libertaire français Paul Robin instaure la mixité dans l’orphelinat qu’il dirige, à Cempuis. Cette « coéducation » étant jugée dépravée par la presse catholique, il sera révoqué en 1894. RENDRE UN HAMMAM MIXTE. En 1997, l’artiste performeuse turque Şükran Moral se rend dans un hammam pour hommes d’Istanbul et fait usage des lieux. Sans provoquer l’hostilité des hommes présents (Hamam).

RENDRE UTILE RENDRE UTILE UN JET D’EAU. En 2002 à Vancouver, un jet d’eau froide surgit par intermittence d’une bouche d’aération, afin d’empêcher les sans-abri de s’y réchauffer. L’artiste canadienne Colleen Brown lui trouve alors une utilité : elle y installe une plante verte, de la vaisselle à laver ou du linge à lessiver (Doorstop). RENDRE UTILES LES POLICIERS (PROPOSER DE). Dans les années 1960, le groupe néerlandais des Provos propose que les policiers soient vêtus de blanc et aient pour mission de rendre service aux citoyens : leur indiquer des itinéraires, leur offrir du feu, etc. Ils appellent cela le « plan poulets blancs ».

RENOMMER RENOMMER UNE RUE. En 1868 à Paris, l’empereur Napoléon III baptise la « rue du 10 décembre » à la gloire de sa propre élection. Mais, deux ans plus tard, des Parisien·nes collent des affichettes pour en faire une « rue du 4 septembre », en hommage au rétablissement de la République. Elle gardera ce nom9. RENOMMER DES RUES. Durant l’occupation allemande en Pologne, à la demande du gouvernement clandestin, les Polonais·es renomment nuitamment la plupart des rues du pays en leur donnant des noms d’hommes d’État ou de héros de guerre : avenue Niedziałkowski, rue Roosevelt, boulevard Churchill, etc. RENOMMER DES PLACES. Le 5 septembre 2002 à Paris, l’artiste français Bruno Macé et une trentaine de complices rendent hommage au pouvoir économique en collant de nouveaux noms sur des plaques de rue ou des entrées de métro : la Concorde devient ainsi la « place LVMH, » la Nation se transforme en « place Axa », etc. Le rond-point des Champs-Élysées-Marcel-Dassault10 est, quant à lui, rebaptisé « rond-point des Champs-Élysées » (Libéralisme, jusqu’où ?).  RENOMMER UNE RUE À SON NOM. En 2013, l’artiste chinois Ge Yulu constate qu’une rue de Pékin n’est nommée par aucune signalisation. Il installe alors des panneaux portant son propre nom (Lu voulant dire « route », Ge Yulu peut vouloir dire « route Ge Yu »). Peu après, l’imposture est institutionnalisée : les documents officiels et les applications cartographiques mentionnent cette appellation. RENOMMER DES MUSIQUES. En Allemagne, durant la Seconde Guerre mondiale, le jazz est considéré par les nazis comme un art dégénéré. Il est donc interdit et les artistes sont persécuté·es. Pour contourner cette censure, les morceaux de jazz sont renommés : Tiger Rag devient Schwartzer Panther, Black Bottom devient Schwartzer Erde, Lady Be Good devient Frau, sei gut. Le subterfuge est un succès : les concerts sont autorisés et, dans le public, on voit des nazis applaudir. Certains standards sont même interprétés par l’orchestre officiel de la Wehrmacht, à son insu. RENOMMER UNE STATION-SERVICE. Après la défaite allemande en 1945, de nombreux nazis, recherchés pour leurs crimes, s’exilent clandestinement en Amérique du Sud. En 1986, l’artiste allemand Martin Kippenberger achète une station-service au Brésil et lui donne le nom de Martin Bormann, suggérant ainsi que l’ancien conseiller d’Hitler est devenu pompiste. Le geste, bien qu’humoristique, sera qualifié de néonazi (Martin Bormann Gas Station). RENOMMER UN MINISTÈRE. Le matin du 17 août 1996, sur la page d’accueil du site Internet du ministère de la Justice des États-Unis, le nom de l’institution est temporairement transformé : il devient « Department of Injustice ». À la suite de ce piratage, le site restera fermé deux jours, le temps d’être sécurisé.  RENOMMER UNE MONTAGNE. En 2018, en rupture avec sa tradition pacifiste, la Suisse autorise ses fabricants d’armes à exporter vers des zones de guerre civile. En réaction, l’artiste zurichois Roland Roos gravit le deuxième plus haut sommet helvète et y remplace la plaque commémorative, pour que la « pointe Dunant » ne porte plus le nom du fondateur de la pacifique Croix-Rouge, mais redevienne l’Ostspitze (la pointe de l’Est) (Together Ahead). SE RENOMMER. En 2007, trois artistes slovènes font modifier leur identité afin de porter le nom de leur Premier ministre, le conservateur Janez Janša. Puis ils se font appeler ainsi et utilisent ce nom pour signer leurs œuvres et leurs papiers administratifs. Cette démarche suscite une large médiatisation et un profond agacement du Premier ministre11 (Janez Janša/Janez Janša/Janez Janša). [ Voir aussi « féminiser des rues », « nommer » et « recruter un·e homonyme »]

RENTRER SA CHEMISE DANS SON PANTALON. Marjane Sartrapi raconte, dans sa bande dessinée Persepolis, que, dans les années 1980 en Iran, les hommes opposés à la République islamique portent leur chemise glissée dans leur pantalon, bravant ainsi l’exigence des « gardiens de la révolution » : avoir la chemise sortie, pour ne pas laisser deviner son anatomie.

RENVERSER RENVERSER UNE COLONNE. De 1800 à 1810 à Paris, la colonne Vendôme est érigée à la gloire de Napoléon Ier. Le 16 mai 1871, le monument est renversé par les révolutionnaires de la Commune, farouchement opposés à ce symbole impérialiste. Auteur d’une pétition appelant à son déboulonnage, le peintre Gustave Courbet sera condamné à la faire relever à ses frais, ce qui le contraindra à l’exil, en Suisse, jusqu’à la fin de ses jours. RENVERSER DES BOLS À AUMÔNES. En 1990, la junte militaire birmane garde le pouvoir après avoir perdu les élections. En réponse, des moines refusent les dons des militaires et de leurs familles et renversent devant eux leurs bols à aumônes. Les militaires sont sidérés par cet affront, qui paralyse leur karma et les condamne à des destinées inférieures. RENVERSER LE MONDE. En 1961, l’artiste italien Piero Manzoni retourne un bloc sur lequel est inscrit « Socle du monde », puis le pose au sol. Il suggère ainsi que le monde est entièrement à l’envers, supporté par ce socle (Le Socle du monde, hommage à Galilée)12. [ Voir aussi « retourner »]

RÉPARER RÉPARER SES VÊTEMENTS. À partir des années 2010, alors que s’est installée dans les pays riches l’habitude des vêtements pas chers et jetables, le raccommodage réapparaît sous une forme revendicative : les adeptes du visible mending assument de repriser leurs pulls ou de rapiécer leurs pantalons. Et tirent même, de l’amateurisme de leurs ouvrages, une fierté écologique. RÉPARER L’HORLOGE DU PANTHÉON. En 2005 à Paris, un groupe de personnes amatrices d’infiltrations illicites restaurent clandestinement et bénévolement, durant un an, l’horloge du Panthéon, restée en panne après un sabotage dans les années 1960. Lorsque le Centre des monuments nationaux découvre cette réparation, il porte plainte contre les horlogers et horlogères pirates. Ne jugeant pas recevable de se plaindre pour un service rendu, le tribunal classera l’affaire13. RÉPARER TOUTES SORTES DE CHOSES. De 1999 à 2006, l’artiste français Didier Courbot rend bénévolement des services dans l’espace public. À Rome, Tokyo ou Paris, sans qu’on lui ait rien demandé, il repeint un passage piéton, répare un vélo ou arrose des plantes (Needs)14. [ Voir aussi, dans « bricoler » : « tout bricoler »]

RÉPONDRE RÉPONDRE AUX MAÎTRES. Être insolent·e est l’une des rares libertés qui restent à l’esclave, à ses risques et périls. Au XVIIe siècle au Mexique, une impertinence croissante est, aux yeux des colons espagnols, le symptôme d’un complot et d’une révolte à venir. RÉPONDRE PAR UNE IMAGE. En 1967, durant l’affrontement sino-soviétique, des soldats chinois – un peloton entier – ont pour habitude de venir quotidiennement baisser leurs pantalons pour présenter leurs fesses aux Soviétiques. Le jour où ces derniers leur présentent des portraits de Mao, la provocation prend fin. RÉPONDRE AVEC DU BEURRE. Durant la Seconde Guerre mondiale, des militaires allemands déposent à la frontière suisse un tas de fumier, afin de se moquer de la légendaire propreté suisse. En réponse, les Helvètes nettoient consciencieusement les lieux et y déposent une motte de beurre, emblème à leurs yeux des préférences alimentaires germaniques. RÉPONDRE PAR DES FLASHES. En 2008, l’artiste d’origine états-unienne Adam Harvey met au point « Camoflash », un équipement anti-paparazzi. Quand cet instrument perçoit un flash, il en envoie aussitôt un autre, qui éblouit l’appareil photo indiscret. RÉPONDRE À UNE CAMÉRA. En 2004, l’artiste-activiste britannique Banksy écrit sur un mur faisant face à une caméra de vidéosurveillance : « What are you looking at ? » (« Que regardez-vous ? »).  RÉPONDRE EN MIROIR. De 1997 à 2003, l’artiste français Alain Declercq répond à des lettres manuscrites en imitant l’écriture et le style de son correspondant (Faux en écriture).

REPRODUIRE REPRODUIRE UNE ŒUVRE (ET LA MODIFIER). À l’occasion d’une exposition en 2001, l’artiste croate Sanja Iveković réalise dans la ville de Luxembourg une réplique du monument aux morts local. Mais, dans sa version, intitulée Lady Rosa of Luxembourg, la femme figurée à son sommet est enceinte et les noms des soldats morts sont remplacés par des notions que les femmes ont souvent symbolisées : « résistance », « justice », « liberté »… mais aussi « pute », « salope », « madone » et « vierge ». Incomprise par beaucoup, l’œuvre fait scandale. À l’issue de l’exposition, la sculpture sera temporairement conservée dans la cour d’une maison pour femmes battues. [ Voir aussi « déplacer une statue de femme (proposer de) »]  REPRODUIRE UN DISPOSITIF HOSTILE. En 2017, l’artiste français Laurent Lacotte reproduit dans une exposition un dispositif anti-allongement, similaire à ceux que l’on place au pied des immeubles afin d’éviter que des sans-abri s’y installent15. Le dispositif misanthrope et décoratif, constitué de cailloux scellés dans du ciment, devient ainsi une œuvre intitulée Bas-relief.

RÉSERVER RÉSERVER DES PLACES À UN MEETING. En 2020, le président états-unien Donald Trump, candidat à sa réélection, espère relancer sa campagne à l’occasion d’un meeting dans l’Oklahoma. De nombreux jeunes adeptes des réseaux sociaux s’y concertent alors pour s’inscrire à l’événement, au point que le candidat suprématiste et déficient se flatte bientôt d’avoir près d’un million de demandes. Mais les garnements n’ont pas l’intention de venir : le 20 juin, le vaste stade de Tulsa est aux deux tiers vide.

RÉSISTER RÉSISTER AVEC DES RÉSISTANCES. Au début des années 1980, dans une école d’ingénieurs à Białystok en Pologne, les personnes opposées au régime dictatorial de Wojciech Jaruzelski se reconnaissent grâce à un discret et symbolique bijou : une résistance électrique. RÉSISTER DISCRÈTEMENT. Durant la Seconde Guerre mondiale, selon certains récits16, les physiciens allemands chargés de mettre au point une bombe atomique retardent volontairement l’avancement de leurs recherches en éludant des informations cruciales, en contestant les conclusions de leurs confrères et en entretenant le flou sur l’avancement de leurs travaux. Prétendre coopérer étant alors la seule solution s’offrant à eux : se mettre ouvertement en grève les mettrait en danger et les exposerait à être remplacés par des chercheurs moins scrupuleux.

RESPIRER RESPIRER TROIS FOIS. Le 6 avril 2000 en Corée du Sud, le mouvement de lutte contre la corruption décide d’opter pour la non-violence. Cette attitude implique plusieurs consignes, dont celle de respirer trois fois avant de parler à un adversaire.

RESSUSCITER RESSUSCITER DES SOLDATS. Le 1er juillet 2016, l’artiste anglais Jeremy Deller réalise une performance célébrant le centenaire de la bataille de la Somme : des milliers de jeunes hommes vêtus d’uniformes de la Première Guerre mondiale errent à travers le Royaume-Uni, dans des gares, des rues ou des centres commerciaux. Chacun représente un soldat anglais mort le premier jour de la bataille. Lorsqu’une personne s’approche de l’un d’entre eux, celui-ci lui remet silencieusement une carte de visite sur laquelle sont inscrits le nom, l’âge et le régiment du soldat qu’il incarne (We’re Here Because We’re Here). RESSUSCITER UNE USINE. En 2000 en Italie, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler ressuscite momentanément le passé industriel de Bielle, en faisant fumer la cheminée d’une usine textile abandonnée (Good Old Times).

RESTER RESTER ASSISE. Le 2 mars 1955 dans l’Alabama, Claudette Colvin, une jeune fille noire âgée de 15 ans, s’assoit dans un bus pour se rendre à l’école. Lorsque le chauffeur du bus lui demande de se lever pour laisser la place à un passager blanc, conformément à la loi, elle refuse. Le chauffeur appelle la police qui, face au refus persistant de l’adolescente, l’arrête et la met en prison. Elle sera ensuite condamnée pour agression sur agent de police17. [ Voir aussi « s’assoir »] RESTER DEBOUT [1]. En Norvège, durant la Seconde Guerre mondiale, des citoyen·nes refusent de s’assoir à côté des Allemands dans les tramways. En réponse, les nazis rendront illégal de rester debout si des sièges sont disponibles. RESTER DEBOUT [2]. Le 18 juillet 2000 à l’aéroport d’Heathrow près de Londres, le Congolais Salim Rambo est mis dans un avion pour être expulsé, alors qu’il demande l’asile politique. Au moment du décollage, un passager membre d’une association qui soutient le réfugié refuse de s’assoir. Ce refus empêchant le pilote de décoller, les deux hommes sont débarqués de l’avion. Salim Rambo sera ensuite libéré sous caution. RESTER DEBOUT [3]. En 2013 à Istanbul, afin de protester contre l’attitude autoritaire et antidémocratique de l’État turc, le chorégraphe Erdem Gündüz reste debout, immobile, durant un mois sur la place Taksim. Pour pouvoir se reposer, il se fait parfois remplacer. RESTER DEHORS. Du 26 septembre 1981 au 26 septembre 1982 à New York, l’artiste d’origine taïwanaise Tehching Hsieh reste dehors sans entrer dans aucun bâtiment ni aucun abri (One Year Performance 1981-1982 (Outdoor Piece)). RESTER INDIFFÉRENT. En 2012 à Nancy, l’artiste française Marianne Villière organise une « Manifestation d’indifférence ». Des dizaines de personnes déambulent à égale distance les unes des autres, le visage neutre, sans jamais entrer en contact et sans jamais se regarder.

RETIRER RETIRER SON VOILE. En 1848, la poétesse et théologienne perse Fāṭemeh est l’unique femme à participer à une conférence islamique au bord de la mer Caspienne. Après quelques jours, elle enlève soudainement son voile, causant la stupeur des hommes présents, au point que l’un d’entre eux se serait tranché la gorge. [ Voir aussi « mettre un voile » et, dans « être poilu·e (ou non) » : « montrer ses cheveux », « raser ses cheveux » et « se couper des mèches »] RETIRER UNE LETTRE. Durant des années, le slogan de la multinationale pétrolière Shell est « Go to Shell ». Des activistes en profitent pour effacer une lettre et transformer l’injonction en « Go to hell ».

