Quand quatre jeunes de banlieue se prennent d’écrire leur quotidien avec un de leurs éducateurs , ça envoie du lourd. Entre provocations policières, soirées à tchatcher dans les halls d’immeuble, jugements et appels, embrouilles à la con, boulots foireux, visites en prison, heures d’ennui et éclats de rire, c’est le quotidien d’un quartier populaire comme tant d’autres qui est raconté.
Le quotidien d’une France qui peut exploser à tout moment, qui ne veut pas être un exemple ni un modèle, qui témoigne de la vie, mais aussi de la mort. Un quotidien où l’on enrage plus souvent qu’à son tour, mais où l’on trouve encore la force d’en rire. Un quotidien où des professionnels se démènent pour sauver ce qui peut l’être encore. Où l’on se demande même, par moments, si l’on n’aurait pas plus intérêt à ce que tout pète. Un quotidien que les médias ignorent, que les jeunes taisent parce que trop criant d’être aussi banal que brutal. Un quotidien où la solidarité est à l’œuvre, où les choses se vivent et s’éprouvent plus qu’elles ne se disent – sauf quand on se décide à prendre son stylo et à écrire, entre rires et larmes, la cité.
Car c’est sans doute des mots que viendront les solutions. La découverte de l’écriture et du pouvoir de ces foutus mots. Face à des flics. Face à des juges. Face à soi-même.
Alexandre Philibert, Rachid Ben Bella, Sylvain Érambert et Riadh Lakhéchène sont quatre garçons d’une vingtaine d’années, qui ont grandi comme tant d’autres entre les tours d’une cité de la grande banlieue parisienne. Pendant un an, ils ont participé, avec leur éducateur, Joseph Ponthus, à un atelier d’écriture. La consigne de ce chantier éducatif était simple : raconter, avec leurs mots, tout simplement comment cela se passe : l’école, la rue, la police, les amours, la prison, les parents, la religion, le travail… Écrire leurs vies, celles de ceux que les médias appellent, en parlant le plus souvent à leur place, des « jeunes de banlieue ».
Le livre raconte au jour le jour ce processus d’écriture, mêlant plusieurs voix et différents types de textes – journal écrit au mitard, lettres au juge, récits de souvenirs d’enfance… Car c’est cela, au-delà d’une chronique de la cité par ceux qui y vivent, qui constitue le véritable objet du récit : comment passer à l’écrit, apprivoiser le stylo ? Où l’on apprend que l’écriture, elle aussi, est un combat.
Postface de Jane Sautière