Comment, dans un paysage politique en ruines, reconstituer la vérité des faits ? La réponse d’Eyal Weizman tient en une formule-programme: « l’architecture forensique ». Approche novatrice au carrefour de plusieurs disciplines, cette sorte d’architecture se soucie moins de construire des bâtiments que d’analyser des traces que porte le bâti afin de rétablir des vérités menacées. Impacts de balles, trous de missiles, ombres projetées sur les murs de corps annihilés par le souffle d’une explosion: l’architecture forensique consiste à faire parler ces indices.
Si elle mobilise à cette fin des techniques en partie héritées de la médecine légale et de la police scientifique, c’est en les retournant contre la violence d’État, ses dénis et ses « fake news ». Il s’agit donc d’une « contre-forensique » qui tente de se réapproprier les moyens de la preuve dans un contexte d’inégalité structurelle d’accès aux moyens de la manifestation de la vérité.
Au fil des pages, cet ouvrage illustré offre un panorama saisissant des champs d’application de cette démarche, depuis le cas des frappes de drone au Pakistan, en Afghanistan et à Gaza, jusqu’à celui de la prison secrète de Saidnaya en Syrie, en passant par le camp de Staro Sajmište, dans la région de Belgrade.
Eyal Weizman, né en 1970 à Haïfa, est depuis 2011 le directeur du laboratoire Forensic Architecture à l’Université Goldsmiths (Londres) et l’auteur de nombreux livres, dont À travers les murs. L’architecture de la nouvelle guerre urbaine, La Fabrique, Paris, 2008.