SE RETIRER SE RETIRER DE ROME. En 449 avant Jésus-Christ, afin de protester contre le despotisme de leurs dirigeants, les plébéien·nes désertent Rome et obtiennent ainsi que soit instauré un État de droit, fondé sur des lois préfigurant le code civil moderne. SE RETIRER DANS UNE GROTTE. Vers 250 en Égypte, Paul, un jeune orphelin chrétien, se réfugie dans une grotte pour fuir les persécutions romaines. Il y restera soixante ans. Une fois mort, l’anachorète sera enterré dans une fosse, que deux lions se seront donné la peine de lui creuser18. Il sera ensuite canonisé. SE RETIRER EN HAUT D’UNE COLONNE. Pour rester plus près de Dieu, les stylites hindous demeurent en haut d’une colonne. Et se déplacent à dos d’éléphant. SE RETIRER DANS LA NATURE. À partir du XVIe siècle, des personnes parties d’Europe pour l’Amérique du Nord se livrent au commerce de fourrures, s’intègrent aux peuples autochtones et s’accoutument à la vie dans les bois. Ces trappeurs ou « Indiens blancs » quittent ainsi la civilisation, au grand dam des autorités coloniales et religieuses, outrées par cet ensauvagement19. [ Voir aussi « s’abstenir » et « changer de vie »]

RETOURNER RETOURNER UN DRAPEAU. Depuis le XIXe siècle, les Hawaïen·nes retournent leur drapeau (le bas se retrouve en haut), en signe de protestation ; notamment pour rappeler la perte de souveraineté de l’archipel, en 1893. RETOURNER UNE STATUE (PROPOSER DE). En 2021, l’université d’Oxford refuse de déboulonner la statue du colonialiste et suprémaciste Cecil Rhodes, qui orne l’une de ses façades. L’artiste britannique Antony Gormley propose alors de la retourner pour que, tel un enfant puni, Rhodes se retrouve face au mur. Mais l’institution, réticente à l’idée d’humilier son bienfaiteur, se contentera de poser une plaque pédagogique. RETOURNER DES PANNEAUX INDICATEURS. Le 30 octobre 2023 dans le Tarn, des paysan·nes révolté·es, estimant qu’« on marche sur la tête » en matière de politique agricole, décident de le faire savoir en retournant des panneaux routiers à l’entrée des agglomérations. ALOS devient ainsi SOAL, ASSAC devient ACSSA, GAILLAC devient LLACIGA, etc. Le procédé sera repris dans tout le pays. Mais, dans le village de Sos (Lot-et-Garonne), chou blanc. RETOURNER UNE FONTAINE. En 1939 à Cassel, les nazis détruisent une fontaine érigée par un entrepreneur juif. En 1987, l’artiste allemand Horst Hoheisel réalise à son emplacement une fontaine inversée : il place sous le sol une réplique, retournée et en creux, du monument disparu (Negative Memorial Aschrottbrunnen). RETOURNER UNE CHAISE. Le 7 avril 1997, au musée Gustave-Moreau à Paris, l’artiste et gardien de musée Laurent Marissal place, face à un mur, une chaise dévolue à l’agent d’accueil. Ainsi, impossible de s’y assoir. Ou, une fois assis·e, de surveiller quoi que ce soit (Dos au mur). [ Voir aussi « renverser »]

RETOURNER À L’ENVOYEUR [ Voir « arroser l’arroseur », « attaquer la justice », « dominer un supérieur », « espionner ceux qui nous espionnent », « étudier des Occidentaux », « faire visiter des quartiers normaux », « parler à une caméra de vidéosurveillance [2] », « répondre » et « tester la vue des surveillants »]

RÉVÉLER RÉVÉLER SON HOMOSEXUALITÉ. À partir de 1970 aux États-Unis, les militants gays révèlent leur homosexualité en public. En ne cantonnant plus le coming-out à la sphère privée, ils affirment avec fierté leur existence et leur droit à vivre librement. RÉVÉLER UNE SURVEILLANCE. À partir du 6 juin 2013, le lanceur d’alerte états-unien Edward Snowden révèle l’existence du système de surveillance généralisé mis en place par son ancien employeur, la NSA. Avoir dévoilé que l’agence de renseignement américaine a accès aux échanges électroniques ou téléphoniques de citoyens du monde entier le conduira à être inculpé par les États-Unis et à se réfugier en Russie. [ Voir aussi « glorifier un traître »] RÉVÉLER DES CONDITIONS DE TRAVAIL. En 2011, l’activiste californien Michael Pineschi crée un jeu vidéo pour smartphone consistant à faire travailler des enfants, à empêcher les ouvriers et ouvrières de se suicider ou à traiter la pollution due aux équipements électroniques usagés. Les personnes utilisant un téléphone Apple découvrent ainsi, tout en s’amusant, les désastres causés par leur appareil. Quatre jours après sa sortie, le jeu grinçant sera censuré par l’entreprise (Phone Story Game). RÉVÉLER SES CONDITIONS DE TRAVAIL. En 2017, des messages sont trouvés dans des vêtements achetés dans des boutiques Zara. Ils y ont été glissés par des ouvriers ou des ouvrières les ayant confectionnés dans une usine d’Istanbul. On peut y lire : « J’ai fabriqué l’article que vous vous apprêtez à acheter, mais je n’ai pas été payé pour. » Et, effectivement, l’usine Bravo Tekstil a fermé ses portes en juillet 2016, en laissant de nombreux salaires impayés. RÉVÉLER DES DONNÉES PERSONNELLES. En 2018, l’artiste chinois Deng Yufeng achète au marché noir les données de 346 000 personnes : nom, prénom, adresse, numéro de téléphone, informations bancaires, etc. Il propose ensuite au public de venir les consulter dans une exposition. L’exposition sera fermée au bout de deux jours, mais la police chinoise aura ainsi eu l’occasion de découvrir ce marché noir (346 000 secrets des citoyens de Wuhan).  RÉVÉLER QUI ÉCHAPPE AUX IMPÔTS. En 2013, l’artiste d’origine italienne Paolo Cirio pirate le registre du gouvernement des îles Caïmans pour connaître le nom des sociétés domiciliées dans ce paradis fiscal. Il révèle ensuite le nom de plus de 200 000 sociétés y pratiquant l’évasion fiscale (Loophole for All). RÉVÉLER D’OÙ VIENT L’ARGENT. En 1971, pour une exposition au musée Guggenheim de New York, l’artiste allemand Hans Haacke réalise un inventaire des actifs immobiliers du marchand de sommeil new-yorkais Harry Shapolsky. La documentation qu’il prévoit alors d’exposer révèle les malversations de l’homme d’affaires. Six semaines avant son ouverture, le conseil d’administration du musée annule l’exposition au prétexte qu’il ne s’agit pas d’une œuvre d’art. Selon l’artiste, cette annulation démontre la collusion entre le monde de la finance et celui de l’art (Shapolsky et al. Manhattan Real Estate Holdings, a Real-Time Social System, as of May 1, 1971).  RÉVÉLER LE PASSÉ. En 1974, invité à exposer au Wallraf-Richartz Museum à Cologne, l’artiste allemand Hans Haacke conçoit un projet à partir d’un tableau que possède le musée : La Botte d’asperges d’Édouard Manet. Son projet consiste en une documentation sur la position économique et sociale des personnes ayant acquis le tableau depuis sa création et sur le prix de ces acquisitions. Mais, comme cette documentation évoque la collaboration avec les nazis d’un ancien président du conseil d’administration du musée, la proposition sera refusée par le comité organisateur (Manet-PROJEKT’74). [ Voir aussi « annoncer », « corriger » et « diffuser »]

REVENDIQUER REVENDIQUER UN TREMBLEMENT DE TERRE. Le 5 septembre 1978, les artistes russes Vitaly Komar et Alexander Melamid revendiquent, dans un télégramme adressé au chancelier allemand, le séisme qui s’est produit deux jours plus tôt dans le Bade-Wurtemberg. L’année suivante, ils réitéreront cet « assaut magique » en déclarant que le tremblement de terre qui vient de se produire en Iran est leur réponse à la détention d’otages états-unien·nes à Téhéran. Quoique fantaisiste, cette affirmation leur vaudra un statut de résidents permanents aux États-Unis20. REVENDIQUER LE PÔLE NORD. En 1969, l’artiste canadien Iain Baxter urine à proximité du cercle arctique, de manière à délimiter un territoire. Après quoi il le revendique (Territorial Claim-Urination). REVENDIQUER SAN FRANCISCO. Au début des années 1990, l’artiste autochtone états-unien Zig Jackson se réapproprie San Francisco : il place dans différents lieux de la ville une pancarte portant l’inscription « Réserve indienne de Zig ». Puis il pose à côté d’elle, en tenue d’Indien (Entering Zig’s Indian Reservation).

RIRE RIRE SUR LE BÛCHER. Au XVIe siècle, la foi protestante vaut à de nombreuses personnes d’être exécutées. Mais, bien souvent, loin de s’en désoler, elles rient de leur supplice, en songeant au salut qui les attend.

Rumeur : Voir « lancer une rumeur ».

S

SABOTER SABOTER AVEC DES SABOTS. Au XVe siècle, les ouvriers tisserands hollandais jettent leurs sabots dans les machines, qui leur font concurrence, afin de les détériorer. On peut également attribuer cet acte fondateur aux luddites anglais au début du XIXe siècle ou aux canuts lyonnais un peu plus tard. Mais, en fait, rien ne dit que ce soit une affaire de sabots.  SABOTER PROPORTIONNELLEMENT. Dans l’Indiana aux États-Unis en 1908, les ouvriers d’un chantier apprennent que leurs salaires vont être réduits. Ils font alors rogner leurs pelles à la mesure de cette baisse, de manière à ajuster leur productivité à leur salaire. SABOTER UNE SÉRIE TÉLÉ. En 1962, l’acteur allemand Wolfgang Neuss révèle, grâce à une petite annonce, qui est le coupable parmi les personnages d’une série policière. L’information est largement reprise par les médias et le récit divulgâché. SABOTER UN JEU VIDÉO. En 1996, l’activiste états-unien Jacques Servin1 travaille pour la société de jeux vidéo Maxis. Jugeant déplorables les conditions de travail qu’il y constate, il glisse une anomalie dans le jeu SimCopter : des hommes en maillot de bain qui s’embrassent. Après la vente de 78 000 exemplaires du jeu, le sabotage sera constaté et son auteur licencié. SABOTER UN COMMERCE. En 2012 à Dublin, l’artiste franco-suisse Benjamin Gaulon installe, sur des ordinateurs en démonstration dans un Apple Store, une application perturbant l’affichage des écrans. Les client·es contemplent ainsi des pannes, harmonieuses et fictives (Corrupt.desktop). [ Voir aussi « détruire un ordinateur »]  SABOTER UNE EXPOSITION. En 2017, à l’entrée d’une exposition à Nice, les visiteurs entendent de discrets chuchotements qui les invitent à quitter les lieux. L’œuvre, intitulée Ne restez pas ici, est de l’artiste français Jean-Baptiste Ganne et prend en compte le thème de l’exposition : le sabotage. [ Voir aussi « détruire des machines » et « faire bouillir »]

SALUER SALUER BEAUCOUP. Dans les années 1940, tout soldat britannique croisant un officier doit le saluer et recevoir un salut en retour. Les conscrits, afin de tromper leur ennui, se déplacent alors en ligne. Et procurent ainsi des crampes à leurs supérieurs. SALUER TOUT LE MONDE. Le 21 août 2011 dans un village de Sicile, l’artiste d’origine albanaise Adrian Paci se tient sur une place, debout, vêtu d’un costume. Il serre, à la manière d’un homme politique, la main des centaines de personnes qui défilent devant lui (The Encounter). SALUER N’IMPORTE QUI. En 1968, dans la ville italienne d’Amalfi, l’artiste anglais Richard Long serre la main d’inconnu·es qu’il croise (Handshaking Piece). SALUER DES VICTIMES. À partir de 1941, les nazis imposent aux personnes juives de porter une étoile jaune. En France, cette mesure antisémite prend effet le 7 juin 1942. Le lendemain, au collège Charlemagne à Paris, monsieur Papadacci, professeur de dessin en classe de sixième, au lieu de commencer son cours, appelle un par un les enfants portant ce symbole, non pas pour les remettre aux autorités, mais pour les saluer silencieusement. [ Voir aussi « embrasser »]

SATURER SATURER L’ADMINISTRATION AMÉRICAINE. En 1970, pendant la guerre du Vietnam, les citoyens des États-Unis en âge d’être mobilisés sont tenus d’informer l’administration de tous les changements les concernant : adresse, religion, état mental, etc. En réponse, des pacifistes invitent les citoyen·nes (pas que les hommes concernés) à informer l’administration de la moindre nouveauté dans leur existence. Les services sont submergés par le succès de cet appel : l’une leur apprend qu’elle a changé d’étage, l’autre qu’il va se rendre en Europe, puis leur écrit de nouveau pour leur dire qu’il a changé d’avis, etc. SATURER LA CIA. Peu après le 11 septembre 2001, l’artiste états-unien d’origine bangladaise Hasan M. Elahi est inscrit par erreur par la CIA sur une liste de personnes surveillées parce que suspectées de terrorisme. Après avoir été arrêté et innocenté, il décide, par prudence, de permettre aux autorités de pouvoir observer toute son existence. Il met en ligne, jour après jour, des photographies de tous les repas qu’il a mangés, de tous les lits dans lesquels il a dormi, de toutes les toilettes qu’il a utilisées, etc. (The Perfect Alibi) SATURER UN SERVEUR. En 1998, le collectif d’artistes et d’activistes Electronic Disturbance Theater lance « Floodnet », une application Web permettant de submerger un site Internet. Le 10 avril 1998, des milliers de personnes se connectent ainsi au site du président mexicain Ernesto Zedillo, afin de dénoncer la répression du mouvement révolutionnaire zapatiste. Mais ce sit-in virtuel échoue et leurs ordinateurs plantent, car les autorités ont prévu une riposte automatique. SATURER DE CLICS. En 2015, les chercheurs Daniel Howe et Mushon Zer-Aviv, et la chercheuse Helen Nissenbaum, désireux de lutter contre l’envahissement et le traçage publicitaires sur Internet, créent « AdNauseam », une extension qui clique de façon aléatoire et répétée sur toutes les publicités. Les annonceurs voient ainsi d’innombrables clics leur être facturés et ne parviennent plus à profiler correctement les internautes. SATURER DE FAUSSES IDENTITÉS. À partir des années 2000, l’ancien détective états-unien Franck Ahearn aide ses client·es à disparaître. Parfois, au lieu d’effacer leurs traces sur Internet, il noie ces informations sous une multitude de vies fictives2.  SATURER LES AYANTS DROIT. En 2020, les États-Uniens Damien Riehl et Noah Rubin, développeurs et spécialistes du droit d’auteur, constatent la multiplication des accusations de plagiat dans le monde de la musique. Ils mettent alors au point un algorithme permettant de générer toutes les mélodies possibles. Ils obtiennent ainsi 68 milliards de thèmes, qu’ils déposent aussitôt dans le domaine public.  SATURER UN HÔPITAL. En 1965, les internes d’un hôpital de Los Angeles, pour protester contre leurs conditions de salaire, décident d’accueillir tous les patients, qu’ils aient besoin d’être hospitalisés ou non. Au bout de quatre jours, le surcoût représente 250 000 dollars, ce qui les place en meilleure position pour négocier. [ Voir aussi « égarer Facebook » et « prêter son visage »]

SE SCARIFIER. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, chez les Igbo (actuel Nigéria), les fils de chef sont préservés de l’esclavage par leurs scarifications, car les marchands rechignent à acheter des individus réputés indociles. Par la suite, les négriers n’auront plus ce genre de scrupule.

SÉCURISER SÉCURISER UN MARCHÉ AUX PUCES. En 1994, l’artiste français Philippe Meste installe un poste militaire factice dans le marché aux puces de Marseille. Il protège ainsi les passant·es tout en les inquiétant (Military Surveillance Post). SÉCURISER LES PASSANT·ES. En 1994, l’artiste allemand Christian Jankowski fait sécuriser son appartement (vitres blindées, caméras de surveillance et vigiles), puis invite les passant·es à venir profiter de cette protection. Une fois à l’intérieur, les volontaires ne font rien, mais en sécurité (Der sichere Ort – Secure Space).

SEMER SEMER PARTOUT [1]. À partir de 1649, le groupe anglais des diggers (« bêcheux »), opposé à la privatisation des terres, plante et cultive où bon lui semble. SEMER PARTOUT [2]. À partir de 1973, des personnes adeptes de la « guérilla jardinière » (guerrilla gardening) soutiennent la biodiversité et contestent la propriété privée en cultivant des terrains abandonnés. Elles font ainsi surgir tournesols, choux ou citrouilles dans de nombreuses villes du monde. SEMER SOUS UN ÉCHANGEUR. En 1974, l’artiste états-unienne Bonnie Sherk crée une ferme sous un échangeur autoroutier de San Francisco. On y cultive des légumes, élève des animaux et accueille des enfants pour des activités éducatives. SEMER DU BLÉ À NEW YORK. En 1982, l’artiste d’origine hongroise Ágnes Dénes fait planter 1 hectare de blé au sud de Manhattan, à deux pas de Wall Street. En cultivant des céréales sur l’un des terrains les plus onéreux de la planète, elle veut interpeller les puissances financières sur leur système de valeurs et sur la faim dans le monde (Wheatfield – A Confrontation). SEMER DES DOUTES. En 1999 à Anvers, l’artiste allemand Carsten Höller place deux haut-parleurs sur le toit d’une voiture garée dans la rue. Mais ces enceintes, destinées à diffuser des doutes, sont volées dès le lendemain (Le Laboratoire du doute). [ Voir aussi « planter »]

SIMULER L’ADHÉSION [ Voir « soutenir »]

SOIGNER SOIGNER LES VILLES. À partir de 1974, l’artiste états-unien Lowell Darling s’efforce de résoudre les problèmes des villes (pollution, trafic d’héroïne, étalement urbain, etc.) grâce à un rituel oriental : il plante de grandes aiguilles dans le sol afin d’atteindre les canaux d’énergie vitale qui s’y trouvent. Et pratique ainsi l’« acupuncture urbaine ». SOIGNER UN CENTRE COMMERCIAL. L’artiste berlinois Thomas Bratzke applique, lui, l’acupuncture aux bâtiments. Ainsi, en 2008 à Prague, il tire à l’arc sur le mur d’un centre commercial. Ses trente et une flèches y resteront plantées (Arrow Pieces : Eros Tickling Centrum Chodov). [ Voir aussi « chasser » et « masser »]

SONDER SONDER LES VISITEURS. En 1969, l’artiste allemand Hans Haacke demande aux visiteurs et visiteuses d’une exposition à New York d’indiquer, sur une carte de la ville, leurs lieux de naissance et de résidence. Lors d’une deuxième exposition, il expose ensuite des photographies des lieux concernés, dévoilant ainsi le profil sociologique du public de l’art (Gallery-Goers’ Residence Profile). SONDER LES ÉLECTEURS. En 2007 en Ingouchie, la plupart des électeurs et électrices ne participent pas aux élections, qui sont notoirement truquées. Et effectivement, le président Mourad Ziazikov (soutenu par Moscou) est largement réélu avec une participation officielle de 98 %. Une pétition est alors lancée, invitant les abstentionnistes à se déclarer. Le résultat est sans appel : la moitié de la population déclare avoir boudé les urnes. Un an plus tard, la Russie demande au président, trop illégitime, de démissionner. [ Voir aussi « recenser »]

SONORISER SONORISER UN COMMISSARIAT DE POLICE. En novembre 2022 à Rennes, deux étudiantes en art déposent une enceinte audio sans fil contre la devanture d’un commissariat de police. Puis elles déclenchent à distance la diffusion de dansantes musiques contestataires. Alertés par le fort volume sonore de cet éloge de la fête, des policiers sortent en chercher la source. Mais à chaque fois en vain, car la musique s’interrompt lorsqu’ils apparaissent et l’appareil demeure dissimulé dans une dérisoire boîte en carton. SONORISER DISCRÈTEMENT. En 1977 à New York, l’artiste états-unien Max Neuhaus diffuse des sons à Times Square depuis une bouche d’aération. Les sonorités se mêlant au vacarme ambiant, les passant·es ressentent l’œuvre sans en avoir conscience (Œuvre à Times Square). [ Voir aussi « diffuser la voix d’un muezzin », « faire entendre » et « faire rire »]

SOUHAITER SOUHAITER LA BIENVENUE. Le 31 mars 2016, en réponse à une manifestation xénophobe à Douvres, l’association britannique Global Justice Now projette nuitamment sur une falaise proche de la ville le texte « Refugees Welcome » (« Les réfugiés sont les bienvenus »).

SOULEVER SOULEVER DES MONUMENTS. En 2013, l’artiste allemand Christian Jankowski demande à des haltérophiles de soulever des sculptures commémoratives ou symboliques, présentes dans des rues ou jardins de Varsovie. Les athlètes parviennent à faire décoller une sirène en fonte, emblème de la ville, mais échouent à élever Willy Brandt ou Ronald Reagan (Heavy-Weight History). SOULEVER DES TOURISTES. En 1997 dans la ville allemande de Münster, l’artiste belge Jef Geys invite les touristes à observer de près les façades et clochers des églises, à bord d’une nacelle élévatrice (Don’t Believe What You See).

SOUTENIR SOUTENIR LES AUTORITÉS. À Zurich en 1980, un mouvement de contestation de la jeunesse, exigeant des lieux culturels autonomes, est sévèrement réprimé. Le 15 juillet, deux jeunes censé·es représenter ce mouvement sont invité·es à débattre, à la télévision, avec des personnes opposées à ce mouvement. Déguisé en bourgeois·es, ce « couple Müller » désarçonne ses interlocuteur·ices, en prenant des positions encore plus réactionnaires que les leurs. SOUTENIR LA GUERRE. En 2003, les États-Unis ont pris pour prétexte les attentats du 11 septembre 2001 pour attaquer l’Irak. En 2004, alors qu’aucun·e des 535 député·es américain·es n’a un fils engagé dans le conflit, le cinéaste et activiste états-unien Michael Moore se place à la sortie du Capitole et demande à des député·es favorables à la guerre si elles ou ils veulent donner l’exemple en envoyant leurs enfants se battre. Sans succès3. SOUTENIR LA DROITE. Lors des élections états-uniennes de 2000 aux États-Unis, de prétendus « Billionaires for Bush » soutiennent le candidat républicain, car « l’inégalité économique ne croît pas assez vite ». Cet espoir satirique sera exaucé : George W. Bush sera élu4. SOUTENIR NIXON. En 1969 aux États-Unis, lors d’un meeting de Richard Nixon, le groupe théâtral Rapid Transit Guerilla Communication se présente vêtu de costumes du Ku Klux Klan (robes blanches et capuches blanches pointues) et brandit une pancarte sur laquelle est inscrit « The Klan supports Nixon ». Jugeant crédible cet embarrassant soutien, de nombreux journalistes le relayent aussitôt. SOUTENIR LÉNINE. En 1972, alors que le culte des idoles du communisme est imposé aux populations des pays de l’Est, l’artiste yougoslave Bálint Szombathy déambule seul dans Budapest en brandissant un portrait de Lénine (Lénine à Budapest)5.

SQUATTER [ Voir « occuper »]

STATUFIER STATUFIER UNE ACTIVISTE. Le 7 juin 2020 à Bristol, des militant·es du mouvement antiraciste Black Lives Matter renversent la statue du négrier anglais Edward Colston et la jettent dans le port. L’une des activistes, Jen Reid, se place debout sur le socle, le poing levé. L’image de cette jeune femme noire victorieuse, diffusée sur les réseaux, est alors repérée par l’artiste britannique Marc Quinn, qui décide d’immortaliser son geste sous la forme d’une statue qui la figure et qu’il va placer sur le socle. Mais la ville de Bristol ne voudra pas l’y laisser (A Surge of Power (Jen Reid)). [ Voir aussi « commémorer un déboulonnage »] STATUFIER UN MANIFESTANT. En juillet 2020, l’image d’un manifestant israélien subissant les violents jets d’eau de la police, alors qu’il brandit le drapeau national, est largement médiatisée. Cinq mois plus tard, l’artiste israélien Itay Zalait installe clandestinement, sur une place de Jérusalem, une statue figurant le manifestant arrosé. La police fera aussitôt disparaître ce symbole de ses pratiques répressives (Hero of Israel).

SUIVRE SUIVRE LES HOMMES. Au Nigéria, chez les Igbo, les femmes suivent partout les hommes qui leur ont manqué de respect, afin qu’ils méditent sur leurs actes. En 1914, les femmes nigérianes sont évincées du pouvoir par les colonisateurs britanniques au profit d’hommes arbitrairement désignés. Quinze ans plus tard, des femmes igbo pourchasseront ces chefs illégitimes en étant vêtues de costumes de guerre traditionnels et en chantant à tue-tête. SUIVRE DES INCONNU·ES. En 1969, durant trois semaines, l’artiste états-unien Vito Acconci suit chaque jour dans la rue une personne choisie au hasard, jusqu’à ce qu’elle atteigne ce qu’il suppose être son domicile (Following Piece). ÊTRE SUIVIE. Le 16 avril 1981, l’artiste française Sophie Calle est suivie par un détective privé. Mais elle ne s’en inquiète pas, car c’est à sa demande (La Filature). [ Voir aussi « harceler » et « isoler un homme »]

SUPERPOSER. Dans la Pologne communiste, les autorités recouvrent de peinture les graffitis contestataires, maculant ainsi les murs de taches grises ou blanches. À partir d’août 1982, des membres d’Alternative Orange peignent des nains sur ces taches. Selon ces activistes, le premier graffiti est une thèse, la tache une antithèse et le nain une synthèse. Et le tout, une dialectique hégélienne et marxiste.

SUPPRIMER SUPPRIMER L’ARGENT. En 1936 en Catalogne, les républicains espagnols abolissent l’argent dans de nombreux villages. Un système de bons ou de salaire familial est institué. Et la production est répartie non pas en fonction du travail fourni, mais selon les besoins de chacun. [ Voir aussi « fonder une république pirate »] SUPPRIMER LES HIÉRARCHIES. Au Brésil au XVIIe siècle, des esclaves en fuite se regroupent dans des communautés refusant toute forme d’État ou d’autorité et dans lesquelles les chefferies ne sont que circonstancielles et électives. Le plus important de ces quilombos durera près d’un siècle, avant d’être vaincu par les colons portugais. SUPPRIMER LE CHEF. [ Voir, dans « jouer de la musique » : « jouer librement »] SUPPRIMER LE MARIAGE. La communauté anarchiste de Monte Verità, créée en 1900 en Suisse italienne, accueille des intellectuels radicaux et des artistes d’avant-garde. La vie y est fondée sur le retour à la nature, le nudisme, l’abolition du mariage et l’amour libre. SUPPRIMER UN DÉFILÉ MILITAIRE (PROPOSER DE). En 2012, Eva Joly, candidate écologiste à l’élection présidentielle française, propose d’en finir avec une coutume typique des pays totalitaires : le défilé militaire. Devant la bronca que cela suscite, elle renonce. SUPPRIMER L’ARMÉE. Le 1er décembre 1948, le Costa Rica dissout son armée afin d’en consacrer le budget à l’éducation et à la santé. Il ne l’a pas rétablie depuis.  SUPPRIMER UN MUR. En 1974, l’artiste états-unien Michael Asher expose dans une galerie à New York en effectuant un geste minimal : il supprime la cloison qui sépare l’espace d’exposition de celui des réserves et du bureau. Ainsi, la seule chose à voir est ce qui est habituellement caché (Untitled). SUPPRIMER DES CLÔTURES. En 2002 à Toronto, l’activiste canadien Dave Meslin, attristé par le nombre de barrières grillagées autour des jardins de son quartier, crée le Downtown De-Fence Project, un service bénévole de démontage de clôtures. Une quarantaine de foyers consentiront ainsi à rompre leur isolement.  SUPPRIMER LA LOI. En 1164 en Perse, l’imam Hassan II, chef de l’État d’Alamut, déclare le millénium : il jette le Coran à terre et déclare la fin de la Loi. En plein Ramadan, il festoie et se réjouit avec ses disciples.

SURÉLEVER SURÉLEVER UNE POUBELLE. En 2004 à Vienne, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler place en hauteur une poubelle publique. Ainsi, les passant·es peuvent s’essayer au basket (Trashbin).

SURVEILLER SURVEILLER LES CHASSEURS D’ESCLAVES. En 1850 en Nouvelle-Angleterre, les abolitionnistes traquent les personnes pourchassant les esclaves en fuite, en les surveillant jour et nuit et en les dénonçant publiquement. Grâce à quoi plusieurs esclavagistes renonceront.  SURVEILLER LA POLICE. En 1966, en réponse aux violences policières que subissent les personnes noires, des patrouilles créées par le mouvement révolutionnaire des Black Panthers suivent, armes à la main, les patrouilles policières, afin de les avoir à l’œil (Policing the Police). [ Voir aussi « filmer la police »]

T

TATOUER SE TATOUER. Du XIXe siècle au mitan du XXe, les tatouages des bagnards racontent leur vie sentimentale, leur patriotisme ou leur supposée virilité. Certains signes, macabres ou sataniques, manifestent de manière provocante leur irréductible opposition à la société. Se TATOUER UNE CROIX. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les marins européens se tatouent des croix chrétiennes dans le dos, dans l’espoir que le respect dû aux symboles religieux les prémunisse des coups de fouet. TATOUER DES CROIX. À l’époque ottomane, les croix tatouées à divers endroits du corps de jeunes filles catholiques bosniaques visent, elles, à les préserver d’un enlèvement par les Turcs et d’une conversion à l’islam.  SE TATOUER UNE MOUSTACHE. Durant la colonisation française, dans les bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord, certains indociles se tatouent une moustache, alors que le règlement exige qu’ils soient rasés. SE TATOUER UNE INSULTE. Dans ces mêmes bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord, certains soldats se tatouent le mot « Merde » dans le creux de la main, ce qui leur vaut soixante jours de cellule, mais les dispense à vie du salut militaire. SE TATOUER DES SLOGANS. Dans les goulags soviétiques, certains déportés expriment leur colère en se tatouant des messages sur le visage : « Esclave du PCUS » (Parti communiste d’union soviétique), « Lénine = bourreau », etc. SE TATOUER LE NOM DE SA PATRIE. En 1993, Dan Perjovschi se résigne à être un artiste roumain. Et se fait tatouer le nom de son pays1 (Romania). TATOUER DES COCHONS. À partir de 1995, l’artiste belge Wim Delvoye tatoue des cochons avec des motifs floraux, publicitaires ou religieux. L’œuvre indignera les défenseurs des animaux, mais les porcins seront ainsi préservés de l’abattoir. [ Voir aussi « vendre la peau d’un tatoué »]

TAXER TAXER DES BILLETS. Depuis 2015, l’artiste français Cédric Mazet Zaccardelli prélève une bande de 1 mm sur tous les billets de banque en euros qui lui passent entre les mains. Ces fragments de billet constituent pour lui une « épargne » qu’il assemble chaque année pour former des compositions qui reflètent l’évolution de son activité (Taxe). [ Voir aussi « prélever du métal »] TAXER LE MOT DOLLARS. En Nouvelle-Zélande, la monnaie officielle est le dollar néo-zélandais. Le 27 mai 2009, à la demande du collectif d’artistes danois Superflex, les personnes employées par une agence bancaire d’Auckland doivent verser 1 dollar au comité d’entreprise à chaque fois qu’elles prononcent le mot « dollars ». Comme des enfants puni·es pour avoir dit un gros mot (Today We Don’t Use the Word Dollars).

TESTER TESTER DES HÔPITAUX. En 1973, huit personnes, dont le psychologue David Rosenhan, se font admettre dans des hôpitaux psychiatriques états-uniens, en déclarant souffrir d’hallucinations auditives. Une fois internées, elles se montrent parfaitement normales. Pourtant, tous leurs comportements sont perçus par les soignant·es comme des symptômes de pathologies schizophréniques ou maniaco-dépressives. Cette expérience, révélant les biais des diagnostics psychiatriques, aura un large retentissement, d’autant que le test connaîtra une seconde phase : David Rosenhan proposera à un hôpital dont les médecins contestent cette expérience de leur adresser des complices feignant des troubles, pour que l’institution les repère. Sur 193 personnes se présentant, 41 seront considérées comme simulatrices et 42 comme suspectes. En réalité, aucune n’aura été envoyée par l’enquiquineur. TESTER LA POLICE DES FRONTIÈRES. À la fin des années 1990, l’artiste d’origine camerounaise Barthélémy Toguo met à l’épreuve les contrôles de sécurité lors de ses voyages entre l’Afrique et la France. Coiffé d’une casquette en bois plein, il constate que l’équipage de l’avion refuse de décoller tant qu’il la porte. Une autre fois, à l’arrivée des bagages d’un aéroport, ses valises en bois plein attirent l’attention de la police, qui l’interpelle, l’interroge et radiographie méticuleusement ses bagages monolithiques. Une autre fois encore, après avoir sculpté son corps en salle de musculation, l’artiste devenu athlétique se présente à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le crâne rasé, vêtu de rangers, d’un pantalon de treillis, d’un débardeur et d’une cartouchière dans laquelle les munitions sont remplacées par des carambars. Il est aussitôt interpellé pour être interrogé. Et ses carambars sont longuement inspectés (Transits). TESTER LES DOUANES JAPONAISES. En 2003, l’artiste allemande Maria Eichhorn veut vérifier que les biens importés au Japon sont soumis à la censure. Elle y expédie donc des livres consacrés au sida, à l’activisme, aux questions de genre ou pourvus d’images à caractère sexuel. Seul un ouvrage, consacré au photographe états-unien Robert Mapplethorpe, sera censuré : les parties génitales seront masquées par les douaniers nippons (Prohibited Imports).  TESTER LES VISITEURS. En 2002, l’artiste français Alain Declercq maquille une voiture ordinaire en voiture de police, puis l’expose dans un centre d’art. Le véhicule est présenté comme une œuvre que les visiteurs peuvent emprunter pour se promener, jouer aux policiers et se mettre ainsi hors la loi (Make Up). TESTER LE SANG DES VISITEURS. En 2014, l’artiste suisse Christoph Büchel propose aux visiteurs d’une exposition en Tasmanie de tester leur sang pour savoir s’ils ont des origines aborigènes et présente cela comme un service proposé par le gouvernement australien. À la suite des plaintes d’une partie du public, le dispositif est retiré (Land of David). TESTER LA VUE DES SURVEILLANTS. En 2012, l’artiste italien Fra Biancoshock place devant une caméra de vidéosurveillance un panneau d’ophtalmologue, comprenant des lettres de différentes tailles et destiné à tester la vue des patients (Control the Controllers). TESTER DES VACHES. En 1970 dans le Wisconsin, l’artiste états-unien Dennis Oppenheim reproduit dans un champ, à l’aide de bottes de foin, un labyrinthe utilisé en laboratoire pour des souris. Les vaches, qui doivent parcourir ce dédale de 183 x 305 m pour accéder à du maïs, relèvent brillamment ce défi (Maze).

TIMBRER TIMBRER À GAUCHE. Durant la Seconde Guerre mondiale, des Néerlandais expriment symboliquement leur opposition à l’occupation en plaçant les timbres, que les nazis leur imposent, sur le coin supérieur gauche de leurs enveloppes, considérant que le coin supérieur droit doit être réservé aux timbres à l’effigie de leur souveraine légitime, la reine Wilhelmine.

TIRER TIRER SUR LA LOI. Le 14 septembre 1997, l’artiste autochtone canadien Lawrence Paul Yuxweluptun tire au fusil sur la « Loi sur les Indiens », un texte adopté en 1876 qui encadre les droits qui leur sont accordés. La performance s’intitule An Indian Act Shooting the Indian Act. SE FAIRE TIRER DESSUS. Le 19 novembre 1971, l’artiste états-unien Chris Burden demande à un ami de lui tirer dessus avec une carabine. Il est alors blessé au bras. Il déclarera, au sujet de cette performance : « J’avais l’intuition que se faire tirer dessus était aussi américain que la tarte aux pommes » (Shoot).

TOUCHER TOUCHER DES PASSANT·ES. En 1977, alors que la liberté d’expression est inexistante dans son pays, l’artiste tchèque Jiří Kovanda marche dans Prague et touche discrètement les passant·es qu’il croise (Contact). TOUCHER MILLE PERSONNES. En octobre 1999, après avoir lu que toucher délicatement les gens peut affecter leur comportement et leur bien-être, l’artiste canadienne Diane Borsato bouscule, frotte ou touche délicatement un millier de personnes inconnues, croisées dans les rues de Montréal (Touching 1000 People). TOUCHER SES VOISINS DE BUREAU. En 2018, l’artiste finlandaise Pilvi Takala passe deux semaines dans un espace de coworking à Londres. Sa principale activité consiste à saluer les personnes qu’elle croise en les touchant afin de souligner les bienfaits du contact physique. Ces personnes – qui n’apprécient pas forcément ces contacts – la surnommeront « the Strocker » (la « Caresseuse »).

TOURNER EN ROND TOURNER EN ROND SUR UNE PLACE. Le 30 avril 1977 en Argentine, des femmes dont les enfants ont été enlevé·es par la dictature se réunissent sur la principale place de Buenos Aires, pour réclamer des nouvelles de ces milliers de disparu·es. En réponse à la police qui leur ordonne de circuler, elles se mettent à tourner autour de l’obélisque central, le monument de l’Indépendance. Ces « mères de la place de Mai » reviendront ensuite chaque jeudi à la même heure, tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, afin de remonter symboliquement le temps qui s’est écoulé depuis les disparitions.  TOURNER AUTOUR DE BÂTIMENTS. En 2002 en Italie, des opposants à la politique menée par le président du conseil Silvio Berlusconi tournent durant des mois autour d’édifices qui symbolisent des droits à défendre : l’indépendance de la justice, la liberté de l’information, etc. Ils sont surnommés les Girotondi.

TRACER TRACER UN MÉRIDIEN. En 1942 à Paris, la statue du scientifique et homme d’État François Arago est retirée afin d’en récupérer le métal. En 1994, alors qu’il est question de la rétablir, l’artiste néerlandais Jan Dibbets propose un contre-monument : placer au sol des médaillons de bronze, le long du méridien de Paris, que le physicien a contribué à mesurer. Depuis, 135 clous portant son nom sont ainsi foulés par les piétons parisiens2 (Hommage à Arago).

Tract : voir « distribuer »

TRANSFORMER TRANSFORMER DES STATUES EN CANONS. Le 14 août 1792, lors de la Révolution française, la jeune Assemblée législative décide que le bronze des statues royales sera fondu pour en faire des canons et des bouches à feu. TRANSFORMER UNE COLONNE EN MISSILE. En 1983, les chrétiens-démocrates allemands proposent de déployer des missiles nucléaires américains autour des grandes villes ouest-allemandes. En réponse, l’artiste polonais Krzysztof Wodiczko projette clandestinement, le soir du 13 février, l’image de l’une de ces fusées Pershing II sur la colonne de la Victoire à Stuttgart, convertissant ainsi ce trophée en projectile. TRANSFORMER DES ARMES EN ŒUVRE. En 2016, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) signent un accord de paix et déposent leurs armes. En 2018 à Bogota, l’artiste colombienne Doris Salcedo réalise un monument en hommage aux victimes de cette guérilla. Son œuvre prend la forme d’un dallage métallique, sur lequel les visiteurs peuvent marcher, et qui est composée du métal des armes déposées : fusils-mitrailleurs, lance-grenades, bazookas, munitions, etc. (Fragmentos) TRANSFORMER DES ARMES EN PELLES. Dans les années 2000, la ville mexicaine de Culiacán connaît un nombre élevé de décès par balle. En 2008, l’artiste mexicain Pedro Reyes collecte 1 527 armes à feu auprès des habitant·es, en échange de coupons utilisables dans un magasin d’électroménager. Il fond les armes pour en faire des pelles, qui serviront à planter 1 527 arbres (Palas por Pistolas).  TRANSFORMER DES HÉROS EN SUPER-HÉROS. En 2013 à Sofia, des activistes bulgares repeignent des statues de soldats soviétiques. Les héros du communisme deviennent ainsi des super-héros occidentaux : Superman, Captain America, Wolverine, etc. Ou encore le clown Ronald McDonald ou le père Noël.  TRANSFORMER UNE GUERRE EN JEU. En 1903, le missionnaire britannique William Gillmore suggère aux habitant·es des îles Trobriand de remplacer leurs guerres par des parties de cricket. La proposition est acceptée, mais les règles sont modifiées, des danses martiales, moqueuses ou érotiques sont ajoutées et il est décidé que les victoires se font à domicile. TRANSFORMER UNE TÊTE DE FUSÉE EN MINUTEUR. De juin 1973 à mars 1974, lors de la lutte des ouvriers et ouvrières de LIP pour sauver leur usine à Besançon, la production et la vente se font de manière autogérée. Alors que l’usine produisait des montres et des objets d’armement, des ouvriers et ouvrières ont l’idée de fabriquer des objets hybrides et pacifiés. Une tête de fusée se voit ainsi transformée en minuteur de cuisine.  TRANSFORMER UN OBUS EN CENDRIER. Dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, dans l’attente des combats, les soldats bricolent ce qu’ils ont sous la main : ils font des calices avec des cartouches, des cendriers avec des fragments d’obus, un luth avec un casque, etc. TRANSFORMER UNE HORLOGE EN RÉVEIL. En 2002 à Amsterdam, l’artiste d’origine allemande Leopold Kessler modifie une horloge publique pour en faire un réveil, utilisable par qui veut à l’aide d’une télécommande. Mais, la sonnerie étant trop discrète, il ne réveillera personne (Alarm Clock). TRANSFORMER UNE STATION-SERVICE EN MANGEOIRE. En 2021 dans la Drôme, l’artiste français François Curlet transforme une station-service abandonnée en halte pour chevaux : des mangeoires sont installées à côté des pompes à carburant, lesquelles sont transformées en abreuvoir (Cheval Vapeur).  TRANSFORMER UN RÉVERBÈRE EN BALANÇOIRE. Avant que l’automobile ne colonise l’espace urbain au XXe siècle, les enfants se retrouvaient dans les rues et y inventaient des jeux par détournement ou réemploi : balançoire faite d’une corde suspendue à un lampadaire, trébuchet formé d’un bidon et d’une planche, etc. TRANSFORMER UNE PUBLICITÉ EN BALANÇOIRE. En 2009 à Hong Kong, l’architecte français Didier Faustino convertit, à l’occasion d’une exposition, un panneau publicitaire en portique, puis invite les visiteurs à se balancer sur de vertigineuses balançoires (Double Happiness). TRANSFORMER UNE BAIGNADE EN PUBLICITÉ. En mai 1999, l’artiste français Claude Closky diffuse, dans la piscine de Deauville, la mélodie qui encadre les publicités de la chaîne de télévision française TF1. Grâce à ce jingle intermittent, la vie des baigneurs et baigneuses ressemble à une fiction promotionnelle (Téèfun). TRANSFORMER UNE ÉGLISE EN MOSQUÉE. En 2015, invité à exposer à la Biennale d’art de Venise, l’artiste suisse Christoph Büchel décide de faire d’une église déconsacrée la première mosquée de la ville. Il y fait installer tous les éléments nécessaires au culte (tapis de prière, mihrab, cartouches calligraphiés, etc.) afin qu’elle puisse être utilisée par les musulman·es. Deux semaines après son ouverture, les autorités vénitiennes la font fermer en invoquant des motifs de sécurité et le non-respect de la vocation du lieu, censé être un lieu d’exposition (The First Mosque in the Historic City of Venice). TRANSFORMER UN ABRIBUS EN THÉÂTRE. En 1984 à Bagneux, la compagnie de théâtre française Ilotopie meuble un abribus à la manière d’un intérieur cosy. Des interprètes y jouent, du matin au soir, un jeune couple heureux, offrent un café aux passant·es, engagent la conversation ou vaquent à leurs occupations habituelles.  TRANSFORMER UNE HLM EN PALACE. En 1990, dans la cité Castellane à Marseille, la compagnie de théâtre française Ilotopie convertit, durant une semaine, une paire de logements sociaux en hôtel de luxe : entrée majestueuse, dorures, colonnes en marbre, piano à queue, etc. Les habitant·es profitent, gracieusement, de tout le confort d’un grand hôtel. Le personnel (portier, grooms, liftiers, maîtres d’hôtel, femmes de chambre, etc.) est disponible jour et nuit, et les petits-déjeuners sont servis dans les logements. Une limousine sera employée par des adolescent·es pour aller au collège ou par une mère pour aller voir son fils en prison (PLM, Palace à Loyer Modéré). TRANSFORMER UN THÉÂTRE EN ASSEMBLÉE. En 2015, le metteur en scène Joël Pommerat crée un spectacle relatant les débats qui animèrent la période de la Révolution française. Des représentants de la noblesse, de l’Église ou du tiers état s’interpellent depuis la scène ou depuis les gradins, faisant des spectateurs et spectatrices les membres d’une assemblée révolutionnaire (Ça ira (1) Fin de Louis). TRANSFORMER UNE MONTAGNE EN UNE AUTRE. En 2018, l’artiste français Julien Berthier projette de sculpter une montagne pour lui donner la forme d’une autre. Mais ne le fait pas (Sculpter une montagne). TRANSFORMER UN CENTRE D’ART EN PRISON. En 2001 à Bourges, l’artiste français Alain Declercq transforme un centre d’art en prison. Puis s’en évade (Panoptique et Escape). SE TRANSFORMER EN COLOMBE. En 1996, lors d’un vernissage à Anvers, un magicien transforme l’artiste allemand Christian Jankowski en colombe. Le volatile-artiste patientera dans l’exposition jusqu’à sa clôture (Mein Leben als Taube/My Life as a Dove). [ Voir aussi « modifier »]

TRANSITER. Être en transit dans un aéroport permet d’y tenter une demande d’asile. Ainsi, en 2008, le jeune réfugié tchétchène Adam Siev demande l’asile dans un aéroport français, alors qu’il voyage de Moscou à Alger. Mais il sera le dernier, car l’obligation d’avoir un visa de transit aéroportuaire, en arrivant de Russie, rendra bientôt impossible cette tactique3.

TRAVAILLER TRAVAILLER TROP. En 1984, afin de protester contre leurs conditions de travail, les personnels des douanes italiennes et françaises entament une « grève du zèle », consistant à fouiller scrupuleusement chaque véhicule désireux de passer la frontière. Plus de cinq cents camions se trouvent ainsi bloqués4. [ Voir aussi « saturer un hôpital »]  TRAVAILLER TROP BIEN. De 1905 à 1907, les employé·es des chemins de fer australiens manifestent leur mécontentement en respectant scrupuleusement la réglementation s’appliquant à leur travail. Il résultera de cette autre forme de grève du zèle un net ralentissement de la production. TRAVAILLER À L’INSU DE SON COMMANDITAIRE. À Chicago, à l’initiative du Rassemblement pour l’égalité des races, de jeunes chômeurs et chômeuses noir·es nettoient les rues d’un quartier délaissé par la Ville. La facture, détaillant les prestations effectuées, est ensuite adressée aux autorités municipales. Mais demeure impayée. TRAVAILLER MOINS. Au XVIIe siècle en Angleterre, naît le mouvement contestataire des Ranters. Ces personnes, appelées « divagatrices », n’accordent pas beaucoup de valeur au travail. Si le blé est cher, elles en produisent moins, s’accordent des loisirs et privent ainsi les aristocrates du monopole de l’oisiveté. TRAVAILLER MOINS LONGTEMPS. À l’été 1917, dans les usines russes, les prolétaires pratiquent le fait accompli : pour instaurer la journée de huit heures, tout le monde s’arrête le moment venu, en ignorant les injonctions de la hiérarchie. TRAVAILLER LENTEMENT. En 1943 à Buka, au nord des îles Salomon, de nombreuses personnes sont mécontentes des salaires imposés par les planteurs blancs. Elles se mettent en grève, puis reprennent le travail. Au ralenti. [ Voir aussi « feindre la lenteur » et « ralentir la production »]  FAIRE SEMBLANT DE TRAVAILLER. En 2016, un collectif belge prône le « travail général ». Cette forme de lutte, praticable par des personnes qui ne peuvent pas faire grève (étudiantes, indépendantes, chômeuses ou sans papiers), consiste à faire semblant de travailler. Elles se rendent ainsi dans des administrations publiques sans y avoir été invitées, y servent des cafés, ouvrent des tiroirs, rangent des chaises, etc. TRAVAILLER POUR RIEN. En 1997, l’artiste d’origine belge Francis Alÿs pousse durant huit heures un bloc de glace à travers les rues de Mexico. À la fin, la glace a fondu. « Parfois faire quelque chose ne mène à rien » est le titre de l’œuvre (Sometimes Making Something Leads to Nothing). DISPENSER DE TRAVAIL. En 1997, Sébastien Pecques, étudiant en art à Grenoble, dispose d’une bourse pour travailler pendant six mois avec un·e artiste de son choix. Il s’adresse alors à l’artiste suisse Gianni Motti qui, au lieu de lui confier les tâches routinières habituellement confiées aux assistant·es (et peut-être aussi pour ne pas avoir trop à s’en occuper), l’envoie faire un tour du monde, avec pour seule obligation de porter un tee-shirt sur lequel est écrit « Gianni Motti’s assistant ».

SE TRAVESTIR SE TRAVESTIR EN HOMME (ET DEVENIR PAPE). Dans les années 850, une jeune Allemande prénommée Jeanne (Johanna) se rend à Rome où, déguisée en homme, elle est remarquée pour son érudition et sa piété. Elle devient lectrice des saintes écritures, puis cardinale, jusqu’à finalement être élue papesse. Mais, deux ans plus tard, son accouchement en pleine messe trahira sa féminité biologique. La papesse Jeanne sera, à en croire certains chroniqueurs, lapidée par la foule5. SE TRAVESTIR EN FEMME (POUR DÉSERTER). En 1915, le poilu français Paul Grappe déserte l’armée, puis se travestit pour ne pas être retrouvé et exécuté. Il sera alors Suzanne Langdard, jusqu’en 1925, année de l’amnistie des déserteurs6. SE TRAVESTIR EN FEMME (POUR REVENDIQUER). Entre 1972 et 1974, le groupe militant homosexuel français d’inspiration situationniste Les Gazolines pratique de manière démonstrative le travestissement et le maquillage masculins. Et déclare : « Nous ferons les prochaines barricades en robe du soir. »  SE TRAVESTIR EN SOLDAT (ET FAIRE UN REPORTAGE). En 1915, alors que le front est interdit aux journalistes, la jeune Britannique Dorothy Lawrence se fait passer pour un soldat et part en reportage dans les tranchées. Lorsque sa féminité est découverte, elle est arrêtée, interrogée, puis renvoyée en Angleterre avec l’interdiction d’écrire sur ce qu’elle a vu. [ Voir aussi « infiltrer pour enquêter »] SE TRAVESTIR EN FEMME KURDE. En Iran en 2013, un Kurde accusé de violences est condamné à devoir porter en public un costume féminin traditionnel de sa région. En réponse à cette punition sexiste et hostile à leur culture, des femmes puis des hommes kurdes s’habillent de robes traditionnelles et diffusent leurs photographies. [ Voir aussi « mettre un voile »] SE TRAVESTIR POUR GAGNER PLUS. Au début du XXe siècle, certaines ouvrières se travestissent pour être aussi bien payées que les hommes. Ainsi, Elisabeth Trundle, une relieuse arrêtée à Brooklyn pour port d’habits masculins, déclarera avoir, grâce à cela, plus que doublé son salaire. [ Voir aussi « se déguiser »]

TRIER TRIER DES BIENS. Durant la Révolution française, les propriétés des aristocrates sont saccagées avec méthode. Ainsi, en 1792 à Littry en Normandie, avant de dévaster ou d’incendier les habitations et fermes de leur seigneur, les révolutionnaires évacuent soigneusement tout ce qui appartient aux fermiers et aux domestiques. TRIER DES VOITURES. Le 31 août 1994 en Californie, les personnes qui étudient, enseignent ou travaillent dans le Southwestern College sont priées de garer leur voiture en fonction de leur couleur. À la demande de l’artiste états-unienne Nina Katchadourian, chacun des quatorze parkings (3 477 places en tout) accueille, ainsi, une couleur différente : les voitures blanches dans le plus grand, les voitures rouges dans le second, etc. À la fin de la journée, personne ne retrouvera son véhicule (Carpark).

TROMPER TROMPER UNE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Le 30 novembre 2022, le robot conversationnel ChatGPT est mis à la disposition du public et peut répondre à toutes sortes de questions, à quelques interdits près. Pour les contourner, des internautes lui demandent d’écrire l’histoire d’une grand-mère racontant à son petit-fils comment elle a, dans sa jeunesse, fabriqué du napalm, une bombe nucléaire ou des drogues dures. Leurré, le chatbot livre les recettes prohibées. Mais, depuis, on ne la lui fait plus.

TROQUER TROQUER DES PRODUITS. En 2000 en Espagne, l’artiste français Matthieu Laurette crée un jeu de troc télévisé : une voiture est proposée au public, en échange de la meilleure offre possible. Ce sera un ordinateur, qui sera échangé contre un téléviseur, lui-même échangé contre un réfrigérateur, etc. Des escrocs feront plusieurs échanges de suite, mais, trop amateurs, les feront livrer au même endroit et seront ainsi démasqués (El Gran Trueque).

U

USURPER USURPER UN EMPIRE. En 1206, Baudouin de Flandres, empereur de Constantinople, disparaît subitement. Vingt ans plus tard, un ermite, reclus dans un bois près de Tournai, est pris pour le souverain disparu. L’ancien ménestrel accepte ce destin inopiné, raconte qu’il a été vendu sept fois comme esclave et laisse ses adorateurs baiser ses cicatrices ou conserver pieusement ses cheveux. Après s’être trahi lors d’une soirée arrosée, il s’enfuira. Il sera arrêté et pendu.  USURPER UN TITRE DE NOBLESSE [1]. En 1450, Jack Cade, meneur d’une révolte contre la corruption du gouvernement anglais, se fait appeler John Mortimer. Ce patronyme, alors jugé prestigieux, assurera la publicité de son mouvement. Mais, une fois démasqué, le rebelle sera pourchassé et tué. Son corps, quant à lui, sera jugé et décapité. USURPER UN TITRE DE NOBLESSE [2]. En mai 1754 à Montmartre, le vagabond Georges Bridon se prévaut de titres de noblesse pour apitoyer sur son sort et mieux faire l’aumône. Mais ne dupe pas la maréchaussée. USURPER UNE FONCTION À L’ONU. Le 7 novembre 1997, l’artiste suisse Gianni Motti se rend au siège de l’ONU à Genève et prend la place du délégué indonésien, absent ce jour-là. Lors du vote d’une résolution, il prend la parole en faveur des minorités ethniques. Plusieurs représentants indo-américains se rallient à ses propos et quittent l’assemblée en signe de protestation. La séance est momentanément suspendue (ONU). USURPER LE NOM DE SON ADVERSAIRE. En mars 1996, lors des élections municipales en Bavière, le nom de la CSU – le parti conservateur bavarois – est clandestinement peint sur les murs de la ville de Ratisbonne. Les riverain·es, ignorant que ces graffitis sont des impostures, protestent auprès de la CSU et peinent à croire ses démentis. USURPER SA PRÉSENCE DANS UNE EXPOSITION [1]. En 1981 à Toronto, l’artiste canadien Garry Neill Kennedy envoie des invitations pour une exposition à laquelle il ne participe pas. Sur les cartons d’invitation, il précise que son œuvre sera visible depuis une fenêtre de la galerie. L’œuvre en question est en réalité le vestige d’une ancienne publicité murale, vantant les mérites d’un médicament digestif (First Thing in the Morning).  USURPER SA PRÉSENCE DANS UNE EXPOSITION [2]. En 2015, l’artiste d’origine et de genre inconnus Kaya Lau s’invite à la Biennale d’art de Venise en se contentant de placer, dans l’une des expositions, un cartel portant son nom, à côté d’un extincteur (In Case of Roof Off). [ Voir aussi « s’inviter »]  USURPER SA PRÉSENCE DANS UN MUSÉE. Le 17 octobre 2003, l’artiste-activiste britannique Banksy s’introduit masqué dans la Tate Britain et colle subrepticement un petit tableau, dont il est l’auteur, entre deux autres. Quelques heures plus tard, la chute de l’œuvre clandestine alertera les gardiens.  USURPER UNE MOUSTACHE. Dans le Gujarat médiéval, alors que la moustache frisée et retroussée est une prérogative des castes supérieures, un ouvrier a le culot d’en arborer une. Il sera rasé, battu et banni. [ Voir aussi « corriger un livre » et « renommer »]

V

VANDALISER. [ Voir « détruire »]

VEILLER VEILLER DEVANT LA MAISON-BLANCHE. Aux États-Unis, de 1917 à 1919, les « Sentinelles silencieuses » se relayent pour veiller silencieusement devant la Maison-Blanche, demandant que le droit de vote soit accordé aux femmes. Le 21 mai 1919, la Chambre des représentants votera l’amendement leur accordant ce droit. VEILLER SUR LA VILLE. À Belfort, du 19 septembre 2011 au 20 septembre 2012, la chorégraphe d’origine australienne Joanne Leighton met en place un rituel : chaque matin et chaque soir durant une heure, au lever et au coucher du soleil, une personne se tient debout au sommet d’un bâtiment dominant la ville. Les passant·es peuvent ainsi apercevoir ces présences immobiles, qui semblent veiller sur elles et eux (Les Veilleurs)1. VEILLER EN HAUT D’UN MÂT. À Rennes en 2016, l’artiste français Abraham Poincheval demeure jour et nuit et durant une semaine sur une plateforme de 2 m2 placée en haut d’un mât haut de 12 m. Pourvu du minimum nécessaire, il surplombe l’agitation humaine et médite sur les vanités du monde (La Vigie urbaine). VEILLER AVEC UNE ARME. En 2009, à Bienne en Suisse, à la demande de l’artiste franco-suisse Jérôme Leuba, un homme se tient à un balcon durant deux mois et observe les passant·es, un fusil à ses côtés (Battlefield #47).

VENDRE SE VENDRE [1]. Dans les années 1900, la féministe états-unienne Elizabeth Magie publie une annonce dans laquelle elle se met elle-même en vente, en tant que « jeune femme esclave américaine »2. SE VENDRE [2]. En 2003, l’artiste états-unienne Andrea Fraser se fait payer par un collectionneur pour faire l’amour avec lui (Untitled). VENDRE DE LA TERRE. En juillet 1963 à Nice, l’artiste franco-suisse Ben propose à la vente des sachets en plastique, qu’il a remplis de terre sur une colline voisine (Creuser un trou et vendre la terre de Nice). VENDRE UN BAISER. En 1977, l’artiste française Orlan se place à l’entrée de la Foire internationale d’art contemporain de Paris, où se négocient des œuvres de grande valeur, et propose aux visiteurs de leur vendre un baiser, pour la somme modique de 5 francs (Le Baiser de l’artiste). VENDRE DES BOULES DE NEIGE. À New York, en février 1983, alors que les rues sont enneigées, l’artiste afro-américain David Hammons se place sur un trottoir entre deux vendeurs de rue, dispose au sol des boules de neige de différentes tailles et les propose à la vente (Bliz-aard Ball Sale). VENDRE DES PALMES. En 2011 à Los Angeles, l’artiste japonais Koki Tanaka se rend dans un marché aux puces, trouve un emplacement vacant et y dispose des palmes ramassées un peu plus loin. Puis les met en vente3 (Someone’s Junk Is Someone Else’s Treasure). VENDRE DES MOTS. En avril 2021 en Russie, quatre membres de la rédaction d’un journal étudiant sont arrêté·es pour leur soutien au mouvement démocratique. Afin de financer les amendes que le gouvernement inflige aux manifestant·es, leur journal vend alors aux enchères des mots que les quatre accusé·es devront prononcer durant leur procès. L’absurdité de leurs paroles, truffées de « pirosaure », de « kumquats » et de « shrexophone », causera l’hilarité générale, mais n’empêchera pas leur condamnation à deux ans de travail correctionnel. VENDRE DES VOTES. Aux États-Unis, les dons aux partis politiques ne sont pas limités, ce qui peut conduire les hommes et femmes politiques à se vendre au plus offrant. Pour répondre à ce risque de corruption, James Baumgartner, diplômé depuis peu en science politique, propose en 2000 de payer directement les électeur·rices. À l’occasion des élections présidentielles états-uniennes, il met ainsi en place voteauction.com, un site qui propose aux citoyen·nes de vendre leurs voix aux enchères4. VENDRE DES KEBABS AU SIDA. En 2014, le général égyptien Ibrahim Abdel-Atti affirme que son pays a vaincu le sida grâce à une technique révolutionnaire qui permet de faire de cette maladie un nutriment. En réponse à cette affirmation fumeuse, les restaurants égyptiens proposent à leurs client·es des « kebabs au sida ». VENDRE UN PRÉSIDENT. En février 2016, Abdel Fattah al-Sissi, président autoritaire de la République arabe d’Égypte, déclare être prêt à se vendre pour rétablir les finances de son pays. Aussitôt, un·e inconnu·e poste sur eBay une annonce proposant un « maréchal, docteur en philosophie avec un passé militaire, état décent ». Les enchères monteront jusqu’à 100 000 dollars, avant que le site ne supprime l’annonce. VENDRE UNE PRESTATION DE TOURISTE. En 1994, sur une place de Mexico, des artisans qui proposent leurs services sont debout les uns à côté des autres, avec une pancarte à leurs pieds. On peut y lire « électricien », « plombier », « peintre », etc. L’artiste d’origine belge Francis Alÿs se tient entre deux d’entre eux. Sur sa pancarte, il est écrit « touriste » (Turista). VENDRE LES VÊTEMENTS D’UN VENDEUR. En 2009, l’artiste allemand Christian Jankowski demande à un commissaire-priseur de vendre ses vêtements l’un après l’autre. À l’issue de la vente, il n’aura plus que son marteau pour pleurer. Et devra le vendre (Strip the Auctioneer). VENDRE LA PEAU D’UN TATOUÉ. En 2006, l’artiste belge Wim Delvoye tatoue Tim, un Suisse conciliant. Deux ans plus tard, la peau du cobaye est vendue à un collectionneur, qui pourra en disposer une fois le tatoué décédé et dépecé. En attendant, la peau est exposée avec Tim (Tim Steiner, l’homme tatoué). [ Voir aussi « tatouer »] VENDRE SA PARTICIPATION À UNE BIENNALE. En 2002, l’artiste suisse Christoph Büchel, invité à participer à la biennale Manifesta 4 qui doit se tenir à Francfort, décide de vendre sa participation, au plus offrant, sur le site de vente aux enchères eBay (Invite Yourself). L’artiste états-unienne Sal Randolph achète alors cette participation pour 15 099 dollars. [ Voir la suite dans « offrir une participation à une biennale » et « louer sa participation à une biennale »] VENDRE SA CUPIDITÉ. À partir de 2010, l’artiste d’origine allemande Thomas Geiger vend pour 1 euro de simples feuilles signées et tamponnées. En 2023 sont déjà vendus 52 459 exemplaires de ces certificats portant l’inscription « I want to become a millionaire ». VENDRE DE L’ARGENT [1]. En 1963, boulevard Saint-Germain à Paris, l’artiste hongrois Miklós Erdély, constatant l’emprise de l’argent sur les personnes occidentales, décide d’en vendre au rabais : pour 98,50 francs, on peut lui acheter 100 francs (Selling Money in the Street).  VENDRE DE L’ARGENT [2]. Le 31 août 2011 à Melbourne, l’artiste australien Denis Beaubois met en vente, aux enchères, une œuvre composée de 20 000 dollars australiens en coupures de 100 dollars. L’œuvre sera adjugée à 17 500 dollars seulement (Currency). VENDRE DE L’ARGENT [3]. En 1999 à Deauville, l’artiste français Claude Closky vend de l’argent à prix coûtant : grâce à son Distributeur de pièces de 2 francs, on peut acheter une pièce de 2 francs avec une pièce de 2 francs. VENDRE SA VIE EN IMAGES. À la fin des années 2010, le couple d’artistes français Émilie Brout & Maxime Marion se filme en respectant les critères techniques et esthétiques d’une banque d’images commerciale. On les voit ainsi à la maison, au travail ou en vacances, comme si les deux artistes vivaient dans une publicité. Ces représentations de leur vie sont ensuite mises en vente sur le site de la banque d’images (A Truly Shared Love). VENDRE DU SPERME. En juillet 1976 ouvre à New York une Celebrity Sperm Bank où l’on peut acheter aux enchères la semence de rock stars (Mick Jagger, Bob Dylan, John Lennon, etc.). Parmi les nombreux badauds assistant à l’ouverture, des opposantes s’exclament : « Do it the old fashioned way ! » (« Faites-le à l’ancienne ! »). On apprend alors que la liqueur séminale a été volée dans la nuit. Mais tout est faux, puisqu’il s’agit d’un canular de l’artiste et activiste Joey Skaggs5. VENDRE TOUTE SA VIE. En 2000, quand le jeune artiste états-unien John D. Freyer doit déménager, il s’aperçoit qu’il a accumulé beaucoup trop de choses. Il décide donc de tout vendre aux enchères sur eBay : ses livres, ses meubles, ses vêtements, mais aussi des objets intimes, un rendez-vous avec une amie ou l’opportunité d’être l’artiste lui-même, lors de son prochain anniversaire (All My Life for Sale). VENDRE SA NÉGRITUDE. En 2001, l’artiste nigériano-américain Keith Obadike met sa négritude en vente sur le site de vente aux enchères eBay. Le bien proposé est accompagné d’une notice exposant les avantages et les inconvénients d’être noir. Quatre jours plus tard, la vente, jugée inappropriée par eBay, sera annulée (Blackness for Sale).

VERBALISER VERBALISER DES 4X4. En 2001 aux États-Unis, le groupe d’activistes Earth on Empty dépose des contraventions factices sur les parebrises de luxueux véhicules tout-terrain. Les PV parodiques suggèrent aux conducteur·rices de rompre avec leur solitude en pratiquant le covoiturage ou en prenant le métro.

VERSER VERSER DU SABLE. Le 21 mai 1968, le slogan révolutionnaire « Sous les pavés la plage » est inscrit sur un mur de Paris. Le 23 juillet 1995 à Londres, un camion déverse 40 tonnes de sable sur les pavés de l’Upper Street. Puis trois mille personnes arrivent et participent à une rave party organisée par Reclaim the Streets, un collectif activiste anti-voitures.  VERSER DU LAIT. En 2009, des producteurs de lait créent une « marée blanche » en déversant leur lait autour du Mont-Saint-Michel, pour protester contre la baisse des prix de vente. VERSER SON SANG. En 2010 à Bangkok, les Thaïlandais·es opposé·es à la dictature ne veulent plus verser leur sang lors des combats avec la police. Ils décident donc d’aller directement le livrer aux autorités : le 16 mars, près de 300 litres de sang sont prélevés sur des milliers de volontaires, puis déversés devant le siège du pouvoir.

VISITER VISITER UN CENTRE ADMINISTRATIF. En juin 2004, Joël et Maïa Henry, adeptes du tourisme expérimental, effectuent une « odyssée administrative » en passant une journée dans le centre administratif de Strasbourg. Le couple étudie la décoration des bureaux, admire les œuvres qui les ornent, contemple la vue qu’offre le dernier étage et déjeune à la cantine. Avant de partir, les deux touristes achètent, dans la boutique, des souvenirs de la ville. VISITER SANS VOIR. En mars 2004, Joël Henry, cofondateur du Laboratoire de tourisme expérimental (Latourex), visite la ville de Luxembourg, les yeux bandés, guidé par sa femme. Après cette journée de « cécitourisme », il ne se souviendra que d’odeurs, de sons et de sa gaucherie.

VOIR NE PAS VOIR. Dans les années 1940, dans les usines françaises contrôlées par les Allemands, des ouvriers et ouvrières s’abstiennent de constater les défauts des biens fabriqués. Ainsi, grâce à cette résistance indécelable, certains produits livrés sont inutilisables.

VOLER. En 1994, lors d’une exposition à Barcelone, l’artiste français Philippe Meste demande aux visiteurs de déposer leur argent afin qu’il réalise une performance intitulée Le Vol. À l’heure de celle-ci, il s’en va avec les 26 000 pesetas récoltées. VOLER IMPUNÉMENT. Au XIVe siècle en Europe, certaines personnes, partisanes du libre-esprit, considèrent qu’elles n’ont pas à respecter la propriété et se servent donc, à leur guise, dans celle des autres. Jean de Brünn déclare par exemple en 1335 : « Dieu s’est attribué tous les biens pour que je m’en serve et que je les transmette à l’éternité. » Après quoi il est conduit sur le bûcher. VOLER LES CRÉANCIERS. En 1719, le brigand parisien Cartouche sauve un endetté du suicide, lui paye ses dettes, puis détrousse les créanciers remboursés. VOLER POUR REDISTRIBUER [1]. Lors des révoltes paysannes françaises au XVIIIe siècle, les prises de grain sont fréquentes. Ainsi, le 9 mai 1770 en Bourgogne, des femmes, poussées par la famine, s’emparent de cinq voitures de céréales pour aller les distribuer à Dijon. VOLER POUR REDISTRIBUER [2]. Au début du XXe siècle, les anarchistes français Ravachol ou Clément Duval pratiquent la « reprise individuelle » : lors de leurs cambriolages, ces « travailleurs de la nuit » volent des biens aux riches pour les restituer aux travailleurs6. [ Voir aussi « rendre gratuit »] VOLER DES ENJOLIVEURS. Voler des enjoliveurs de voiture, pour les revendre au bord de la route, est un gagne-pain ingénieux. En 1971 et 1972, l’artiste états-unien Dennis Oppenheim fait, quant à lui, des compositions paysagères avec les enjoliveurs qu’il a chapardés. Puis il les vend comme œuvres d’art (Violations). VOLER UN MUSÉE. En 2021, le Kunsten Museum of Modern Art d’Aalborg, au Danemark, demande à l’artiste danois Jens Haaning de refaire son œuvre Un revenu annuel moyen autrichien, soit deux toiles recouvertes de billets de banque, afin qu’elles soient présentées dans une exposition consacrée à la valeur du travail. Pour cela, le musée lui confie 70 000 euros en billets. Peu avant l’inauguration, l’artiste livre deux toiles blanches et prévient l’institution qu’il garde l’argent. Puis annonce que cette nouvelle œuvre s’intitule Take the Money and Run (« Prends l’oseille et tire-toi »). VOLER DES ŒUVRES VOLÉES. Le 12 juin 2020 à Paris, l’activiste congolais Emery Mwazulu Diyabanza se rend, avec quatre complices, dans le musée du quai Branly, dont la collection ethnographique est principalement issue du pillage des anciennes colonies françaises. Il s’y empare d’un poteau funéraire d’origine tchadienne et déclare qu’il veut le restituer aux « dépossédés de la colonisation ». Aussitôt arrêté, il est condamné pour vol aggravé. Désireux d’effectuer d’autres restitutions à l’Afrique, il réitérera son action à Marseille, aux Pays-Bas ou au Louvre, où il volera – tout le monde peut se tromper – une statue indonésienne. REVOLER. Au début du XVIIIe siècle, emprisonné pour vol, le bandit parisien Cartouche s’évade, puis passe récupérer son larcin déposé au greffe. NE PAS VOLER N’IMPORTE QUI. Au début du XXe siècle, l’anarchiste français Marius Jacob vole les oppresseurs – patrons, juges, militaires ou curés –, mais épargne ceux qu’il juge utiles : médecins, enseignants, architectes ou artistes. [ Voir aussi « rembourser »] PLANIFIER UN VOL. En 1999, l’artiste britannique Janice Kerbel prépare avec minutie l’attaque d’une banque, mais s’abstient de passer à l’acte (Bank Job). FAIRE VOLER. En 1971, l’activiste libertaire états-unien Abbie Hoffman publie un guide pratique : comment manger ou se droguer gratuitement, comment monter une radio pirate, comment fabriquer des cocktails Molotov, etc. Le livre s’intitule : Steal This Book (« Volez ce livre »).

S’il vous semble que d’autres actes auraient leur place dans ce livre, n’hésitez pas à nous les signaler en écrivant à :

subversions@martinlechevallier.net

Nous pourrons les inclure dans une prochaine édition.

Index

  • 3NÓS3 1
  • AASTED SØRENSEN, Henrik 1
  • ABADI, Moussa 1
  • ABADI, Odette 1
  • ABRAMOVIĆ, Marina 1
  • ACCONCI, Vito 1
  • ACHMAT, Zackie 1
  • ACTIVISTS FOR CHANGE 1, 2
  • ACT UP 1, 2, 3, 4
  • ADAMITES 1, 2
  • AEFFERDEN (VAN), Josephina 1
  • AHEARN, Franck 1
  • AÏT-TOUATI, Frédérique 1
  • ALLORA, Jennifer 1
  • ALTERNATIVE ORANGE 1, 2, 3, 4, 5
  • ALTMAN, Mitch 1
  • ALŸS, Francis 1, 2, 3, 4, 5
  • AL-ZAÏDI, Mountazer 1
  • AMBROZ, Vladimír 1, 2
  • AMIN, Heba Y. 1
  • AMIS DE LA NATURE ET DU SOLEIL 1
  • AMON DÜÜL 1
  • ANARCHISTES DE MONTE VERITÀ 1
  • ANT FARM 1, 2, 3
  • ANTI-APARTHEID 1, 2
  • ANTIFASCISTES ALLEMAND·ES (années 1920) 1
  • ANTI-NAZIS NÉERLANDAIS·ES 1
  • ANTI-SÉGRÉGATIONNISTES (États-Unis) 1, 2, 3, 4, 5, 6
  • ANTONY, Rachael 1
  • APPLIED AUTONOMY 1
  • ARABIAN STREET ARTISTS, THE 1
  • ARGOTE, Iván 1, 2
  • ASHER, Michael 1
  • ASSOCIATION DES ÉTUDIANTS MUSULMANS NORD-AFRICAINS 1
  • ATELIER VAN LIESHOUT 1
  • ATTAC 1
  • AUGUSTE-DORMEUIL, Renaud 1
  • AVALOS, David 1
  • AZIZ, Feroza 1
  • BAADER, Johannes 1
  • BABA-ALI, Younes 1, 2, 3
  • BAD BEUYS ENTERTAINMENT 1
  • BAGHRICHE, Fayçal 1
  • BANKSY 1, 2, 3
  • BARBE, LA 1
  • BARBIE LIBERATION ORGANIZATION 1
  • BARDIN, Olivier 1, 2
  • BARRY, Robert 1
  • BARTO, Eva 1
  • BASHI, Tatsurou 1
  • BATAILLONS DISCIPLINAIRES D’AFRIQUE DU NORD 1
  • BAUDELAIRE, Éric 1
  • BAUMGARTNER, James 1
  • BAXTER, Iain 1
  • BAZANTAY, Pierre 1
  • BEAUBOIS, Denis 1, 2, 3
  • BÊCHEUX·SES 1, 2
  • BEGUET, Damien 1
  • BEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
  • BÉRARD, Stéphane 1, 2, 3
  • BERCLAZ, Jean-Daniel 1
  • BERMAN, Basia 1
  • BERNIER, Patrick 1
  • BERNON, Pierre, dit L’ESPÉRANCE 1
  • BERTHALON, Félix 1
  • BERTHALON, Théophile 1
  • BERTHIER, Julien 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
  • BIANCOSHOCK, Fra 1
  • BICHLBAUM, Andy 1, 2
  • BIG BROTHER AWARDS 1
  • BILAL, Wafaa 1
  • BILLICZER, Eva 1
  • BILLIONAIRES FOR BUSH 1
  • BIRAULT, Paul 1
  • BISHOP, Corbett 1
  • BISMARCK (VON), Julius 1
  • BIZI! 1
  • BLACK IS BEAUTIFUL 1
  • BLACK LIVES MATTER 1, 2
  • BLACKMAN, Jo 1
  • BLACK PANTHERS 1
  • BLIND, THE 1
  • BLISSETT, Luther 1, 2
  • BOAL, Augusto 1
  • BOCCANFUSO, Raphaël 1, 2
  • BOKHAN, Vladislav 1
  • BOMBILY 1, 2, 3
  • BONANNO, Mike 1
  • BORSATO, Diane 1, 2
  • BOUDVIN, Simon 1
  • BRACONNEUR·SES 1
  • BRAG, Anna 1
  • BRATZKE, Thomas 1
  • BRAY, Marthe 1
  • BRIDON, Georges 1
  • BRIGANDS ITALIENS (années 1860) 1
  • BROAD, James 1
  • BROIN (DE), Michel 1
  • BROUT, Émilie 1, 2
  • BROUWN, Stanley 1
  • BROWN, Bill 1
  • BROWN, Colleen 1
  • BRUCE MUMFORD, William 1
  • BRUGUERA, Tania 1
  • BRÜNN (DE), Jean 1
  • BRUSCKY, Paulo 1
  • BÜCHEL, Christoph 1, 2, 3, 4, 5, 6
  • BURDEN, Chris 1, 2, 3
  • BUREAU DES MESURES EXCEPTIONNELLES 1
  • BUTLER, Eleanor 1
  • BUTTS, Calvin 1
  • CADE, Jack 1
  • CADERE, André 1
  • CAEIRO, Celeste 1
  • CAHUN, Claude 1
  • CALLE, Sophie 1
  • CALZADILLA, Guillermo 1
  • CAMERON, Shirley 1
  • CANTOR, Mircea 1, 2, 3, 4
  • CARBON DEFENSE LEAGUE 1
  • CARLOS, John 1
  • CARRIÓN JAIME, Raychel 1
  • CARRIÓN, Ulises 1
  • CARTOUCHE 1, 2, 3
  • CARVALHO (DE), Flavio 1
  • CASINO FREE 1
  • CATTELAN, Maurizio 1, 2, 3, 4
  • CECCHINI, Graziano 1
  • CHAINWORKERS 1
  • CHAPOULIE, Jean-Marc 1
  • CHARLIER, Jacques 1
  • CHARNEY, Melvin 1
  • CHARRIÈRE, Julian 1
  • CHERNYSHEVA, Anastasia 1
  • CHRISTO 1, 2
  • CIRIO, Paolo 1, 2, 3, 4, 5
  • CLAIRE FONTAINE 1, 2
  • CLAN DU NÉON 1
  • CLEGG, Michael 1
  • CLERCS VAGANTS 1
  • CLOSKY, Claude 1, 2, 3
  • COHEN, Arnaud 1
  • COHEN, Steven 1
  • COLOMER, Jordi 1
  • COLSON, Juliette 1
  • COLVIN, Claudette 1, 2
  • COMANI, Daniela 1
  • COMITÉS DE QUARTIER ITALIENS 1
  • COMMUNARD·ES 1, 2
  • CONGLOMCO 1
  • CONSCRITS BRETONS 1
  • CONSCRITS FRANÇAIS 1, 2
  • CONSEIL DES COMMÈRES 1
  • CONTESTATAIRES DE ROMANS (1580) 1, 2, 3, 4
  • COQALANE, Gilbert 1
  • COSTA, Eduardo 1
  • COURBET, Gustave 1
  • COURBOT, Didier 1
  • COWARD, Charles 1
  • CRIEURS PUBLICS 1
  • CRITICAL ART ENSEMBLE 1
  • CUBAIN·ES 1
  • CURANDI, Valentina 1
  • CURLET, François 1
  • CYCLISTES 1
  • DALRYMPLE, Dennis 1
  • DANSEUSES DU LUSTY LADY 1
  • DARLING, Lowell 1, 2, 3, 4, 5
  • DAVE, Ted 1
  • DECHRISTOPHER, Tim 1
  • DECLERCQ, Alain 1, 2, 3, 4, 5
  • DECTOR & DUPUY 1
  • DECTOR, Michel 1, 2
  • DÉGONFLÉS, LES 1
  • DEJANOV, Plamen 1
  • DEKYNDT, Edith 1
  • DE LACY EVANS, Edward 1
  • DELLER, Jeremy 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
  • DELVOYE, Wim 1, 2, 3
  • DEMANDEUR·EUSES D’ASILE 1
  • DÉNES, Ágnes 1
  • DEROIN, Jeanne 1
  • DESIGN FOR EVERYONE 1
  • DESSALINES, Jean-Jacques 1
  • DE STOETEN OSTENDENOARE 1
  • DIBBETS, Jan 1
  • DIMITRIJEVIĆ, Braco 1
  • DISSIDENT·ES SOVIÉTIQUES 1
  • DOCKERS ÉCOSSAIS (fin XIXe siècle) 1
  • DOLLE MINA 1, 2
  • DOUANIERS ET DOUANIÈRES ITALIEN·NES ET FRANÇAIS·ES (1984) 1
  • DOUGLAS, Noel 1
  • DOUILLARD, Carole 1
  • DOWNTOWN DE-FENCE PROJECT 1
  • DUBOC, Odile 1
  • DURHAM, Jimmie 1
  • DURIF, François 1
  • DUVAL, Clément 1
  • EARTH ON EMPTY 1
  • ECKO, Marc 1
  • EDVARDSEN, Mette 1
  • EHLERS, Jeannette 1
  • EICHHORN, Maria 1
  • ELAHI, Hasan M. 1
  • ELECTRONIC DISTURBANCE THEATER 1, 2
  • ELVENES, Bjørn 1
  • EMPLOYÉ·ES DE MAISON INDONÉSIEN·NES (2009) 1
  • EMPLOYÉ·ES DES CHEMINS DE FER AUSTRALIEN·NES (1905-1907) 1
  • EMPLOYÉ·ES DES ÎLES SALOMON (1943) 1
  • ENGELBREGT, Martijn 1, 2
  • ERDÉLY, Miklós 1, 2
  • ERKMEN, Ayşe 1
  • ESCARI, Raúl 1
  • ESCLAVES 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
  • ESCLAVES, TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DANS L’ÉGYPTE ANCIENNE 1
  • ESTRELLA, Miguel Ángel 1
  • ÉTABLI·ES 1
  • ÉTUDIANTS DU MIT 1
  • EUN 1
  • EXTINCTION REBELLION 1
  • FABRE, Raphaël 1
  • FAITHFULL, Simon 1
  • FANCY DRESS PARTY 1, 2
  • FANG DU GABON (début XXe siècle) 1
  • FASTAG, Eva 1
  • FĀṬEMEH 1
  • FAUSTINO, Didier 1
  • FEMEN 1
  • FÉMINISTES FRANÇAISES 1, 2, 3, 4, 5
  • FEMMES DU CAMP DE GREENHAM COMMON 1
  • FEMMES IGBO (1925) 1, 2
  • FEMMES IROQUOISES (1600) 1
  • FEMMES KENYANES D’UMOJA 1
  • FERRER, Francisco 1
  • FILLIOU, Robert 1
  • FINIZIO, Francesco 1
  • FINN-KELCEY, Rose 1
  • FLAGADAS, LES 1
  • FLON, Catherine 1
  • FLORI, Michel-Ange 1
  • FONDATION DU RIEN 1
  • FOREST, Fred 1, 2
  • FRANCE QUI SE LÈVE TÔT, LA 1
  • FRASER, Andrea 1
  • FREYER, John D. 1
  • FRONT DE LIBÉRATION DES NAINS DE JARDIN 1
  • FRONT POLISARIO 1
  • FRUM, John 1, 2
  • FUKUDA, Miran 1
  • FURLAN, Massimo 1
  • FUSCO, Coco 1
  • GAILLARD, Cyprien 1
  • GANDHI 1, 2
  • GANNE, Jean-Baptiste 1
  • GARCÍA GALÁN, Irene (IRENE) 1
  • GARCÍA, Joaquín 1
  • GARCIA, Twiggy 1
  • GAULON, Benjamin 1, 2
  • GAZOLINES, LES 1
  • GEIGER, Thomas 1, 2, 3
  • GEIRNAERT, Bram 1
  • GELATIN ou GELITIN 1, 2
  • GENS D’UTERPAN, LES 1
  • GEORGE, William Reuben 1
  • GERZ, Jochen 1, 2
  • GEYS, Jef 1
  • GHANA THINK TANK 1, 2
  • GIBB, Roberta Louise (BOBBI GIBB) 1
  • GIGANOV, Anatoly 1
  • GIL & MOTI 1
  • GILETS JAUNES 1, 2
  • GILLMORE, William 1
  • GINSBERG, Allen 1
  • GIROTONDI 1
  • GLASNER, Jakob 1
  • GLASS, Dan 1
  • GLOBAL JUSTICE NOW 1
  • GODIN, Noël 1
  • GOEMON, Ishikawa 1
  • GOETSCHEL, Antoine François 1
  • GOLIARDS 1
  • GÓMEZ-PEÑA, Guillermo 1
  • GONZÁLEZ-TORRES, Félix 1, 2
  • GORCUM (VON), Jacob 1
  • GORMLEY, Antony 1, 2
  • GOUGES (DE), Olympe 1
  • GOUGH, Stephen Peter 1
  • GOUINES ROUGES, LES 1
  • GRANT, Evan 1
  • GRAPPE, Paul 1, 2
  • GRAVY, Wavy 1
  • GREENFORT, Tue 1
  • GREEN, Gregory 1
  • GREENPEACE 1, 2, 3, 4, 5
  • GREENSPAN, Jeff 1
  • GRENIER, Philippe 1
  • GRÉVISTES FRANÇAIS·ES (1968) 1, 2
  • GROSSER, Benjamin 1, 2
  • GROUNDWORK 1
  • GUERRIERS MAÏ-MAÏ 1
  • GUERRILLA ART ACTION GROUP 1
  • GUERRILLA CROSSWALKS 1
  • GUERRILLA GARDENING 1
  • GUERRILLA GRAFTERS 1
  • GÜNDÜZ, Erdem 1
  • GUTTMANN, Martin 1
  • HAACKE, Hans 1, 2
  • HAANING, Jens 1, 2, 3
  • HAGEN, Nina 1
  • HAITIEN·NES 1
  • HALPRIN, Anna 1
  • HAMMONS, David 1, 2, 3
  • HARFLEET, Paul 1
  • HARRAGAS 1
  • HARVEY, Adam 1, 2, 3, 4, 5
  • HASSAN II 1
  • HAWAÏEN·NES 1
  • HAWLEY, Joe 1, 2
  • HEGER, Swetlana 1
  • HEHE 1
  • HEIN, Jeppe 1
  • HEKE, Hone 1
  • HELIAS, Yves 1
  • HENDERSON, Mel 1, 2
  • HENDRICKS, Jon 1
  • HENRY, Joël 1, 2, 3, 4, 5
  • HENRY, Maïa 1, 2, 3, 4
  • HEREDIA, Nicolas 1
  • HIPPIES 1, 2, 3, 4, 5
  • HI-RED CENTER 1
  • HIRSCHHORN, Thomas 1
  • HOCK, Louis 1
  • HOFFMAN, Abbie 1, 2, 3, 4, 5
  • HOHEISEL, Horst 1
  • HÖLLER, Carsten 1, 2
  • HORIKAWA, Tatsuko 1
  • HOWE, Daniel 1, 2
  • HSIEH, Tehching 1, 2
  • HUYGHE, Pierre 1, 2, 3
  • ICONOCLASTES, LES 1
  • IGBO (-XVIIIe siècle) 1
  • ILOTOPIE 1
  • IMPROV EVERYWHERE 1
  • INDÉPENDANTISTES BALTES 1
  • INDÉPENDANTISTES IRLANDAIS·ES 1, 2
  • INSTITUTE FOR APPLIED AUTONOMY 1, 2
  • INSTITUTE FOR INFINITELY SMALL THINGS 1
  • IRA (ARMÉE RÉPUBLICAINE IRLANDAISE) 1
  • ISSIAKHEM, M’hamed 1
  • IVEKOVIĆ, Sanja 1, 2, 3, 4
  • JAAR, Alfredo 1
  • JACKSON, Zig 1
  • JACOB, Marius 1, 2
  • JACOBY, Roberto 1
  • JACOTOT, Joseph 1
  • JANKOWSKI, Christian 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
  • JÁNOŠÍK, Juraj 1
  • JANŠA, Janez 1
  • JAY, Karla 1
  • JAZZMEN ALLEMANDS (années 1940) 1
  • JEANNE-CLAUDE 1, 2
  • JEANNE (papesse) 1
  • JÉSUS ET SES APÔTRES 1
  • JEUDI NOIR 1
  • JODI 1
  • JOLY, Eva 1
  • JOURNIAC, Michel 1, 2
  • JUÁREZ, Geraldine 1
  • JUNG, Florence 1, 2, 3, 4
  • KABOUTERS 1
  • KADER (association turque) 1
  • KALLEINEN, Tellervo 1
  • KAMINSKY, Adolfo 1
  • KAPP, Caram 1
  • KARL, Don 1
  • KATCHADOURIAN, Nina 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
  • KATSU 1
  • KATZ, Nathaniel 1
  • KEIICHI, Ikemizu 1
  • KENNEDY, Garry Neill 1
  • KENNEY, Jessie 1
  • KERBEL, Janice 1
  • KESSLER, Leopold 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
  • KEY, Elizabeth 1
  • KHADEMI, Kubra 1
  • KING MOB 1
  • KIPPENBERGER, Martin 1, 2
  • KLOSTERMAYR, Matthias 1
  • KNIBBE, Eva 1
  • KOCHTA-KALLEINEN, Oliver 1
  • KOLBE, Maximilien 1
  • KOMAR, Vitaly 1, 2, 3
  • KOVANDA, Jiří 1, 2, 3
  • KRONLID, Lotta 1
  • KRUGER, Barbara 1
  • LACOTTE, Laurent 1, 2, 3
  • LAGOS, Ricardo 1
  • LAHR, Christin 1
  • LAKNER, Antal 1
  • LALA, Jamil 1
  • LAMBERT, Steve 1, 2, 3
  • LANDY, Michael 1
  • LANGDARD, Suzanne 1
  • LANGE, Andrea 1, 2
  • LANNA ACTION FOR BURMA COMMITTEE 1
  • LASSALLE, Jean 1
  • LASTESIS 1
  • LAST THURSDAYISTES 1
  • LATOUR, Bruno 1, 2
  • LATOUREX (LABORATOIRE DE TOURISME EXPÉRIMENTAL) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
  • LAU, Kaya 1
  • LAURETTE, Matthieu 1, 2, 3
  • LAWRENCE, Dorothy 1
  • LEDOUX, P. Nicolas 1
  • LEE, Ji 1
  • LÉGER, Fernand 1
  • LEIGHTON, Joanne 1
  • LEINKAUF, Mischa 1
  • LENNON, John 1, 2, 3, 4
  • LEONARD, Zoe 1, 2
  • LETTRISTES 1
  • LEUBA, Jérôme 1, 2, 3, 4, 5
  • LEWIS, Mark 1, 2
  • LIBERTAIRES DANOIS·ES 1
  • LIPPARD, Lucy 1, 2
  • LOLIS, Andreas 1
  • LONG, Richard 1
  • LOP, Ferdinand 1, 2
  • LUDDITES 1, 2, 3
  • LUDLOW, Kevin 1
  • LUDOVICO, Alessandro 1
  • LÜTGERT, Sebastian 1
  • MACÉ, Bruno 1
  • MADELEINE, Éric (MADE IN ERIC) 1
  • MAGID, Jill 1, 2
  • MAGIE, Elizabeth 1, 2
  • MAKHNOVCHTCHINA (ARMÉE RÉVOLUTIONNAIRE INSURRECTIONNELLE UKRAINIENNE) 1
  • MALIŠAUSKAS, Erikas 1
  • MALRAUX, André 1
  • MAMÈRE, Noël 1
  • MANDIETA, Ana 1
  • MANIFESTANT·ES DES « MANIFS DE DROITE » 1
  • MANIFESTEMENT (collectif) 1, 2
  • MANJHEE, Kanoo 1
  • MANNING, Monty 1
  • MANZONI, Piero 1
  • MAOÏSTES (1927) 1, 2
  • MARCOS (sous-commandant) 1, 2
  • MARINS EUROPÉENS (avant milieu XXe siècle) 1
  • MARION, Maxime 1, 2
  • MARISSAL, Laurent 1, 2, 3, 4
  • MARK, Kelly 1
  • MARKOVIĆ, Dejan 1
  • MARQUES, Lorella 1
  • MARSHALL, Ben 1
  • MARSHALL, Kirstie 1
  • MARTENS, Renzo 1
  • MARTIN, Olive 1
  • MARXISTES ET KURDES TURCS 1
  • MASSERA, Jean-Charles 1
  • MATHIEU-GUIMBRETIÈRE, Suzanne 1
  • MATSUMOTO, Tsutomu 1
  • MATTA-CLARK, Gordon 1, 2, 3, 4
  • MAXIMILIEN DE THÉVESTE, dit SAINT MAXIMILIEN 1
  • MAYER, Frédéric 1
  • MAZETTI, Hannah (née Lina FREY) 1, 2
  • MAZETTI, Tomas 1
  • MAZET ZACCARDELLI, Cédric 1
  • MCCLELLAND, Elspeth 1
  • MCDONALD, Joselyn 1
  • MCKINLEY, Charles 1
  • MCKINNEY, Stewart 1
  • !MEDIENGRUPPE BITNIK 1, 2, 3
  • MEDVEDKINE, Alexandre 1
  • MEIRELES, Cildo 1
  • MELAMID, Alexander 1, 2, 3
  • MÉLANÉSIEN·NES (culte du cargo) 1, 2, 3, 4, 5
  • MÈRES DE LA PLACE DE MAI 1
  • MÈRES DU SAMEDI 1
  • MESLIN, Dave 1
  • MESSNER, Ann 1, 2, 3, 4, 5, 6
  • MESTE, Philippe 1, 2, 3
  • METZEL, Olaf 1
  • MICHEEL, Stefan 1
  • MICHEL, Louise 1
  • MILITANTS GAYS ÉTATS-UNIENS 1
  • MILLER, Kathryn 1
  • MILLER, Roland 1
  • MINGZHU, Dong 1
  • MLF (MOUVEMENT DE LIBÉRATION DES FEMMES) 1, 2
  • MODISANE, Tshepo Cameron 1
  • MOINES BIRMANS 1
  • MONBIOT, George 1
  • MOON, Jeremy 1
  • MOORE, Marcel 1
  • MOORE, Michael 1, 2, 3
  • MOORMAN, Charlotte 1
  • MORAL, Şükran 1, 2, 3
  • MORICEAU, Benoît-Marie 1
  • MORRIS, Robert 1
  • MOTTI, Gianni 1, 2, 3, 4, 5
  • MOURAUD, Tania 1
  • MOUS DE LA ROUE, LES 1
  • MOUVEMENT DES DROITS CIVIQUES 1
  • MÜLLERALTERNATIVE 1
  • MUMEO, Oku 1
  • MURATET, Henri 1
  • MUTINS DE SPITHEAD 1
  • MWAZULU DIYABANZA, Emery 1
  • NABUCHODONOSOR 1
  • NATLACEN, Wolfgang 1
  • NEEDHAM, Andrea 1
  • NEILL, Alexander Sutherland 1
  • NEUHAUS, Max 1, 2
  • NEUMARK, Devora 1
  • NEUSS, Wolfgang 1
  • NEW, Edith 1
  • NIKOLAEV, Anton 1
  • NISCINO, Tazro 1
  • NISHI, Tatzu 1
  • NISSENBAUM, Helen 1, 2
  • NKOLOSO, Edward Makuka 1
  • NOLYMPIQUES 1
  • NUUR, Yoonis Osman 1
  • NYAMUTSWA 1
  • NYANJIRU, Mary Muthoni 1
  • NYANZI, Stella 1
  • OBADIKE, Keith 1
  • OCONNELL, Daniel 1
  • OLIVER, Julian 1, 2
  • ONDÁK, Roman 1, 2, 3
  • ONO, Yoko 1, 2, 3
  • OOZU, Tatzu 1
  • OPPENHEIM, Dennis 1, 2
  • OPPOSITION À L’ENCLOSURE ANGLAISE 1
  • OPPOSITION ANTI-COMMUNISTE ALLEMANDE 1, 2
  • OPPOSITION BALTE (1987-1991) 1
  • OPPOSITION BIÉLORUSSE 1, 2
  • OPPOSITION BIRMANE 1, 2, 3, 4
  • OPPOSITION BRÉSILIENNE (années 1970) 1
  • OPPOSITION BURKINABÈ (2014) 1
  • OPPOSITION CHILIENNE (années 1980) 1
  • OPPOSITION CHILIENNE (2019) 1
  • OPPOSITION CHINOISE 1, 2, 3
  • OPPOSITION ÉGYPTIENNE 1
  • OPPOSITION FRANÇAISE (1847) 1
  • OPPOSITION HAÏTIENNE (années 1980) 1
  • OPPOSITION HONGKONGAISE 1, 2
  • OPPOSITION HONGROISE 1
  • OPPOSITION HONGROISE (1956) 1
  • OPPOSITION INGOUCHE 1
  • OPPOSITION IRANIENNE ET KURDE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
  • OPPOSITION MEXICAINE (2003) 1
  • OPPOSITION PÉRUVIENNE (2000) 1
  • OPPOSITION POLONAISE (années 1980) 1, 2, 3, 4, 5, 6
  • OPPOSITION RUSSE 1, 2, 3
  • OPPOSITION SERBE (2000) 1
  • OPPOSITION SYRIENNE 1
  • OPPOSITION THAÏLANDAISE (2010) 1
  • OPPOSITION TURQUE (1996) 1
  • OPPOSITION TURQUE (2013) 1
  • ORAHILLY, Ronan 1
  • ORDRES MENDIANTS 1
  • ORION, Alexandre 1
  • ORLAN 1, 2, 3
  • OTPOR 1
  • OUVRIERS ET OUVRIÈRES DE L’ACIÉRIE HOMESTEAD 1
  • OUVRIERS ET OUVRIÈRES DE LIP 1, 2
  • OUVRIERS ET OUVRIÈRES DE L’USINE ÉLECTRIQUE DE SCHENECTADY 1
  • OUVRIERS ET OUVRIÈRES DES ARSENAUX DE LA MARINE ROYALE FRANÇAISE 1
  • OUVRIERS ET OUVRIÈRES ITALIEN·NES (années 1970) 1
  • OUVRIERS ET OUVRIÈRES TISSERAND·ES HOLLANDAIS·ES 1
  • PACI, Adrian 1
  • PANKHURST, Christabel 1
  • PANTHÈRES ROSES, LES 1
  • PARAT, Lénaïs 1
  • PARIPOVIĆ, Neša 1
  • PARISIEN·NES OPPOSÉ·ES À HENRI III 1
  • PARKS, Rosa 1
  • PARRENO, Philippe 1
  • PARTI HONGROIS DU CHIEN À DEUX QUEUES 1
  • PAUL DE THÈBES, dit SAINT PAUL L’ANACHORÈTE 1
  • PAVLENSKI, Piotr 1, 2
  • PAYSAN·NES ALLEMAND·ES (1514) 1
  • PAYSAN·NES DE L’INDE TRADITIONNELLE OU MÉDIÉVALE 1
  • PAYSAN·NES DU TANGANYIKA (1905-1907) 1
  • PAYSANS DU KARNATAKA 1
  • PECQUES, Sébastien 1
  • PENCK, A. R. 1
  • PERELMAN, Grigori Iakovlevitch 1
  • PERJOVSCHI, Dan 1
  • PERSONNEL DU CHU DE CAEN 1
  • PERTURBATIONISTES 1
  • PETCHKITÉ, Guintaré 1
  • PETERSEN, Lene Adler 1
  • PETIT, Philippe 1
  • PEUPLE QUI MANQUE, LE 1
  • PIGASUS 1
  • PINESCHI, Michael 1
  • PINONCELLI, Pierre 1
  • PINZÓN, Dulce 1
  • PIRATES 1
  • PLAKU, Sabire 1
  • PLEUREUSES, LES 1
  • POINCHEVAL, Abraham 1
  • POITRAS, Edward 1
  • POMMERAT, Joël 1
  • PONSONBY, Sarah 1
  • PORTEUR·EUSES DE VALISES 1
  • POSTERS, Bill 1
  • POWERS, Steve (ESPO) 1
  • PRÉVIEUX, Julien 1, 2, 3, 4
  • PRISONNIERS, PRISONNIÈRES, BAGNARD·ES 1, 2, 3, 4, 5
  • PROBST, Christoph 1
  • PROTESTANT·ES (XVIe siècle) 1, 2, 3
  • PROTESTANT·ES FRANÇAIS·ES (XVIIe siècle) 1
  • PROVOS 1, 2, 3, 4, 5, 6
  • P.T.T.RED 1, 2, 3, 4
  • PURROY, Daniel 1
  • PUZZOLO, Norberto 1
  • QUEER NATION 1
  • QUESNE, Philippe 1
  • QUILOMBO DOS PALMARES 1
  • QUINN, Marc 1
  • RAAD, Walid 1
  • RADUL, Judy 1
  • RAKOWITZ, Michael 1
  • RAMETTE, Philippe 1
  • RANDOLPH, Sal 1, 2, 3
  • RANTERS, DIVAGATEUR·RICES 1, 2
  • RAPID TRANSIT GUERILLA COMMUNICATION 1
  • RAPLAPLAS, LES 1
  • RASMUSSEN CANCIAN, Steve 1
  • RASSEMBLEMENT POUR L’ÉGALITÉ DES RACES 1, 2, 3
  • RAVACHOL 1
  • RECLAIM THE STREETS 1, 2, 3, 4, 5
  • REDSTOCKINGS 1
  • RÉFUGIÉ·ES 1, 2
  • REINERT, Marie 1
  • RENAULT, Jean 1
  • RÉPUBLICAIN·ES ESPAGNOL·ES 1, 2, 3
  • RÉSISTANCE ALLEMANDE 1
  • RÉSISTANCE ANGLO-NORMANDE 1
  • RÉSISTANCE ANTI-COLONIALE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
  • RÉSISTANCE AU NAZISME 1, 2
  • RÉSISTANCE DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION ET DANS LES GHETTOS 1, 2, 3, 4
  • RÉSISTANCE FRANÇAISE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
  • RÉSISTANCE NORVÉGIENNE 1, 2
  • RÉSISTANCE POLONAISE 1
  • RÉSISTANCE TCHÉCOSLOVAQUE (1968) 1, 2, 3
  • RESTONS VIVANTS 1
  • RETZEPI, Kalli 1
  • RÉVOLUTION A4 1
  • RÉVOLUTIONNAIRES FRANÇAIS·ES (1789-1799) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
  • RÉVOLUTIONNAIRES FRANÇAIS·ES (1968) 1
  • RÉVOLUTIONNAIRES PRÉ-COMMUNISTES TAIPING 1
  • RÉVOLUTIONNAIRES RUSSES 1, 2, 3, 4
  • REYES, Pedro 1
  • RHINOCEROS PARTY, THE 1, 2
  • RICHARDSON, Mary 1
  • RICHTER, Dora 1
  • RIEHL, Damien 1
  • RIMINI PROTOKOLL 1
  • RINGGOLD, Faith 1
  • RINGLEY, Jennifer 1
  • RISS 1
  • RITTER, Kathleen 1
  • RIVET, Pascal 1
  • ROBERT, Paul 1
  • ROBIN, Paul 1
  • ROE, Erika 1
  • ROOS, Roland 1, 2, 3, 4
  • ROSALIE, Yvrin 1
  • ROSENBERG, Leah 1
  • ROSENFELD, Lotty 1
  • ROSENHAN, David 1
  • ROSLER, Martha 1
  • ROTER FRONTKÄMPFERBUND 1
  • ROUCH, Jean 1
  • ROUS, Tazu 1
  • RTMARK 1, 2
  • RUBIN, Jerry 1, 2, 3
  • RUBIN, Jon 1
  • RUBIN, Noah 1
  • RYBN 1
  • SAINTE-BEUVE, Charles-Augustin 1
  • SAINT PHALLE (DE), Niki 1
  • SALCEDO, Doris 1
  • SALIM, Adil 1
  • SAMOAN·NES (époque coloniale) 1
  • SANTALS (rébellion de 1855-1856) 1
  • SCHLINGENSIEF, Christoph 1, 2, 3
  • SCHMIDT, Ralf 1
  • SCHNEIDER, Gregor 1, 2
  • SCHOLL, Hans 1
  • SCHOLL, Sophie 1
  • ŠEDÁ, Kateřina 1, 2, 3, 4, 5
  • SEEGER, Pete 1
  • SEIP, Sierra 1
  • SEIXAS MAGALHÃES (DE), José 1
  • SELVAGGIO, Leo 1
  • SEMERIA, Marine 1
  • SENTINELLES SILENCIEUSES 1
  • SERVIN, Jacques 1, 2
  • SHALEV-GERZ, Esther 1
  • SHEPARD, Mark 1
  • SHERK, Bonnie 1, 2, 3
  • SHIMABUKU 1, 2, 3, 4
  • SHUFUREN 1
  • SHULGIN, Alexei 1, 2
  • SIERRA, Santiago 1, 2
  • SIEV, Adam 1
  • SISCO, Elizabeth 1
  • SISTERS UNCUT 1
  • SITHOLE, Thoba Calvin 1
  • SITUATIONNISTES 1, 2
  • SKAGGS, Joey 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
  • SKALI, Ghita 1
  • SKIBA, Krzysztof 1
  • SLOMINSKI, Andreas 1
  • SMITH, Olivia 1
  • SMITH, Tommie 1
  • SNOWDEN, Edward 1, 2, 3
  • SOCIÉTÉ RÉALISTE 1
  • SŒURS DE LA PERPÉTUELLE INDULGENCE 1
  • SOLDATS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE 1
  • SOLIDARNOŚĆ 1, 2, 3
  • SOLOMON, Daisy 1
  • SONNY HALAS, Miloslav 1
  • SOUADE SOW, Fanny 1
  • SOUANÉ, Almamy Fossar 1
  • SPACE HIJACKERS, THE 1
  • SPIES, Manfred 1
  • SPRINKLE, Annie M. 1, 2
  • STAAL, Jonas 1, 2, 3
  • STAAL, Lara 1
  • STEGEMAN, Derk 1
  • STEPHENS, Elizabeth M. 1
  • STREAKERS 1
  • STRELZYK, Doris, Peter et leurs enfants 1
  • STRÖMBECK, Lisa 1
  • STYLITES HINDOUS 1
  • SUFFRAGETTES 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
  • SUH, Krista 1
  • SUMELL, Jackie 1
  • SUPERFLEX 1, 2
  • SURVEILLANCE CAMERA PLAYERS 1
  • SWAMY, Nanjunda 1, 2
  • SWIFT, Jonathan 1
  • SZOMBATHY, Bálint 1
  • TAKALA, Pilvi 1, 2, 3
  • TANAKA, Koki 1
  • TANK MAN 1
  • TEE, Alex 1
  • TÉLLEZ, Javier 1
  • TERAN, Michelle 1
  • THOMAS, Margaret Haig 1
  • THOMAS, Ray 1
  • THOREAU, Henry David 1, 2, 3
  • TIDER, Andrew 1
  • TIRAVANIJA, Rirkrit 1
  • TOCHE, Jean 1
  • TOGUO, Barthélémy 1
  • TÓT, Endre 1
  • TOUAREGS 1
  • TRAPPEURS 1
  • TREMAYNE, Ellen 1
  • TREMBLIN, Mathieu 1, 2
  • TROCKEL, Rosemarie 1
  • TROFFEA 1
  • TRUE LEVELLERS 1
  • TRUNDLE, Elisabeth 1
  • TUMULTUEUSES, LES 1
  • TWCDC (Together We Can Defeat Capitalism) 1
  • ÜBERMORGEN 1
  • UKELES, Mierle Laderman 1, 2
  • ULAY 1
  • ULJEE, Alison 1
  • ULTRALAB1
  • UNTERGUGGENBERGER, Michael 1
  • URGENDA 1
  • VALÈGES, Fernand 1
  • VALIE EXPORT 1, 2
  • VALLANCE, Jeffrey 1, 2
  • VANDERME, Yann 1
  • VAN HECKE, Florian 1
  • VASILIEV, Danja 1, 2
  • VIÉNET, René 1
  • VILLAR, Alex 1
  • VILLIÈRE, Marianne 1
  • WALLRAFF, Günter 1
  • WEIBERRAT 1
  • WELESKI, Dawn 1
  • WELLES, Orson 1, 2, 3
  • WENDEL, Pablo 1
  • WENTWORTH, Richard 1
  • WERMKE, Matthias 1
  • WETZEL, Günter, Petra et leurs enfants 1
  • WHITEREAD, Rachel 1
  • WIHLIDAL, Klemens 1
  • WIKSTRÖM, Elin 1, 2, 3, 4
  • WILSON, Tess 1
  • WINKLER, Hans 1, 2
  • WINSTANLEY, Gerrard 1
  • WITCH (WOMEN’S INTERNATIONAL TERRORIST CONSPIRACY FROM HELL) 1, 2
  • WITNESS, Baring 1
  • WODICZKO, Krzysztof 1, 2
  • WOESTIJNE (VAN DE), Bart 1
  • WOSK, Mina 1
  • WOW (WOMEN ON WAVES) 1
  • WYN EVANS, Cerith 1
  • YAMAMOTO, Yasuo 1
  • YEOMANS, Amelia 1
  • YES MEN, LES 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
  • YILIN, Lin 1
  • YOUNG, Alfred 1, 2
  • YOUTH INTERNATIONAL PARTY 1
  • YUFENG, Deng 1, 2
  • YULU, Ge 1, 2
  • YUXWELUPTUN, Lawrence Paul 1
  • ZALAIT, Itay 1, 2, 3
  • ZAPATISTES 1, 2, 3
  • ZER-AVIV, Mushon 1
  • ZHENGHU, Feng 1
  • ZHICHAO, Yang 1
  • ZIKA, Damouré 1
  • ZTOHOVEN 1, 2, 3
  • ZWEIMAN, Jayna 1